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Informations générales

Événement : 80e Congrès de l’Acfas

Type : Colloque

Section : Section 600 - Colloques multisectoriels

Description :

La désexualisation des statuts sociaux et des rôles familiaux en Occident a fait s’évanouir les évidences du passé sur les identités sexuées. L'égalisation des parcours dans la sphère socioprofessionnelle et l'accès désormais partagé au projet d'enfant ont brouillé les catégories usuelles qui permettaient de penser le féminin et le masculin. Comment s'assurer de son identité de femme quand on ne dispose plus de façon exclusive de la prérogative maternelle? Où loger sa féminité quand ses signes extérieurs sont assimilés à une soumission aux injonctions masculines? Comment « être homme » quand la doxa sociale tend à délégitimer le viril? Peut-on se poser légitimement la question de l'existence d'une condition « féminine » et d'une condition « masculine »? En un mot, quels sont les ressorts d'un enracinement de ce que nous proposons de continuer d'appeler le féminin et le masculin, mais dont la définition pose aujourd'hui question?

Une réflexion s'impose qui devra, dans une perspective pluridisciplinaire, explorer les chemins empruntés par les hommes et les femmes pour se penser et se donner à voir comme des individus de sexe masculin ou de sexe féminin. Sans nier la permanence d'une emprise du social sur les destins individuels, il faut remarquer que ceux-ci se présentent aujourd’hui comme des projets personnels susceptibles de suivre toutes sortes de trajectoires. Pour comprendre comment hommes et femmes s’assument en tant que sujets autonomes sexués, et ce, dans les dimensions privée et publique de leurs existences, plusieurs thématiques devront être abordées : le souci esthétique et la séduction, la maternité et la paternité, les relations entre les sexes, la recomposition des rôles, etc. Il s'agira de mettre au jour les modalités d'un rapport à soi et au monde inédit, orienté vers l'horizon de l'égalité de sexes, déterminé par le primat social de l'individualisme, mais enjoint dans le même temps à une certaine incarnation de la différence de sexe.

Dates :
Responsables :

Programme

Communications orales

Théories du féminin et du masculin

Présidence : Camille Froidevaux-Metterie (Université de Reims Champagne-Ardenne)
  • Rôles féminins et masculins dans "The Feminine Mystique" de Betty Friedan
    Stéphane Kelly (Cégep de Saint-Jérôme)

    Dans cette communication, nous allons revisiter un classique de la pensée féministe américaine, le célèbre The Feminine Mystique, publié en 1963, il y a bientôt cinquante ans. Si Betty Friedan analysait surtout la condition de la femme américaine, elle commentait aussi d'autres sujets, comme les générations, le couple, la famille démocratique, ainsi que l'éducation des jeunes hommes et des jeunes femmes. La relecture de cet essai, aujourd'hui, permet certes de voir la vitesse du changement social du point de vue des rapports hommes-femmes. Mais elle pointe aussi vers des réflexions surprenantes sur le masculin et le féminin, qui mériteraient d'être aujourd'hui approfondies et débattues.

  • Féminin(s), Masculin(s), entre pluralisation de l'offre identitaire et nouvelles formes de subjectivation
    Marie-Joseph Bertini (UNS - Université Nice Sophia Antipolis)

    Les formes de parentalité sous-tendant les nouvelles formes de sociabilité se réorganisent non plus autour d'un axe central, principe de hiérarchisation et de centralisation, mais autour d'une multitude d'axes d'où émerge un monde où chaque individu est désormais en situation de participer à la production collective de sens, libérant sa capacité de produire ses propres croyances, idées et valeurs. La post-modernité et les théories culturalistes nous aident à penser relativisme et individualisme comme des modes d'assentiment au singulier, à l'aléatoire, au provisoire, repoussant dans le même mouvement l'argument d'autorité de la nécessité cachée et les régularités artificielles au nom desquels la violence de l'ordre symbolique s'exerce. Dans ce bouleversement, la différence des sexes et l'inégalité sociale, culturelle et symbolique qui la structure, tendent à s'effacer au bénéfice d'une redistribution complexe des rôles et des fonctions – ainsi que des valeurs qui leur sont attribuées – entre les femmes et les hommes. En nous incitant à nous pencher sur de nouvelles manières de faire société, en proposant les cadres d'une nouvelle articulation entre savoir et pouvoir, c'est à énoncer les conditions de possibilité d'un accès égal et partagé des femmes et des hommes au monde mental et social post-moderne que cette communication s'attachera, autrement dit à faire émerger les pré-requis philosophiques et anthropologiques d'un nouveau dialogue entre féminin(s) et masculin(s).

  • Reprendre la question du genre, au lieu de défaire le genre
    Daniel Dagenais (Université Concordia)

    Le féminin et le masculin renvoient à la différence des genres qui procède elle-même de la distinction de sexe, soit d'un principe unitaire ayant trait au rôle du genre dans la socialité. Chaque type de société a réaménagé anthropologiquement la division par sexes de l'espèce humaine. Aux deux extrêmes de l'histoire on retrouve, à l'origine, l'existence objective des genres (objective en ce que les attributs propres à chacun d'entre eux sont projetés sur le monde où ils apparaissent comme réifiés dans des lieux et des activités où le genre propre se réalise) ou, au final, l'existence subjective des genres (dont les attributs ne résument plus un être parce que devenus ceux d'une subjectivité qui accepte de les réaliser auprès d'une autre subjectivité de sexe opposé). Le pari moderne de faire tenir la rencontre des sexes sur la rencontre de deux individus de sexe opposé a tenu aussi longtemps que la mise à l'abri ("naturelle") des genres n'a pas été absorbée par l'individualisme abstrait dont le lieu de manifestation était l'espace public. C'est l'épuisement de cette dialectique qui ouvre la possibilité (réelle, mais largement fantasmée) de défaire le genre, comme il rend possible la ressaisie du genre comme dimension anthropologique de notre être historique que la subjectivité ne peut restituer dans toute sa plénitude. La communication présentée se propose de réfléchir à l'intérieur de ces balises, entre Irène Théry (La distinction de sexe) et Judith Butler (Undoing Gender).

  • De l'hospitalité : penser la différence sexuelle avec Levinas et Derrida
    Cristina Morar (Université d’Ottawa)

    Dans cette communication, il s'agira de discuter, à partir de la critique que fait Derrida de la notion levinassienne du féminin, des nuances dans les réflexions éthiques des deux philosophes. À première vue, la notion levinassienne du féminin paraît rompre avec la subordination traditionnelle de la féminité. Dans son maître œuvre Totalité et infini, Levinas fait du féminin la première manifestation de l'altérité qui conditionne le recueillement du sujet dans l'intériorité du "chez soi" et achève ainsi le mouvement de constitution de l'intimité, le prédisposant à l'accueil. Cette manière de singulariser l'exister féminin, lui assignant l'espace de l'accueil et donc de la demeure, représente-t-elle "une nouvelle “pensée”" pour la femme ou ne vient-elle pas plutôt reconduire son "impuissance" et sa "fragilité" coutumières ? Jacques Derrida n'a pas manqué de relever la tension qui habite la pensée levinassienne du féminin. Si Levinas semble avoir mieux qu'aucun autre perçu dans les rôles d'épouse et de mère le motif d'une subjectivité éthique, il convient tout de même de se questionner sur ce que cela implique d'attribuer à la féminité cette responsabilité inouïe. Que signifie le fait d'attribuer ces qualités à la femme, pourquoi le don de soi serait-il maternel ? Pourquoi cette nécessité d'appeler aux marques sexuelles pour penser le soi et son rapport à l'autre ? Est-il possible de penser autrement la relation humaine, au-delà de l'opposition féminin/masculin ?

  • L'Odyssée masculine
    Marc Chevrier (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    L'écrivain britannique Gilbert K. Chesterton a écrit que tout homme est inévitablement un homme féminisé, en ce qu'il a dû recevoir pour une bonne part son éducation des femmes, ce qui implique qu'il existe aussi des hommes masculins, dans le sens où leur éducation a été reçue plutôt d'autres hommes. C'est en partant de cette distinction que nous retournerons à une œuvre fondatrice, celle d'Homère, pour penser l'articulation et la genèse de deux types masculins fondamentaux. Dans les chants homériques, tantôt les hommes font sécession des femmes pour s'éduquer entre eux et faire la guerre, tantôt ils restent avec les femmes ou continuent de recevoir d'elles leur vérité ou la mesure de leur valeur. Ulysse lui-même balance entre la vanité errante de la sécession masculine et la peur de la fusion matrimoniale et sexuelle avec la femme. C'est seulement après avoir navigué entre ces deux pôles, qu'il parvient à réconcilier les dimensions masculine et féminine en lui. Notre interprétation se distinguera ainsi de celle de Max Horkheimer et Theodor W. Adorno qui font d'Ulysse un seigneur féodal exploitant par la ruse instrumentale les victimes sacrifiées à sa liberté et notamment les femmes, réduites aux figures de la courtisane et de l'épouse. Nous terminerons en tentant de voir en quoi la fable homérique peut nous éclairer sur les chemins qu'empruntent aujourd'hui les hommes pour « se faire hommes » - entre eux et avec les femmes, qui ne sont ni des Pénélope ni des Circé.


Communications orales

Représentations du féminin et du masculin

  • L'art des femmes, de l'identité revendiquée au genre décomposé
    Lucille Beaudry (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Dans la foulée du mouvement féministe déployé depuis les années 1970, l'art des femmes s'est affirmé principalement comme un art identitaire en quête de reconnaissance; et il a progressivement évolué vers un art exprimant la pluralisation des identités des femmes, jusques et y compris des identités changeantes. La lecture de certaines œuvres permet en effet de mieux appréhender la notion complexe, voire multiple de l'identité en évitant de la fixer dans une définition unique. C'est ainsi sous l'angle d'une critique de la représentation des femmes que des activités artistiques accomplies par des femmes ont affirmé le refus du déterminisme biologique tout autant que celui de l'assignation sociale du genre. En bousculant les frontières de l'identité sous de multiples formes, c'est non seulement la critique de la représentation qui confère à l'art des femmes une part de son efficacité sociale et politique mais paradoxalement son indétermination et son questionnement.

  • Le travail du clown aujourd'hui : universalité et émancipation des genres
    Delphine Cezard (Université de Provence Aix-Marseille)

    Les pratiques sociales liées au rire ont participé à la création et au maintien de la typification des sexes en genres. Si les stéréotypes donnent à voir la femme réceptive et l'homme producteur, il en va de même pour leur pratique du rire. En outre, les représentations et les stéréotypes respectifs du clown et de la femme les enferment dans des valeurs qui s'opposent. Le système de référence et de communication entre les genres force l'écart entre la grossièreté, la dépravation, l'ivrognerie, rattachées à la figure du clown, et la maîtrise, la beauté, demandées à la femme. Le travail créateur du clown depuis une trentaine d'année se propose de dépasser ces données sociales de genre à la fois par le renouvellement de l'art du clown mais aussi de la femme en son sein. En effet, le clown est un personnage qui ne requiert, dans ses conditions d'existence, aucun passé ni aucune identité sexuelle. Etant donné que le comédien travaille son clown à partir de sa personne, son sexe n'importe que peu par rapport à sa personnalité. Le costume du clown est l'indicateur de ce mouvement commun de libération. Le costume permet, en détournant le vêtement, de questionner et donc de libérer des contraintes sociales inhérentes aux genres. Si les hommes clowns se plaisent à porter des vêtements réservés aux femmes, ce n'est pas uniquement dans une optique comique, mais en correspondance avec la libération de leur identité, qui comporte autant de caractéristiques "féminines" que "masculines".

  • De la mascarade féminine aux parades masculines : étude de la construction des représentations de genre dans la presse magazine de mode
    Justine Marillonnet (Université de Lyon)

    Si le procès des féministes à l'égard de la presse féminine a été vif ces dernières décennies, il est aujourd'hui question d'une nouvelle condamnation : celle du stéréotype de l'homme parfait dans les médias. Difficile construction des représentations du genre masculin, après plusieurs siècles d'un monde objectivement organisé à travers leur seul regard, dans lequel les hommes "étaient" et les femmes "paraissaient". Inversion du phénomène : la mascarade ne serait plus l'apanage des femmes. Et si la masculinité, tout comme la féminité, était un "masque". L'étude des représentations médiatiques du genre masculin et du genre féminin dans les images de mode de la presse magazine française introduira cette problématique. À la lumière des apports théoriques et méthodologiques des sciences de l'information et de la communication, de la sociologie du genre et de la sociologie de la mode, cette analyse répondra à un double objectif : démontrer la fonction d'indicateur du social de l'objet "image de mode" et proposer des conceptions du masculin et du féminin qui soient complémentaires dans le système mobile et pluriel du "genre" et non plus rivales ou opposées. Ces deux projets s'associent dans un ultime dessein : suggérer la possible négociation des normes genrées par le langage de la mode et le langage du corps, et entrevoir la possibilité d'une représentation médiatique stéréotypée mais non aliénante des sujets genrés, possiblement prescriptrice d'anticipation sociale.

  • Égalitarisme dans les Forces armées canadienne? : quand le féminin se calque sur le masculin
    Isabelle Gusse (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Notre communication regarde le domaine spécifique de la communication gouvernementale. Elle porte sur les communications publicitaires et promotionnelles du site internet des Forces armées canadiennes (FAC) destiné au recrutement de jeunes gens de 18 à 34 ans, dont l'objectif est d'inciter les membres de ce groupe d'âge ciblé, entre autres les femmes, à s'enrôler en arguant qu'ils et elles pourront bénéficier d'une formation technique haut de gamme. Deux questions balisent l'exploration et l'observation de ce support promotionnel. Premièrement, quels mythes relatifs aux relations professionnelles et sociales qui prévalent entre les militaires masculins et féminins et aux rôles qu'ils-elles occupent sont représentés et diffusés sur ce site? Deuxièmement, alors que l'accès des femmes à un bastion foncièrement et historiquement masculin est relativement récent, ces mythes et les représentations qu'ils portent traduisent-ils l'existence d'une identité militaire féminine distincte de l'identité masculine? Au delà du principe du droit à l'égalité ou d'un égalitarisme de bon aloi qui s'incarne dans l'uniformité des uniformes partagés, les femmes incarnées dans ces communications sont-elles des sujets autonomes sexués où se calquent-elles sur les modèles masculins dominants? L'étude des images et propos des sujets parlants féminins repérés dans une sélection des vidéos publicitaires et auto-promotionnelles diffusées sur ce site vise à apporter des éléments de réponse à ces questions.

  • Le masculin aujourd'hui : représentations et paradoxes identitaires
    Marie Hazan (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Entre symétrie et différence, il est difficile de penser les rapports entre les hommes et les femmes aujourd'hui. La confusion règne : la domination masculine est-elle révolue - à l'instar du primat du phallus - et l'égalité des sexes advenue? Si on pense l'égalité du côté de la symétrie, la différence est plutôt gommée et renvoyée du côté des stéréotypes, pourtant elle est fondatrice. Mais il faudrait la penser de manière novatrice, notamment avec la bisexualité psychique (David, Tort, Hefez). Les notions de crise du masculin et de condition masculine (Hazan, 2009, Dialogue) pourraient constituer pour les hommes un point de départ vers un questionnement identitaire entre virilité et masculinité, spécificité plutôt que domination. On verrait alors que le modèle de référence de l'homme dominant et le père symbolique ne sont plus autant soutenus dans l'ordre symbolique. Serait-on pour autant sous le règne de Big Mother (Schneider 2006) ? Pas nécessairement… La construction de l'identité masculine sera présentée à partir de ces questions et de l'analyse des rapports entre les hommes (pères-fils; frères) et avec les femmes, ainsi que leurs représentations dans la littérature, la Bible ou des personnages publics qui tendent à montrer que les relations entre hommes et dans le couple, se situent du côté de la fraternité et de la rivalité (Hazan, Quebecor 2010).

Communications orales

Incarnations du féminin et du masculin

Présidence : Martine Fournier (Sciences Humaines)
  • Chirurgie esthétique et identité sexuelle : de la quête identitaire réflexive à l'expression «essentielle» de soi
    Valérie Daoust (Université d’Ottawa)

    La société québécoise a connu ces 50 dernières années des changements importants en ce qui concerne les relations entre les sexes. On peut penser que ces changements ne conduisent pas à l'institution de modèles identitaires rigides et définis d'avance, permettant ainsi l'expression d'une plus grande variété d'identités sexuelles. Si les notions de femme et d'homme continuent de jouer un rôle important dans la définition personnelle de beaucoup d'individus, la manière de se constituer en homme et en femme semble impliquer aujourd'hui un projet réflexif, un questionnement sur soi (Anthony Giddens). Toutefois, la société de consommation nous encourage malgré tout à choisir parmi certains modèles (Zygmunt Bauman), là où l'on observe finalement que les normes esthétiques de sexe et de genre n'ont peut-être pas changé autant qu'on le penserait. Pour exposer mon propos, j'ai choisi de considérer le cas de la chirurgie esthétique, qui permettrait aux hommes et aux femmes de correspondre à des normes de sexe et de genre (Cressida Heyes). Le recours à ces chirurgies ne serait pas seulement lié à des critères esthétiques, mais également à une quête identitaire, où l'individu chercherait à faire exprimer une ‘essence' ou un soi intérieur féminin ou masculin par l'accentuation extérieure, c'est-à-dire par l'entremise du corps, de certaines caractéristiques associées au féminin et au masculin.

  • Masculin/féminin et assistance médicale à la procréation
    Jennnifer Merchant (Université Panthéon-Assas (Paris 2))

    L'assistance médicale à la procréation (AMP) permet aujourd'hui d'exaucer en partie le rêve de la féministe canadienne, Shulamith Firestone, qui appelait de ses voeux à "la véritable libération" de la femme, celle d'être séparée à jamais de son corps reproductif. Or les techniques d'AMP n'apportent pas que le "progrès" et sont instrumentalisées afin de faire perdurer des pratiques millénaires de discrimination contre les femmes. Ainsi, la sélection du sexe d'un foetus in utéro se poursuit en Inde et en Chine (pour limiter la naissance de filles), mais aussi en Occident (pour choisir le sexe de l'enfant, ou "family balancing"). S'appuyant sur les travaux pionniers de René Almeling, de la regrettée Gay Becker, et de nos propres travaux et entretiens en cours auprès de "donneuses" d'ovules (échantillon d'environs 600 femmes), cet exposé s'efforce de démontrer que la "véritable libération" des femmes grâce au développement des techniques médicales de procréation n'est pas à l'ordre du jour. Tout le contraire, puisque dans le déroulement de l'ensemble de ces pratiques, les travaux sur le terrain rendent compte de la persistance de stéréotypes lourds et inébranlables, emprisonnant les femmes et les hommes qui s'engagent dans ces pratiques dans une image à laquelle ils se doivent de correspondre : celle d'une mère et d'une "bonne mère" de surcroît, celle d'une femme qui "donne" ses ovules ou s'engage dans une gestation pour autrui, et enfin celle d'un homme par rapport à un père.

  • La construction d'une identité féminine ou comment la féminité est devenue problématique
    Camille Froidevaux-Metterie (Université de Reims Champagne-Ardenne)

    L'évolution récente de l'expérience féminine ressort selon nous d'une véritable mutation anthropologique, au travers notamment du processus en cours de désexualisation de la procréation. Du fait d'un certain nombre d'évolutions scientifiques et juridiques, la responsabilité du renouvellement des générations ne repose plus sur les seules épaules féminines. Le découplage du maternel et du féminin nous semble ainsi un horizon plausible. Il nous laisse devant une interrogation : où se loge désormais le féminin ? Nous postulons que le souci des femmes pour leur apparence participe de cette interrogation. L'obsession esthétique n'est pas qu'un phénomène médiatique, elle révèle le malaise de toutes celles qui ne savent plus comment attester de leur féminité maintenant qu'elles vivent et se pensent comme des sujets, dans la neutralité postulée de leur statut socio-professionnel. La quête de la beauté ne peut-elle pas être interrogée dans une perspective positive et identitaire ? Se faire belle, ce n'est pas céder aux diktats masculins exigeant des femmes qu'elles soient désirables ; ce n'est pas non plus souscrire aux impératifs socialement valorisés de la réussite et de la maîtrise de soi. Se faire belle, ce serait tout simplement se donner à voir comme un individu de sexe féminin dans un monde désexualisé. Les signes extérieurs de féminité pourraient ainsi être compris comme autant de signaux révélant derrière le paraître quelque chose de l'être de celle qui les renvoie.


Communications orales

Terrains du féminin et du masculin

Présidence : Martine Fournier (Sciences Humaines)
  • Vers une reconfiguration des modèles masculins? : le cas du mouvement des hommes en Suisse
    Hakim Ben Salah (UNIL - Université de Lausanne)

    Dans un contexte caractérisé par la remise en cause des modèles traditionnels de la féminité et de la masculinité, les mouvement sociaux apparaissent comme un lieu privilégié de redéfinition des modèles de genre, par la production et la diffusion de discours et de pratiques portant sur la place et le rôle de l'homme et de la femme dans nos sociétés. Nous analyserons un cas concret illustrant ce processus en nous appuyant sur notre terrain, le mouvement social des hommes en Suisse. Premièrement, en nous inspirant de recherches sur le mouvement des hommes menées dans divers contextes, nous proposerons une grille conceptuelle originale appréhendant les discours portant sur le masculin à l'aide de catégories sémantiques - sociale et légale, psychologique et comportementale, rapport à l'autre, ontologique, politique. Deuxièmement, sur un plan empirique, nous tirerons profit des résultats d'une enquête d'envergure nationale portant sur l'ensemble des organisations constitutives du mouvement des hommes, et dresserons un tableau complet des modèles masculins prônés au sein de ce mouvement. Nous montrerons dans quelle mesure la reconfiguration du genre à l'œuvre dans ce mouvement est marquée par le conservatisme, le proféminisme ou certaines configurations idéologiques nouvelles. En conclusion, nous mettrons en perspective les résultats obtenus dans cette recherche en effectuant une brève comparaison internationale (mouvements des hommes étasunien, canadien et australien).

  • L'intervention communautaire auprès de jeunes parents en difficulté : quelle place pour le masculin et le paternel?
    Simon Lapointe (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Les services sociaux et de santé présentent un visage féminin au point qu'on peut se demander si, dans ces contextes, hommes et femmes sont interchangeables. Ce questionnement s'est imposé dans le cadre d'une recherche s'intéressant à l'intervention auprès de jeunes parents en difficultés (précarité économique et sociale, fréquentation de la rue, etc.) dans un organisme communautaire de Montréal. Qu'implique cette intervention essentiellement portée par des femmes pour ces jeunes parents aux prises avec des rapports conflictuels avec leurs propres parents (maltraitance, ruptures, abandons) ? Par des entretiens menés auprès des intervenantes impliquées, nous avons dressé un portrait de leur compréhension des problématiques de ces jeunes et des enjeux spécifiques à leur travail. Nos résultats démontrent que, d'un point de vue psychologique, une pluralité de postures peuvent être adoptées dans la relation d'aide. Postures qui, bien articulées, permettraient de rendre compte autant de la fonction tenue par le pôle masculin que de celle associée au féminin tout au long du développement individuel – indépendamment du sexe de l'intervenant(e). Quels sont les ingrédients fondamentaux d'une intervention portée par des femmes propre à mettre en œuvre auprès des jeunes parents les éléments masculins et paternels ? Comment ne pas exclure les pères et la paternité de l'intervention ? La présence d'un homme réel est-elle souhaitable, son manque se fait-il sentir dans l'intervention ?

  • Rites de sexualisation dans l'école
    Denis Jeffrey (Université Laval)

    Dans le milieu scolaire, les comportements juvéniles qui accentuent les attributs sexuels sont l'objet d'inquiétude. Les vêtements qualifiés de sexy, qui ont pour caractéristique de dévoiler le corps féminin, seraient réservés aux femmes adultes qui ne sont pas des enseignantes. La neutralité sexuelle est donc préconisée dans l'école, autant pour les enseignant-e-s que pour les élèves. De leur côté, des jeunes garçons attirent l'attention avec des comportements qui manifestent une virilité exacerbée. Certains élèves s'adonnent ludiquement à des conduites d'incivilité, d'indiscipline et de micro-violence dans la classe pour affirmer leur virilité. D'autres accentuent leur identification à la culture masculine avec des comportements d'opposition et même d'aversion au monde scolaire associé aux qualités féminines. Les comportements anti-scolaires constituent pour eux des marques de virilité. Ils essaient donc de montrer, par leurs actions, leurs attitudes et leurs valeurs qu'ils sont de "vrais hommes" (phallophanie). Un jeune garçon peut avoir peur de passer pour un bon élève parce que ses camarades de classe considèrent qu'un bon élève manque de virilité. En somme, malgré cette tendance lourde de la culture scolaire à désexualiser l'école, il semble que plusieurs jeunes élèves s'emploient à manifester, sous un mode paroxystique, leur féminité et leur masculinité à travers des conduites sexuées.


Communications orales

Le féminin et le masculin au prisme de la famille

  • Mères au foyer de la classe moyenne dans le Québec des années 2000 : identité, statut, rôles sexués
    Annie Cloutier (Université McGill)

    23 % des mères québécoises sont à la maison auprès de leurs enfants. Qui sont-elles et pourquoi consacrent-elles une large part de leur temps au soin de leurs enfants, à l'organisation familiale et au travail domestique ? Ces mères entretiennent-elles une vision originale de l'identité, du statut et du rôle sexuel ? Quel sens l'égalité entre les femmes et les hommes revêt-elle pour elles ? La vision qu'elles ont d'elles-mêmes et de ce qui est "féminin" peut-elle être qualifié de féministe ? Le féminisme de ces dernières décennies insiste sur le fait que les tâches domestiques et les soins aux enfants ne sont pas l'apanage inéluctable des femmes et qu'ils doivent faire l'objet d'un partage équitable avec les pères. S'efforçant de décortiquer les mécanismes sociaux à l'œuvre derrière les occupations traditionnellement imparties aux femmes, de détacher l'identité féminine de la seule maternité et d'atténuer la différence sexuelle, il joue un rôle déterminant dans la désexualisation des identités, des statuts et des rôles sociaux au Québec. Afin de contribuer à la compréhension de la vision qu'ont les mères au foyer québécoises d'elles-mêmes et afin de contraster cette vision avec celle qu'entretient le féminisme québécois institutionnalisé, la présente contribution propose un résumé analytique des témoignages de dix mères au foyer de la région de Québec et le contraste avec les faits saillants d'une analyse de contenu du discours de la Gazette des femmes (2001-2010).

  • La sexualité adolescente : devenir soi-même par son genre?
    Jean-Christophe Demers (Université d’Ottawa)

    L'adolescence peut être prise comme le moment d'entrée active dans la société des individus. Plusieurs pratiques typiques de l'âge adolescent témoignent de son mandat d'éveil de l'individu au souci de sa propre réalisation personnelle. L'exigence croissante d'autocontrainte, d'autonomie et de singularisation semble indiquer un passage de plus en plus affirmé d'une sociabilité individualiste tournée vers l'idéal de raison et d'accomplissement statuaire, vers une sociabilité tendue vers l'idéal d'authenticité et de singularisation reportant au second plan l'importance des logiques institutionnelles. Dans une telle perspective, l'adolescence serait à comprendre comme un espace ouvrant vers la réalisation pratique de l'individualisme expressif. Pourtant, certaines pratiques adolescentes semblent difficilement compréhensibles en dehors de certaines catégories sociales instituées, et présentent des différences notables d'individu en individu sur la base de ces distinctions. C'est le cas des différences de genre, qui, dans le domaine de la sexualité, semblent résister et tenir face aux assauts répétés de l'exigence de subjectivation. La question que pose cette communication est la suivante : dans la mesure où la sexualité adolescente semble largement devenir un moyen privilégié et un passage obligé dans le développement de la subjectivité de l'individu, quelle est en son sein la place de l'altérité fondée sur le sexe et construite sous des figures de genre ?

  • La maternité intensive : un nouveau modèle d'affirmation du féminin
    Maya Paltineau (EHESS - École des hautes études en sciences sociales)

    Les mouvements féministes de ces dernières décennies ont cherché à détacher les femmes de l'assignation prioritaire à la sphère domestique. Ils ont abouti à un modèle social où la femme combine la double charge d'une activité professionnelle et des responsabilités familiales. Aujourd'hui, dans les classes moyennes et supérieures, apparait un contre-courant qui se soulève contre le diktat de la double journée de travail. Ce courant, que nous appelons la "maternité intensive", propose une autre définition du féminin. Il se rapproche des modèles traditionnels dans la pratique, mais pas du tout dans les représentations. Ce modèle social présente la maternité comme un outil d'affirmation identitaire et les femmes sont des sujets sexués autonomes. Celles-ci ne nient en rien les différences de sexe et prônent un féminisme différentialiste. Elles cherchent à atteindre l'égalité des sexes en passant par une différenciation des rôles sexués. Ce paradoxe comporte un rapport à soi et au monde totalement inédit, qui s'insurge contre la culture dominante et la maternité institutionnelle. Notre travail de terrain se compose de plus de 70 entretiens qualitatifs avec des mères et des pères intensifs, ainsi que de nombreuses observations dans des groupes de parents. Nous chercherons à mettre en évidence les nouveaux ressorts du féminin (et du masculin) que la maternité intensive fait émerger. Comment la maternité intensive nous aide-t-elle à comprendre et à définir le féminin aujourd'hui ?

  • Transmettre le genre : la fabrication d'une identité sexuée chez le bébé
    Agnès Pélage (UVSQ - Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines)

    Au-delà des discours sur la désexualisation des rôles familiaux et sur l'affirmation de l'égalité de traitement des enfants quel que soit leur sexe, que se passe-t-il dans les familles au moment de l'arrivée d'un enfant? Comment père et mère se débrouillent-ils avec les injonctions au traitement égalitaire des filles et des garçons et avec les incitations à différencier les identités féminines et masculines ? Comment se mobilisent-ils autour de l'accueil d'un nouvel enfant ? Comment cette mobilisation intègre-t-elle le sexe de l'enfant et met-elle en jeu leur propre identité sexuée ? Cette communication repose sur les premiers résultats d'une recherche en cours, menée en France, qui vise à décrire et à comprendre comment les parents donnent des soins à leurs bébés filles et à leurs bébés garçons. A travers des entretiens répétés, passés auprès de mères et de pères et à partir d'observations dans les familles, nous analyserons les préparatifs et les ajustements dans l'organisation familiale autour de la naissance. Nous porterons une attention particulière à l'importance accordée au sexe de l'enfant dans ces dynamiques, aux positions et pratiques respectives des pères et des mères. Seront ainsi analysés les souhaits et le désir de connaissance du sexe de l'enfant avant la naissance des pères et des mères, leur opinion et/ou leur implication dans les préparatifs autour de la naissance ainsi que certaines pratiques liées à l'apparence de l'enfant ou aux soins du corps du bébé.