La présente lauréate bouscule les idées reçues. Récompensée cette année en sciences environnementales, on l’imaginerait volontiers en salopette de pêcheur, arpentant les rivages du Saint-Laurent pour y recueillir des échantillons d’eau souillée. Vêtue d’un tout autre attirail, sa réalité est moins bucolique que sociopolitique. Pionnière de cette nouvelle discipline qu’est le droit de l’environnement, la chercheure œuvre à l’encadrement juridique du développement durable tout comme à la construction d’une démocratie environnementale. Singulière et convoitée, son expertise l’amène à participer au débat public, à contribuer aux processus législatifs et à diriger des projets de recherche, sur la scène québécoise et internationale. La défense du droit de l’environnement n’est pas qu’un métier pour la lauréate. C’est un engagement citoyen.
Paule Halley reçoit la mention excellente pour sa thèse doctorale Instituer la prudence environnementale : le régime pénal de lutte contre la pollution en 1995. Ses travaux s’intéressent aussi à des approches nouvelles : sortir du paradigme conventionnel fait de règlements, de comportements normés et de sanctions. Cette sortie permet de penser le respect de l’environnement en marge de la loi, à travers des approches contractuelles, des normes volontaires et des incitatifs économiques. La lauréate propose des processus plus participatifs et renouvèle la typologie des moyens d’intervention de l’État en la matière. Elle s’intéresse au principe de précaution, aux procédures d’évaluation des impacts, ainsi qu’aux concepts juridiques de patrimoine commun de la nation et d’État gardien des intérêts de la nation sur les ressources naturelles. Écrit en 2001, son ouvrage Le droit pénal de l’environnement : l’interdiction de polluer, reçoit le prix Meilleure monographie de la Fondation du Barreau du Québec. Et en 2002, la lauréate obtient la Chaire de recherche du Canada en droit de l’environnement (CRCDE), chaire qu’elle occupe toujours à l’Université Laval.
Consultée par les sphères juridiques et politiques, Paule Halley a apposé plusieurs pierres à l’édifice législatif québécois. En 2008, à l’occasion du projet de loi 92 affirmant le caractère collectif des ressources en eau, le mémoire qu’elle présente à la Commission des transports et de l’environnement engendre une modification à son article premier, stipulant le statut juridique de l’eau, et l’adoption des principes de transparence et de participation. Entre 2012 et 2014, ses travaux sur l’encadrement de l’industrie du gaz de schiste sont intégralement repris par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement et entraînent des modifications de la Loi sur les mines. En 1996, son nom est inscrit à la liste, restreinte, d’experts en droit pénal de l’environnement des Nations Unies. À ce titre, sa contribution est sollicitée à l’étranger, comme en 2013, lors du 1er Colloque international sur le droit de l’environnement en Afrique, où elle intervient pour traiter des mesures de contrôle de la conformité des entreprises aux normes environnementales.
Membre depuis 1999 du Comité consultatif de l’environnement Kativik, la lauréate présente régulièrement des avis au parlement du Québec pour défendre les particularités environnementales et sociales du Nunavik. Sa contribution se mesure par son souci de renforcer la préservation, physique, économique et culturelle de tout un peuple. Il s’agit du maintien des droits de chasse, de pêche et de piégeage des Inuits, du nettoyage de sites abandonnés par les industries minières, ou encore du développement de parcs nationaux, de l’énergie éolienne et d’infrastructures de transport.
Une bienveillance, sans nul doute, sous-tend la carrière de la lauréate. À l’université, Paule distille sa générosité en poussant les jeunes chercheurs à l’excellence. Parmi les soixante-dix étudiants de 2e et 3e cycles dont elle a dirigé les travaux, nombreux font carrière dans des facultés de droit, des ministères, des entreprises publiques, des associations et des grands cabinets d’avocats. La lauréate invite toujours ses étudiants aux colloques qu’elle organise, et parfois en tant qu’intervenants; elle leur propose des programmes d’échange avec l’Université Paris I, et les aide dans leurs premières démarches d’enseignement et de publication.