Informations générales
Événement : 80e Congrès de l’Acfas
Type : Colloque
Section : Section 400 - Sciences sociales
Description :Les formes élémentaires de la vie religieuse (FEVR) est l'ouvrage d'Émile Durkheim le plus commenté au cours des dernières années. À l’occasion du centenaire de sa publication (1912), ce colloque porte sur les cent ans de réception et d'usages des FEVR et se concentre sur le double objet abordé par Durkheim dans ce travail : « la sociologie religieuse et la théorie de la connaissance ». Pour la science des religions, la théorie durkheimienne de la religion n’a cessé d’être débattue. Si la question du totémisme n'occupe plus la place de choix qui lui était dévolue au tournant du 20e siècle et si le matériel ethnographique sur lequel se fonde Durkheim n'est plus celui privilégié par les chercheurs, il n'en reste pas moins que la genèse et la fonction sociales attribuées à la religion par Durkheim restent aujourd'hui encore d’une grande actualité. Sur le plan de la théorie de la connaissance, les arguments durkheimiens inscrivant les catégories de l'entendement et les représentations collectives dans une étude tenant autant compte de la morphologie sociale que de la physiologie sociale sont toujours pertinents et restent au centre des débats qui persistent sous plusieurs formes : naturalisme/constructivisme, réalisme/nominalisme ... Mais, tout comme le soulignait Durkheim il y a cent ans, les préoccupations suscitées par ce double objet débordent leurs domaines spécifiques au profit d’une seule qui les englobe : une théorie de la société. C’est sans doute en cela que les FEVR sont un « centenaire qui vieillit bien »!
Date :- François Pizarro Noël (UQAM - Université du Québec à Montréal)
- Jean-Marc Larouche (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Programme
Les réceptions des formes 1
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Mot de bienvenueFrançois Pizarro Noël (UQAM - Université du Québec à Montréal)
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Les usages des formes dans le monde anglo-saxon : de Parsons à AlexanderFrançois Pizarro Noël (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Alexander a succédé depuis quelques années à Parsons à titre de sociologue américain le plus influent et, comme Parsons, son œuvre s'est d'abord construite par une réinterprétation critique des auteurs classiques de la sociologie. C'est en grande partie par le biais d'une étude des écrits durkheimiens conférant aux FEVR un statut particulier que les deux auteurs ont élaboré, chacun à leur manière, une théorie volontariste de l'action sociale. Nous présenterons dans notre exposé les similarités et différences de leurs interprétations fondées sur leurs manière d'identifier des étapes dans le développement de la pensée durkheimienne.
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La « manuélisation » des formes élémentairesMatthieu Béra (Université de Bordeaux)
La communication portera sur l'une des multiples transformations auxquelles un texte d'auteur peut-être soumis à compter de sa parution, ici les Formes élémentaires (1912). Comment sont-elles restituées dans les ouvrages d'introduction à la sociologie en France, depuis les années 60 ?
Le corpus consiste en une vingtaine d'ouvrages d'introduction, d'histoire de la sociologie, des manuels, des notices de dictionnaires, des petites monographies sur Durkheim (depuis la première de Duvignaud en 1965 jusqu'à l'ouvrage de Coenen-Huther de 2010 en passant par celui de Steiner, 1994)
Seront successivement analysés plusieurs aspects :
- ce que l'on retient des Formes, comment on choisit de les présenter : notions et problématiques clés, exposé de la méthode, signalisation des éventuelles influences…
- ce que l'on dit de sa première réception et des débats que l'ouvrage aura pu susciter jusqu'à nos jours : quels sont les auteurs mobilisés « contre » Durkheim, à propos de quelles notions ?
La question finale est au fond la suivante : quel est le statut des Formes dans ces ouvrages d'introduction généralistes ? Les Formes constituent elles un « classique » au même titre que les Règles ? Comment présente-t-on aujourd'hui cet ouvrage à côté des autres écrits et travaux de Durkheim ? Dans quels buts manifestes souhaite-t-on encore enseigner les Formes, le considérer et le transmettre comme un élément du patrimoine de la tradition sociologique ?
Les réceptions des formes 2
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Les durkheimiens face aux formesJean-Christophe Marcel (Université Paris-Sorbonne (Paris 4))
La réception des Formes Elémentaires de la vie religieuse chez certains des principaux collaborateurs de Durkheim se caractérise, surtout après 1918, par une focale sur certains thèmes : totémisme et religion, débat avec Lévy-Bruhl, origine religieuse de la pensée conceptuelle, effervescence collective et origine sociale des sentiments, double nature de l'homme. Ces caractéristiques suggèrent que sont alors en jeu les conditions de possibilité d'une théorie sociologique de la connaissance susceptible d'expliquer toute la gamme d'états mentaux propres à la vie en groupe.
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Continuités et discontinuités entre Durkheim et Halbwachs à propos des formes élémentaires de la vie religieuse : la conceptualisation du temps et de l'espace socialPaul Sabourin (UdeM - Université de Montréal)
Dans cette communication nous aborderons comment à travers ses travaux sur la mémoire religieuse Maurice Halbwachs se situe en continuité avec Durkheim en ce qui a trait à la critique des catégories a priori et universelle, mais aussi, propose une nouvelle conceptualisation du temps et de l'espace social qui transforme la thèse du religieux comme forme élémentaire du fait social. De par le fait même, Halbwachs comme dans d'autres aspects de sa relecture de Durkheim tente de dépasser la conception de l'institution sociale de nature « transcendante » de Durkheim pour en proposer la réactualisation voir l'élaboration à partir des groupes sociaux « présents ».
Questions épistémologiques et théorie de la connaissance
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Fétichisme et lien social
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Durkheim et la question d'un fondement non métaphysique du socialJacques Pierre (UQAM - Université du Québec à Montréal)
On sait le sort que les progrès de l'ethnographie ont fait au totémisme et à l'invocation des formes élémentaires pour définir l'objet religieux et fonder une discipline qui puisse venir s'y adosser. Et au-delà de ce désaveu ponctuel des faits, on sait encore que notre âge post-métaphysique est allé plus loin encore en révoquant la possibilité d'une entreprise fondationnelle. Or la question de l'origine chez Durkheim peut-elle être posée autrement qu'en termes chronologiques et métaphysiques et, du même coup, réhabiliter cette possibilité d'une réflexion fondationnelle ?
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Les formes élémentaires, ou la naissance d'une socio-anthropologie symboliqueStéphane Vibert (Université d’Ottawa)
Si les thèses développées dans les Formes élémentaires ont subi bon nombre de critiques depuis sa parution, tant au niveau de la validité des faits relevés que de l'interprétation du totémisme, et si la théorie « sociologique » de l'essence de la religion continue évidemment de faire débat, il n'en reste pas moins que la question la plus centrale de l'ouvrage – et la plus actuelle puisqu'elle oriente la compréhension même du rôle et de la nature des sciences sociales – s'avère d'ordre ontologique : l'intelligence de la société comme réalité tant idéelle que matérielle, individuelle que collective, bref comme réalité symbolique. A partir notamment des lectures stimulantes de Karsenti, Tarot ou Dewitte, le symbolisme sera présenté comme logique spécifique des représentations collectives, comme processus par lequel un groupe humain, tout en s'ordonnant autour d'un ensemble structuré d'idées-valeurs, ne se conçoit comme totalité concrète que par la circulation de formes sensibles maintenant les acteurs en interdépendance relationnelle.
Théorie de la religion, politique et modernité
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L'ambiguïté du destin de la religion en modernité chez Durkheim
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Du cosmopolitisme religieux à l'individualisme moral. DurkheimJean-Marc Larouche (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Dans la conclusion des Formes élémentaires de la vie religieuse, Durkheim écrit, après avoir rappelé comment l'universalisme religieux s'est développé au sein même du totémisme dans les sociétés australiennes : «[o]r il n'y a rien dans cette situation qui soit spécial aux sociétés australiennes. Il n'est pas de peuple, pas d'État qui ne soit engagé dans une autre société, plus ou moins illimitée, qui comprend tous les peuples, tous les États avec lesquels le premier est directement ou indirectement en rapports : il n'y a pas de vie nationale qui ne soit dominée par une vie collective de nature internationale. À mesure qu'on avance dans l'histoire, ces groupements internationaux prennent plus d'importance et d'étendue» (Durkheim, 2008 [1912] : 609). Pour Durkheim, la genèse même de cette tendance universaliste des sociétés modernes est évoquée par l'internationalisation des grands dieux dans les sociétés australiennes, par un «cosmopolitisme religieux» rassembleur et générateur d'unité, d'un tout solidaire. Au tournant du 19e au 20e siècle, ce sentiment d'unité sous-jacent à la tendance universaliste évoquée plus haut s'exprime sous la forme du culte de la personne, de l'individualisme moral qui, un siècle plus tard, revêt les habits des «droits de l'homme». Le centenaire des FEVR est ainsi l'occasion de dégager toute l'actualité des réflexions durkheimiennes sur l'individualisation et l'internationalisation du religieux dans les débats contemporains sur le cosmopolitisme.
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Mot de clôtureFrançois Pizarro Noël (UQAM - Université du Québec à Montréal)