Federico Rosei
Le prix Acfas Urgel-Archambault, pour les sciences physiques, mathématiques, informatique et génie, est remis à Federico Rosei, professeur au Centre Énergie Matériaux Télécommunications de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS).
Dans la plupart des études qu’il initie, la question qui taraude le lauréat est de savoir comment les propriétés d’un matériau se modifient selon sa composition et sa morphologie. Cette question est posée à plusieurs classes de matériaux, à savoir les matériaux inorganiques, organiques et biocompatibles, où le chercheur se focalise sur leurs propriétés à l’échelle nanométrique. Et toujours aux explorations fondamentales se joignent des pistes d’application. Par exemple : des matériaux multiferroïques, alliant magnétisme et électricité, découle la conversion d’énergie solaire; ou, encore, des matériaux biocompatibles, on voit poindre des usages orthopédiques ou antimicrobiens.
Federico Rosei démarre sa carrière académique à Institut national de la recherche scientifique en mai 2002. Professeur agrégé en 2004, titulaire en 2009, il s’est vu offrir en 2011 la direction du centre Énergie Matériaux Télécommunications, poste qu’il a occupé jusqu’en 2019. Il a également été titulaire de la Chaire de Recherche du Canada junior sur les matériaux nanostructurés organiques et inorganiques entre 2003 et 2013, et depuis 2016 il est titulaire de la Chaire de Recherche du Canada senior sur les matériaux nanostructurés.
Le chercheur œuvre sur des questions tant fondamentales qu’appliquées. Il a par exemple amélioré de beaucoup la compréhension des matériaux multiferroïques lesquelles sont définies comme des matériaux présentant plus d’une des propriétés ferroïques primaires dans la même phase : ferromagnétisme, ferroélectricité et ferroélasticité. Un de ces matériaux, extrêmement prometteur, le BFCO vole la vedette actuellement. La grande communauté internationale des chercheurs en chimie et en physique de la matière – et Federico Rosei avec eux – est arrivée à démontrer que ce matériau, prédit par calcul ab initio mais jamais encore synthétisé expérimentalement, pouvait être beaucoup plus performant que prévu, dépassant de plusieurs coudées les anciennes prévisions théoriques. Avec comme résultat que le professeur Rosei a pu protéger une partie de la propriété intellectuelle qui en a découlé, par l’un de ces brevets évoqués plus haut.
Parmi les travaux les plus originaux et importants de ce chercheur se trouvent justement ses expériences avec le BFCO, et plus précisément ses propriétés photovoltaïques. En 2015, l’équipe du professeur Rosei a publié un article majeur dans le journal Nature Photonics, où ils ont démontré un concept très novateur. Arrivant à modifier au niveau moléculaire le couple fer/chrome (Fe/Cr) imbriqué dans le BFCO, l’équipe a réussi à recueillir une portion beaucoup plus large du rayonnement solaire. Ils ont ainsi augmenté l’efficacité de conversion énergétique du matériau photovoltaïque jusqu’à 8,1 %, ce qui représente encore le record mondial d’efficacité photovoltaïque pour cette classe de matériaux. D’autres travaux d’envergure portent sur les points quantiques (nanostructures de semi-conducteurs qui possèdent des propriétés optoélectroniques prometteuses pour les technologies solaires et biomédicales) et les matériaux bidimensionnels. Tout cela nous dit assez bien jusqu’où en sont arrivés les chercheurs et les chercheuses, dans leur investigation presque sans fin au cœur de la matière.
Du lauréat 2021 du prix Acfas Urgel-Archambault, il y a également à apprendre tout un art de la transmission qui a plus à voir, celui-là, avec un « savoir-être chercheur », une autre manière d’être conducteur. Federico Rosei a développé en 2003 un cours original sur le développement professionnel du jeune chercheur. Il l’a d’abord donné à l’INRS sous forme de cours crédité. Suivi à l’époque par une vingtaine d’étudiants gradués, le cours a donné naissance, par la suite, au livre Survival Skills for Scientists. L’ouvrage et le cours procurent les outils et les conseils qui permettent au et à la jeune scientifique d’être, en cours de carrière, son propre agent, capable d’assumer une planification stratégique optimale. Publié en 2006 chez Imperial College Press, une maison d’édition, formée à partir d'un partenariat entre l’Imperial College of Science, Technology and Medicine à Londres et la maison d'édition World Scientific, le livre a connu dès 2008 une traduction en japonais !
Federico Rosei a lancé en 2014 la Chaire de l’UNESCO sur les matériaux et technologies pour la conversion, l’économie et le stockage de l’énergie. Cette Chaire (la première et la seule de l’UNESCO à l’INRS, et une des 27 Chaires de l’UNESCO dans tout le Canada) a pour objectif d’augmenter la base de connaissances quant aux matériaux propres à servir les énergies renouvelables dans les pays du Sud. Le professeur a construit cette Chaire sous forme de réseaux comprenant une trentaine d’institutions dans vingt pays du Sud et plusieurs organisations d’appui dans le Nord. Il a réussi jusqu’à maintenant à développer une filière d’étudiant-e-s et de jeunes chercheur-se-s provenant de pays en partie francophones tels que l’Algérie, le Maroc et la Tunisie.
Qui plus est, il a déjà contribué à organiser plus de 120 événements scientifiques dans 30 pays, ce qui démontre un effort remarquable de transmission des connaissances dans son domaine partout dans le monde. Personne ne sera étonné d’apprendre que 29 de ses ancien-ne-s étudiant-e-s sont maintenant professeur-e-s dans 14 pays (incluant trois au Québec), que huit autres sont chercheur-se-s dans des laboratoires nationaux et une vingtaine sont chercheurs dans le secteur privé.