Informations générales
Événement : 80e Congrès de l’Acfas
Type : Colloque
Section : Section 600 - Colloques multisectoriels
Description :L’objectif général du colloque est d’identifier de nouvelles pistes et de nouvelles méthodes de recherche permettant de lier les approches théoriques et méthodologiques propres à l’analyse des réseaux sociaux et à celle des réseaux sémantiques lors de l’étude de l’émergence de communautés ou de réseaux de savoirs.
L’étude des réseaux sociaux correspond à l’analyse des structures des relations qui s’établissent entre des personnes autour de certains contenus relationnels, alors que l’étude des réseaux sémantiques est l’étude des structures et des processus reliant des unités de sens. Les études des réseaux sociaux s’articulent généralement à partir de contenus prédéterminés (conseil, soutien affectif, échanges économiques, etc.). Le contenu partagé demeure ainsi à l’arrière-plan du travail d’analyse. L’étude des réseaux sémantiques, quant à elle, s’effectue à partir de l’analyse des interrelations entre les concepts. Les relations entre les unités (personnes, textes et agents) sont à leur tour en arrière-plan et ne sont pas considérées. Malgré leur parenté manifeste, peu d’études ont tenté de concilier les aspects sociaux et sémantiques des réseaux, c’est-à-dire d’un groupe d’agents interreliés qui partagent un ensemble structuré de concepts.
Ces deux champs d’études se rencontrent et sont confrontés à de nouveaux problèmes lors de l’étude de l’émergence des communautés de savoirs. D’un point de vue général, survient alors le problème des dynamiques d’interaction entre la communication et la cognition sociale, et d’un point de vue plus formel, celui des dynamiques d’interaction entre les réseaux sociaux et les réseaux sémantiques. La rencontre de ces champs est à l’interface des sciences sociales et des sciences cognitives. Chaque tradition de recherche apporte des éléments de réponse, mais elles sont limitées par leur propre perspective.
Date :- Pierre Poirier (UQAM - Université du Québec à Montréal)
- Johanne Saint-Charles (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Programme
Ouverture
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Mot de bienvenueJohanne Saint-Charles (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Des méthodes
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Les défis de la cueillette de données pour réaliser une analyse de réseaux sociosémantique : le terrain du Laboratoire expérimental de délibération sur l'éducationPierre MONGEAU (UQAM - Université du Québec à Montréal), Francois P. Robert (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Cette communication porte sur les défis qu'a posé de recueillir l'information pour reconstituer les réseaux de personnes et d'idées lors d'une démarche délibérative à plus de 100 individus tenue le 28 janvier 2012. La méthode pour accumuler suffisamment de données tangibles a utilisé diverses stratégies méthodologiques allant des questionnaires quantitatifs pré et post événement, d'entretiens semi-directifs et de l'usage d'autocollants lors de la délibération.
La communication présente la stratégie de recherche visant à cartographier la délibération dans ce contexte par l'analyse de réseaux de personnes (sociaux) et des idées (sociosémantique). Le terrain de la recherche, en mode laboratoire, reprend la formule de l'Institut du Nouveau Monde (informer-débattre-proposer). Cette recherche vise, entre autres, à vérifier l'hypothèse selon laquelle le discours des personnes influentes est en grande partie déterminé par le discours des personnes influencées, renversant ainsi l'idée que seuls les leaders d'opinion influenceraient les débats. Ainsi, l'analyse et l'interprétation des données permettra d'affirmer que l'opinion desdits leaders est, au contraire, influencée par les débats. -
Procédure de construction de réseaux sociosémantiquesPierre Mongeau (UQAM - Université du Québec à Montréal), Pierre PLANTE (UQAM - Université du Québec à Montréal), Johanne SAINT-CHARLES (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Nous présenterons une procédure permettant de dégager un réseau sémantique de similitudes entre des textes produits par des individus (réponses à des entrevues, à des questions ouvertes ou autres productions écrites). Les différentes étapes de la procédure seront expliquées, puis nous présenterons un logiciel pouvant effectuer ces calculs. Nous explorerons à partir de données issues de différents corpus les liens entre les paramètres du réseau sociosémantique (corrélations de matrices, centralités, sous-réseaux, etc.) et ces mêmes paramètres pour différents réseaux de relations interpersonnelles établis à partir d'un questionnaire sociométrique (contacts, conseils, publications, soutien, etc.).
Études de cas
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Discours et relations en contexte de diffusion : différences entre les hommes et les femmesFrédéric MERTENS (Universidade de Brasília), Pierre MONGEAU (UQAM - Université du Québec à Montréal), Marie Eve Rioux-Pelletier (UQAM - Université du Québec à Montréal), Johanne SAINT-CHARLES (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Les hommes parlent de sports et les femmes parlent chiffons. . . du moins voilà un stéréotype souvent entendu qui reflète l'idée que les hommes et les femmes auraient des intérêts divergents. En fait, des études montrent que l'on considère fréquemment comme plus importants les sujets discutés avec des personnes de son propre sexe/genre et comme triviaux les sujets discutés par l'autre sexe/genre. Nos études sur les réseaux de discussion de nouvelles pratiques en santé environnementale au sein de communautés en Amérique latine, nous ont amenés à conclure que, dans un contexte social donné, les femmes et les hommes sont effectivement interpelés par les intérêts et par les expertises qu'on leur reconnait. Ce phénomène a eu une influence sur la structure du réseau de discussion et sur la diffusion et l'adoption de nouvelles pratiques en santé environnementale. Nous présentons ici les principales conclusions permettant de composer avec les différences de structuration des réseaux de relations interpersonnelles en lien avec les sensibilités aux contenus dans un contexte d'intervention en écosanté.
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La négociation des contributions dans les wikis publics ou les modalités de création d'une pertinence épistémique dans un régime de cognition distribuée
La cognition distribuée (qui décrit le caractère social, collectif ou outillé des processus de cognition) et l'épistémologie sociale (qui s'intéresse aux conditions normatives de la production de savoirs) sont deux domaines de recherche dont les liens sont encore peu étudiés. Nous avions travaillé à l'analyse de cette relation en observant les modalités d'intervention dans des communautés épistémiques ouvertes utilisant des wikis publics, c'est à dire des sites web éditables par tous leurs participants. L'analyse que nous présentons est issue de notre travail de doctorat sur la négociation des contributions dans les wikis publics. Notre travail d'observation empirique a consisté à analyser des discussions relatives à la validité de connaissances au sein de trois communautés épistémiques utilisant un wiki public. Plus précisément, nous nous sommes appuyés sur une modélisation des fils de discussion pour observer les modalités d'ouverture d'une négociation jusqu'à sa conclusion en terme à la fois sociaux et épistémique.
D'un point de vue théorique, nous faisons ainsi dialoguer les théories de la cognition sociale et celle l'épistémologie sociale en cherchant à comprendre comment, dans un régime de cognition collective, les contributeurs font émerger des connaissances et des critères de validité tout en (a)ménageant le lien social. -
L'espace sociosémantique des communautés épistémiques : une étude de cas sur le concept d'ACCOMMODEMENT dans la presseJean-François Chartier (UdeM - Université de Montréal)
La numérisation massive des documents textuels (e.g. presse, dictionnaire, livre, web, etc.) créer l'opportunité d'un changement d'échelle dans l'enquête scientifique. Pour étudier le contenu de milliers de documents, on utilise des méthodes informatiques algorithmiques (i.e. text mining). Un nouveau secteur des sciences humaines semble émerger : les humanités numériques.
L'objet d'étude qui nous intéresse est les communautés épistémiques (CE) : communauté d'agents producteurs de connaissances comme les journalistes, les scientifiques, les blogueurs, les contributeurs à Wikipédia, etc. Notre objectif est d'étudier les produits cognitifs (les textes) de ces CE afin de dégager des structures et des dynamiques générales.
On se donne comme définition de travail qu'une CE représente le plus grand ensemble d'agents liés socialement et qui partagent et utilisent un même concept.Notre hypothèse de recherche est que, bien que ces CE soient marquées par une division du travail sémantique et une constante innovation, l'utilisation d'un concept — via l'usage de mots — obéit à des régularités statistiques qui rende son expression lexicale partiellement prévisible. Dans un premier temps, on présente une modélisation des CE en termes d'espace sociosématique et les premiers résultats d'une étude de cas sur un débat public où l'espace sémantique du concept est balisé par des règles pouvant être interprétées en termes de consensus social.
Quelques théories
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Les « phénomènes web » ou mêmes numériques : à l'intersection des réseaux sociaux en ligne et des réseaux sémantiquesMaude Bonenfant (UQAM - Université du Québec à Montréal)
À l'instar de plusieurs chercheurs qui ont développé la mémétique (pensons à Sperber), les internautes définissent les phénomènes web à partir de la théorie du « meme » de Dawkins et utilisent eux-mêmes ce concept pour décrire la forme et la manière dont certaines informations circulent par « imitation » ou réplication. Or, plus qu'un moyen de définir la circulation de l'information, nous croyons que le mème est un élément constitutif de certaines relations en ligne et nous posons l'hypothèse qu'il contribue à la structuration de certains réseaux sociaux numériques basé sur la participation.
Dans le cadre de cette communication, nous présenterons cette hypothèse issue d'une nouvelle recherche qui débute à l'hiver 2012 et qui, grâce à l'exemple des mèmes numériques, a pour visée l'analyse des dynamiques d'interaction entre les réseaux de relations interpersonnelles et les réseaux sémantiques dans les communautés en ligne. À partir de la littérature déjà produite sur les communautés en ligne, nous définirons davantage cette fonction sociale des mèmes, leurs impacts et leurs conditions d'existence et de prolifération dans les communautés en ligne en mettant en lien nos observations faites sur les phénomènes web et celles sur les réseaux sociaux. Grâce à une équipe de recherche interdisciplinaire, ce projet permettra la mise en commun de différentes perspectives afin de réfléchir à la problématique plus large de la relation entre communication et cognition sociale.
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Trouver la bonne « spin » : une théorie de marketing viral optimalPier-André Bouchard St-Amant (Queen's University)
Il s'agit d'un cadre théorique pour l'étude des communications virales à travers un modèle de principal-agent : la principale dérive de l'utilité d'un signal diffusé dans la société alors que les agents de la société se parlent entre eux. Une société est susceptible de produire une bulle virale s'il existe une petite boucle d'agents qui renforcent le message original. Si la société est en état-stationnaire, ou si la principale est impatiente, cette dernière est susceptible de choisir du marketing de masse, lui procurant un effet plus faible. En revanche, si elle est patiente, ou si la société est hors de son état-stationnaire, elle préférera une stratégie virale avec des effets plus forts. En tout et pour tout, le modèle suggère que la manière dont l'information est partagée dans une société influence la dynamique transitoire d'une économie. Les applications sont aussi variées que le marketing standard, l'analyse des cycles conjoncturels, l'économie politique et les stratégies d'annonces de banques centrales.
Des modèles
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Modèle distribué de socialisation pour le partage efficace de l'informationMélanie Lord (UQAM - Université du Québec à Montréal), Daniel MEMMI (UQAM - Université du Québec à Montréal), Pierre POIRIER (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Le développement rapide des technologies favorisent l'accès à plusieurs communautés virtuelles et proposent de nouveaux lieux de socialisation et de collaboration dont on peut tirer parti pour mieux canaliser les ressources informationnelles. L'acquisition d'informations dépend de plus en plus de la capacité et de la motivation des individus à maintenir les « bonnes connexions » au sein de ces divers milieux sociaux. La socialisation est un mécanisme efficace dans l'acquisition de connaissances. On parle ici de connaissances en termes de savoir (ce que l'on connaît), mais aussi en terme de contacts personnels (les individus que l'on connaît). Cependant, en réalité, des contraintes de temps et d'accessibilité limitent nécessairement nos interactions sociales. Nous proposons donc un modèle distribué de socialisation, capable de gérer un réseau social virtuel évolutif, qui crée, renouvelle, et maintient automatiquement les "bonnes connexions" entre les individus. Nous croyons que la socialisation contribue à la restructuration des réseaux sociaux en favorisant le regroupement des individus qui ont des intérêts communs et que ces regroupements facilitent ainsi le partage d'informations pertinentes entre les individus de profils similaires.
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Réseaux sémantiques et texteJean-Guy Meunier (UQAM - Université du Québec à Montréal)
La problématique de l'interrelation des réseaux sociaux et des réseaux sémantiques suppose une théorie explicative de chacun de ces deux concepts clefs. Celui qui retiendra notre attention ici sera celui de réseau sémantique.
En première lecture, ce concept possède une signification relativement intuitive du moins pour ceux qui l'utilisent : il s'agit d'une mise en relation de significations. Mais trois problèmes immédiats découlent cette définition : 1) quels sont exactement les entités sémantiques mises en relation ? 2) où trouve-t-on ces entités sémantiques ? 3) quelle est la nature de cette mise en réseau?
Une réponse ou l'autre à ces questions détermine des réponses aux autres. Si par exemple, on répond qu'un réseau sémantique contient « ce dont parlent » les membres d'un groupe social particulier, il est probable que l'on étudiera dans des conversations ou des textes. Ainsi il faut se demander ce qui est concrètement l'objet de l'analyse. Dans les faits, les « observables » seront des mots ou des phrases d'un texte (ou des transcriptions des conversations) lesquels seront regroupés en ensemble dont on dira qu'il forme un réseau.
Dans la présente communication, nous étudierons ce concept de « réseau sémantique » pour dégager certains des éléments théoriques qu'il sous-tend. Nous verrons que ce concept de réseau sémantique relève, dans ses origines, d'un paradigme logico-linguistique et informatique très spécifique.