Joëlle Duval
Celui – ou celle – qui a dit que nos vies étaient toutes tracées d’avance et, somme toute, assez prévisibles, ne connaissait pas notre lauréate. Bien peu en effet auraient pu prévoir qu’après deux baccalauréats menés à terme – dont un en droit – et 17 années d’enseignement au secondaire, sa route recroiserait celle de l’université. Retour aux études, certes, pour cette enseignante de carrière, mais cette fois pour en arriver à mieux prévenir certains des maux de l’école d’aujourd’hui : à l’avant-plan, le décrochage scolaire.
Le doctorat amorcé par Joëlle Duval en 2012 a pour objectif général de comprendre comment les interventions de collaboration école-famille (EF), lors du passage névralgique de l’élève du primaire au secondaire (PPS), pourraient être plus efficaces. Plus spécifiquement, elle veut vérifier à quel point les interventions de collaboration EF lors du PPS tiennent compte des besoins exprimés par des élèves du primaire ayant des difficultés d’adaptation.
Les nombreuses recherches menées jusqu'à maintenant sur le décrochage scolaire nous apprennent que le phénomène trouve son origine au primaire. Il concerne surtout les élèves ayant des difficultés d’adaptation, ceux-ci représentant plus de 50 % des jeunes à risque de décrocher au secondaire. Or, il appert qu’un des plus importants facteurs de risque en la matière se trouve dans le passage du primaire au secondaire. Certaines études indiquent néanmoins qu’un des moyens pouvant permettre de réduire ce risque est la collaboration école-famille. Ce ne seraient cependant pas tous les types de collaboration EF qui influenceraient positivement le PPS.
Joëlle Duval pense, comme d’autres spécialistes, que les chercheurs, les enseignants et les parents doivent prendre en compte l’enfant lors des épisodes d’intervention EF. En clair, elle croit que connaître son point de vue et ses besoins améliorerait le processus. Elle se propose donc – et c’est là la grande originalité de sa recherche – de lui donner la parole, afin qu’il puisse devenir l’acteur de sa propre réussite. Déjà, dans ses travaux de maîtrise menés à partir de 2010, Joëlle Duval ouvrait toute grande la voie à une réflexion sur le sujet. D’ailleurs, certains résultats tirés de son mémoire de maîtrise intitulé Interventions de collaboration école-famille menées par des enseignants du primaire pour prévenir le décrochage scolaire d’élèves présentant des facteurs de risque familiaux ont été communiqués en mai dernier au 81e Congrès de l’Acfas.
Reconduite maintenant au doctorat, sa problématique s’articule notamment autour de trois questions de recherche : elle souhaite non seulement évaluer les besoins d’élèves du primaire ayant des difficultés d’adaptation (en vue de leur PPS), mais également découvrir leurs forces et leurs faiblesses (constatées cette fois par des élèves du secondaire en difficulté d’adaptation) relativement aux interventions de collaboration EF qui furent mises en place lors de leur récent passage du primaire au secondaire. Enfin, elle s’intéresse aux interventions de collaboration EF en lien avec le PPS que les enseignantes du primaire mènent auprès des parents.
La prévention de l’abandon scolaire est plus que jamais au cœur des préoccupations gouvernementales. Le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport vise, d’ici à 2020, une hausse à 80 % du taux de diplomation ou de qualification chez les jeunes de moins de 20 ans. Il encourage par conséquent les initiatives de concertation entre l’école et les familles.
Celui – ou celle – qui a dit que les échecs scolaires de bien des individus « étaient tracés d’avance et, somme toute, assez prévisibles » aurait avantage à connaître, avant qu’il ne soit trop tard, Joëlle Duval!
Rédacteur : Luc Dupont