Le prix Acfas Ressources naturelles est remis à Tania Maxwell, doctorante en cotutelle à l’Université Laval et à l’Université de Bordeaux.
Grâce à certaines stratégies d’aménagement, les forêts peuvent mieux résister aux perturbations climatiques, telles que les sécheresses ou les feux. Par exemple, la diversification des espèces d’arbres met à profit les effets de complémentarité entre elles. La plupart des études en foresterie s’attardent au-dessus du sol, alors que les processus souterrains sont aussi importants. Trois grandes dynamiques sont à retenir : la disponibilité des nutriments dans le sol, leur absorption, et l’efficience d’utilisation de ces nutriments par les arbres. La lauréate étudie les effets de la biodiversité sur ces dynamiques dans un contexte de changement climatique.
Pour ce faire, la doctorante tentera de déterminer quels mélanges d’espèces sont les plus favorables face aux variations de la ressource « eau » en se focalisant sur la productivité nutritionnelle des forêts. Elle visera alors, dans la pratique, à optimiser l’effet positif de la plantation d’une espèce d’arbre en particulier afin de mener une stratégie d’aménagement forestier durable en contexte de climat changeant. Pour ce faire, elle se base sur deux expérimentations de terrain : une réalisée à Bordeaux sur le site ORPHEE, en France et l’autre en Ontario, sur le site IDENT à Sault-Ste-Marie). Chacun de ces sites possède deux atouts majeurs: ils manipulent à la fois la diversité des arbres et la ressource en eau (par irrigation sur les deux sites, et aussi par exclusion partielle des pluies sur le site de Sault-Ste-Marie). Les sites présentent une diversité spécifique (le nombre d’espèces diffère entre les parcelles), et une diversité fonctionnelle (le type d’espèces diffère, i.e. décidus avec conifères).
Afin de tester l’interaction sur les grandes étapes du recyclage des nutriments, la lauréate effectuera trois études. Dans la première, elle analysera l'effet interactif entre la biodiversité et l'irrigation, sur les nutriments disponibles et les activités enzymatiques des microorganismes à plusieurs profondeurs du sol. Ensuite, elle observera comment cette interaction affecte les processus souterrains (dépolymérisation des protéines, utilisation des acides aminés, minéralisation) et la biomasse microbienne. Pour ce faire, elle utilisera des méthodes classiques, et une nouvelle méthode pour étudier des processus clés concernant l’azote organique, qu’elle a développée suite à son travail de maîtrise au laboratoire Terrestrial Ecosystem Research, à l’Université de Vienne en Autriche. La deuxième étude aura pour objectif d’évaluer les effets de la biodiversité des espèces d’arbres sur leur absorption des nutriments. Une solution de marquage 15N, un isotope de l’azote, sera appliquée au sol afin de suivre son devenir pendant la saison de végétation. Enfin, la dernière étude déterminera si les arbres des parcelles « en mélange » peuvent utiliser plus efficacement les éléments nutritifs absorbés. La litière (ensemble de feuilles mortes et débris végétaux en décomposition) sera collectée régulièrement sur deux ans et deux mesures d'efficacité (de résorption et d’utilisation) seront calculées.
La lauréate prévoit qu’une augmentation de la diversité des arbres conduira à une augmentation de la quantité et de la qualité de la litière, de l’activité microbienne, et des nutriments disponibles. Un enchevêtrement des racines des différentes espèces devrait aussi conduire à une augmentation de l'absorption globale de nutriments à différentes profondeurs dans les parcelles en mélange. Dans des conditions de ressource en eau plus faible, cet effet positif de la diversité est attendu à être particulièrement bénéfique pour les trois étapes du recyclage des nutriments.
C’est pour ce projet, qui est la première étude qui teste in situ l’effet interactif entre la biodiversité et la ressource en eau dans son domaine, que l’Acfas veut récompenser la lauréate.