Informations générales
Événement : 80e Congrès de l’Acfas
Type : Colloque
Section : Section 300 - Lettres, arts et sciences humaines
Description :Ce colloque a pour principale vocation de contribuer au vaste débat autour de la nature et du rôle de la conscience dans l’économie de l’esprit. Depuis maintenant une vingtaine d’années, le thème de la conscience opère un retour en force sous la forme d’objections adressées aux positions physicalistes de l’esprit (Block, Chalmers, Jackson).
De manière générale, les débats et controverses que suscite ce thème se concentrent essentiellement autour du caractère réflexif et non réflexif de la conscience. En effet, certaines théories contemporaines, issues de la tradition représentationaliste, ont proposé différents modèles réflexifs de la conscience (Rosenthal, Carruthers, Lycan). D’autres théories actuelles qui se revendiquent du mouvement phénoménologique développent à l’inverse différentes conceptions non réflexives ou pré-réflexives de la conscience (Gallagher, Zahavi).
Date :- Denis Fisette (UQAM - Université du Québec à Montréal)
- Siegfried Mathelet (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Programme
Théories réflexives et non-réflexives de la conscience : regard historique sur un débat contemporain
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Remarques sur la théorie de la conscience de Franz BrentanoDenis Fisette (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Je m'intéresse aux discussions récentes autour de Brentano et de ce qu'il est maintenant convenu d'appeler les théories néo-brentaniennes de la conscience. La théorie de la conscience élaborée par Franz Brentano dans sa Psychologie d'un point de vue empirique suscite actuellement beaucoup d'intérêt dans la philosophie de l'esprit et dans les sciences cognitives. Certains ont souligné le caractère novateur de sa conception de la conscience tandis que d'autres, tels les défenseurs d'une théorie auto-representationelle de la conscience, se réclament explicitement de Brentano dans lequel ils voient un précurseur de leur propre théorie. Ce retour est-il pertinent à la lumière des débats actuels sur la conscience, et plus précisément sur ce qu'on appelle la conscience phénoménale? Plusieurs adversaires de Brentano estiment que sa conception de la conscience et de l'esprit s'apparente à ce qu'on appelle depuis G. Ryle le théâtre cartésien (i.e. à un ensemble de propriétés attribuées à la res cogitans de Descartes) et qu'elle n'est donc d'aucune utilité pour résoudre le problème « difficile » de la conscience. Je voudrais montrer que le programme de Brentano peut répondre à la plupart de ces objections et que, moyennant quelques modifications, il conserve toute sa pertinence dans le contexte actuel des débats sur la conscience.
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Conscience intentionnelle et conscience réflexive chez BrentanoDenis Courville (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Depuis plusieurs années maintenant, la pensée de Brentano connaît un regain d'intérêt dans le cadre d'une réflexion sur le problème de la conscience, notamment dans le domaine de la philosophie de l'esprit contemporaine. La pensée de Brentano représente pour certains une solution digne d'intérêt dans la mesure où elle rend compte à la fois de la conscience phénoménale et de la conscience de soi. La démarche de Brentano consiste plus précisément à démontrer que tout phénomène psychique est à la fois relation intentionnelle et conscience réflexive de soi. En d'autres termes, Brentano fait valoir la thèse du caractère coextensif de l'intentionnalité et de la conscience.
Nous désirons, dans le cadre de cette communication, présenter l'articulation brentanienne de l'intentionnalité et de la conscience interne, et ce, à partir d'une lecture de la Psychologie du point de vue empirique et de la Psychologie descriptive. Nous démontrerons que cette articulation théorique est orientée par une double motivation qui consiste à rendre compte du caractère représentationnel des phénomènes psychiques et à justifier leur accès épistémique par la voie de la conscience interne. Nous présenterons et évaluerons, en dernier lieu, les critiques que certains phénoménologues (notamment Husserl, Gurwitsch et récemment Zahavi) adressent à Brentano.
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La conscience perceptive comme soubassement phénoménal de l'intentionnalité chez Gurwitsch et le double caractère adverbial et (auto-)réflexif de la conscienceSiegfried Mathelet (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Les débats contemporains sur la conscience phénoménale et sa primordialité face à l'intentionnalité posent la question de son caractère réflexif (Rosenthal) ou auto-réflexif (Kriegel) ou encore adverbial (D.W. Smith, Natsoulas, etc.). Nous nous intéresserons aux deux dernières approches et à leur possible interrelation.
Kriegel développe des arguments (1) phénoménologiques, (2) ontologiques et (3) naturalistes pour défendre l'auto-réflexivité à partir de Brentano et de l'idée de conscience périphérique chez Gurwitsch. Or, ce dernier révise le concept brentanien d'intentionnalité en le fondant sur une perception primordiale des états de premiers ordres. À l'encontre de Kriegel, la conscience phénoménale est déjà auto-organisée avant toute réflexion ou autoréflexion (a) et avant la fixation de l'expérience en représentations (b). Elle est donc orientée vers la réponse moins par le recouvrement d'un événement par un contenu catégorial, que par la saisie phénoménale de relations fonctionnelles externes (S-S) qui définissent ensuite les contenus catégoriaux (S et R) qui orientent l'agent (c).
L'exposé de ces différences, non-contradictoires avec le rôle fonctionnel qu'envisage Kriegel (d), permettra un retour sur les arguments (1-3) présentés à l'encontre de la théorie adverbiale et de conceptions mixtes. Nous conclurons en résumant les arguments en faveurs du double caractère adverbial et (auto-)réflexif de la conscience.
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Le retour de Brentano
Brentano opére un surprenant comeback dans la philosophie contemporaine de l'esprit. Dans un article récent, Kriegel affirme que l'aspect le plus saissant et le plus actuel des thèses de Brentano concerne la nature de la conscience elle-même. On peut dire que ce retour à Brentano s'inscrit dans le cadre d'un intérêt récent pour le caractère problématique de la conscience phénoménale, qui reste aujourd'hui à expliquer.
Suivant Levine et Kriegel, on peut raisonnablement supposer que la conscience phénoménale recouvre deux composantes distinguées à la réflexion mais intimement connectées dans l'expérience : l'aspect qualitatif ou les qualia et la subjectivité, aussi compris sous le terme de « mienneté 2».
Dans un premier temps, je dégagerais les éléments pertinents pour le traitement du problème de la conscience phénoménale qui dessinent la conception que Brentano se faisait de la conscience dans sa Psychologie du point empirique ainsi que dans différents passages clés de sa Deskriptive Psychologie.
Dans un second temps, j'examinerais le bien-fondé de certaines récentes interprétations représentationnalistes qui font de Brentano un précurseur des théories d'ordre supérieur.
Pour conclure et sur la base de critiques de la précédente interprétation, je propose la défense d'une version alternative, de nature méréologique de la doctrine de la conscience de Brentano qui met l'accent sur l'unité de la conscience et le problème de la complexité.
Théories réflexives et non-réflexives de la conscience : enjeux actuels
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Une conception non-représentationnelle de l'expérience visuelle?Pierre Poirier (UQAM - Université du Québec à Montréal)
La présentation sera divisée en trois parties :
1. La conception computationnaliste de l'expérience visuelle
* où je présente brièvement la conception computationnaliste en l'insérant dans le projet plus général d'une conception cartésienne de l'explication en psychologie.
2. La conception sensorimotrice de l'expérience visuelle
* où je présente brièvement la conception sensorimotrice en l'insérant dans le projet plus général d'une redéfinition de l'explication en psychologie : plus neurologique, plus pragmatique, plus phénoménologique. Il n'existe pas à l'heure actuelle de cadre explicatif bien défini qui saurait remplacer la conception cartésienne.
3. La conception sensorimotrice est-elle non représentationnelle ?
* où j'essaie de montrer que la conception sensorimotrice cache des représentations et que la différence entre celle-ci et la conception computationnelle porte davantage sur le rôle et la nature de ces représentations. J'en conclus que le débat représentationnel / anti-représentationnel n'a pas lieu d'être et qu'on aurait avantage à raffiner l'opposition entre les deux conceptions de l'expérience pour comprendre ce que la conception sensorimotrice propose vraiment de nouveau dans l'étude de l'expérience visuelle.
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Conscience interne et intentionnalitéAurélien Joseph (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Les thèmes centraux de la présentation sont la conscience interne et l'intentionnalité. Le cadre théorique du travail peut-être défini par la question générale : quelle est la relation entre l'intentionnalité et la conscience interne. Le problème central peut être formulé de la manière suivante : est-ce que la conscience interne est intentionnelle ? Un débat a cours actuellement autour de la conception brentanienne de la conscience interne.Le débat oppose deux thèses contradictoires : la première, qui se nomme la Thèse de Brentano (F. Brentano, 1874 ; P.J. Bartok, 2005), est que tous les états mentaux conscients sont intentionnels. La seconde thèse est que la conscience interne de nos états mentaux est immédiate et évidente.
Comment alors concilier ces deux thèses dans notre explication de la conscience ? Car si la première rend compte de manière adéquate du caractère transitif de la conscience, c'est-à-dire du fait que toute conscience est conscience de, elle constitue en même temps un obstacle à l'idée d'immédiateté de la conscience interne.
Nous commencerons par définir succinctement les deux notions qui nous concernent avant de présenter les deux thèses rivales de Brentano ainsi que leurs implications respectives, à savoir l'émergence de deux descriptions et concepts distincts de la conscience. Nous terminerons enfin en présentant deux stratégies rivales qui tentent de résoudre le problème en question : les stratégies intentionnalistes et non-intentionnalistes.
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L'approche sensorimotrice et le problème de la conscienceAlexandre B. Romano (UQAM - Université du Québec à Montréal)
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Action, conscience et temporalitéJean-François Fournier (Cégep Maisonneuve)
À travers un examen des arguments proposés entre autre par les philosophes Dan Zahavi et Shaun Gallagher, nous entendons soutenir que la structure temporelle de l'action nécessite, afin d'être expliquée proprement, une forme de conscience tacite, non-représentationnelle, en un mot : préréflexive. Cette conscience peut tout de même se laisser analyser et l'on peut ainsi identifier certaines parties et structures la composant. C'est dans cet esprit que nous examinerons le sentiment de propriété (ownership), et celui d'agentivité tels qu'ils se présentent dans l'action. L'analyse de ces aspects de l'action devra nous conduire à sa structure temporelle, s'exprimant et se réalisant par l'apport des rétentions et des protentions. L'action s'accomplit par le biais de rétroactions sensorimotrices constantes, tacitement présentes à la conscience, opérant dans le cadre d'une durée continue et non par le recours à des représentations dont la nature discursive et dissociable ne permet de rendre compte adéquatement ni de l'expérience consciente la plus banale, ni des actions les plus simples d'un agent engagé dans son environnement. C'est ainsi qu'il devient nécessaire de séparer deux types de conscience : l'une réflexive et représentationnelle, l'autre préréflexive et non thématique et de bien distinguer ce que chacune d'entre elle permet de comprendre sur la nature et la forme de la conscience humaine.
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Suis-je une boucle étrange? Sur l'autoréférentialité de la conscience chez Douglas HofstadterAdam Westra (UdeM - Université de Montréal)
Pour expliquer l'origine de la conscience, Douglas Hofstadter, professeur de sciences cognitives à l'Université d'Indiana et auteur de Gödel, Escher, Bach (1979) et I Am a Strange Loop (2007), propose une analogie entre la production de formules autoréférentielles à partir d'un substrat de symboles formels par le mathématicien Kurt Gödel, d'une part, et l'émergence d'une autoréférentialité, d'une conscience de soi, à partir du substrat de symboles matériels dans le cerveau, d'autre part. Que penser de cette analogie inédite ?