Carole Lévesque
[Depuis 2013, le prix Marcel-Vincent des sciences sociales porte le nom de Thérère Guouin-Décarie]
La lauréate fait partie de ces pionniers et pionnières qui ont abordé l’étude des peuples autochtones dans leur globalité et leur complexité. Et la réciprocité est le maître mot qui caractérise sa recherche. Chacun, chercheur ou autochtone, est tour à tour soit créateur, soit transmetteur de connaissances. En fait, ils dialoguent l’un avec l’autre dans le cadre d’une conversation créatrice. Par cette démarche novatrice, la lauréate contribue à transformer la dynamique des relations entre l’université et la société en travaillant à promouvoir la coconstruction des savoirs.
Carole Lévesque est une anthropologue doublée d’une ethnographe accomplie; son travail sur le terrain et ses analyses s’enrichissant mutuellement et continuellement. Après des études à l’Université de Montréal et à la Sorbonne, à Paris, dans les années 1970, Carole Lévesque amorce sa carrière professionnelle comme chercheure et chargée des relations avec les peuples autochtones à la Société d'énergie de la Baie James, de 1981 à 1985. Par la suite, comme chercheure autonome, elle œuvre pour diverses instances autochtones et gouvernementales, et réalise de nombreuses recherches et enquêtes ethnographiques auprès des populations autochtones du Nord du Québec. En 1996, elle rejoint l’Institut national de la recherche scientifique en tant que professeure-chercheure.
Au cours de sa carrière, la lauréate a séjourné dans 40 des 56 communautés amérindiennes et inuites établies au Québec, totalisant près de quatre années de présence effective en milieu autochtone. Les thèmes qu’elle a abordés, dans plus d’une cinquantaine d’études, sont aussi vastes et variés que la technologie culturelle, l'éducation, la famille contemporaine, l’histoire orale, l'alimentation, le changement social, l'intégration communautaire, la présence autochtone dans les villes, le travail salarié, la condition des femmes, le développement durable, les savoirs autochtones, l’autonomie politique, la gouvernance ou encore la modernité. Ses travaux ont permis de produire un compte rendu précis des réalités historiques, politiques, culturelles, économiques et sociales des peuples autochtones à la lumière de leurs dynamiques, savoirs, approches et logiques propres.
Depuis bientôt quarante ans, elle est un témoin privilégié des sociétés autochtones et de leurs accomplissements sur le chemin de la reconnaissance et de l’autonomie. Grâce à la qualité de ses recherches, Carole Lévesque est devenue une figure de proue des études relatives aux peuples autochtones, aussi bien au Québec qu’au Canada.
Elle est également l’artisane d’un nouveau type de production des savoirs où il n’est plus question de transfert unidirectionnel des connaissances de l’université vers la société, mais bien d’un processus continu de coconstruction et de partage des savoirs qui s’enrichit sans cesse des apports respectifs des uns et des autres. Elle a ouvert la voie à de nouvelles pratiques de recherche interdisciplinaire, participative et partenariale élaborées et réalisées en étroite collaboration avec les Autochtones. Elle a fondé en 2001, avec des collègues de plusieurs universités québécoises et des collaborateurs et collaboratrices de plusieurs instances autochtones, DIALOG ? Le Réseau de recherche et de connaissances relatives aux peuples autochtones. Espace d’échange novateur entre les Premiers Peuples et le monde universitaire, dédié à la valorisation et au renouvellement de la recherche en sciences sociales et humaines, DIALOG regroupe aujourd’hui plus de 150 personnes issues des milieux académiques et autochtones du Québec et de l’international. Avec ses banques de données documentaires et spatiales à la fine pointe de la technologie, son bulletin d’information et de liaison électronique, sa nouvelle revue scientifique, ses programmes de bourses et allocations destinés aux étudiants et son université nomade, DIALOG facilite l’accès au savoir pour les chercheurs, les étudiants et les acteurs du monde autochtone.
Par son travail, sa détermination, la qualité et l’originalité de ses travaux, la lauréate a largement contribué au développement de rapports égalitaires et démocratiques entre Autochtones et Québécois. Ses travaux lui ont d’ailleurs valu une reconnaissance méritée. Citons à titre d’exemple son intronisation, en 2005, au Cercle d’excellence de l’Université du Québec pour son apport exceptionnel à la recherche ou encore sa désignation, en 2006, comme l’une des dix chercheurs-clés du Québec par la revue Commerce-Prestige.