Alain Caillé
Naviguant entre la physique, la chimie et la biologie, ce chercheur examine avec attention les structures de la matière condensée. Son regard s’attarde aux propriétés mesurables des solides, liquides, verres et polymères. Son étude sur les cristaux liquides, par exemple, l’a mené à une théorie de la physique fondamentale si marquante qu’elle porte aujourd’hui son nom. Cette théorie caractérisée par les Exposants de Caillé figure désormais dans de nombreux manuels d’enseignement. Mais surtout, nous saluons ici la qualité des liens scientifiques qu’il a su tisser avec l’Hexagone.
Ses premiers contacts avec la France remontent à son séjour de recherche postdoctorale (1971 et 1972). Alain Caillé travaille alors avec Pierre-Gilles de Gennes (Nobel de physique 1991) sur les cristaux liquides de type smectique A. Il propose l’existence d’un comportement singulier de la diffusion des rayons X dans ces cristaux liquides caractérisés par un quasi-ordre et dont l’ordre se situe entre l’organisation d’un liquide et celle d’un solide cristallin à trois dimensions. C’est la théorie des « Exposants de Caillé », dont le caractère fondamental est pleinement reconnu dès 1978 dans différents ouvrages de physique. La confirmation expérimentale de 1977 démontre même un accord quantitatif spectaculaire avec ses calculs qui conduisaient à des exposants dont la valeur était déterminée par des constantes physiques indépendantes. Les « Exposants de Caillé » trouvent par la suite, et cela, sur une période d’une trentaine d’années, un terrain fertile dans divers champs d’application : la biologie, les supraconducteurs magnétiques ou les structures lamellaires de l’amidon. L’universalité du comportement proposé par Alain Caillé trouve son champ d’application le plus fertile dans les multicouches de molécules amphiphiles, véritables modèles contrôlées de la membrane biologique reconstituée.
En tant que professeur et chercheur invité à l’Université de Provence — Centre Saint-Charles à Marseille, il développe entre 1979 et 1983 un nouvel axe de recherche traitant de la structure et des transitions de phase des monocouches de molécules amphiphiles sur l’eau. Cette collaboration s’est poursuivie par des échanges, des collaborations et des séjours de recherche de chercheurs français au sein des équipes de recherche du Département de physique de l’Université de Sherbrooke.
Puis, le chercheur collabore avec les chercheurs de l’Université de Cergy-Pontoise sur le phénomène de frustration magnétique qui fut pour Alain Caillé un champ d’activités très productif entre 1987 et 1994. Il publie notamment avec le professeur Hung The Diep une étude détaillée des classes d’universalité des comportements critiques de matériaux subissant la frustration magnétique de façon intrinsèque et un article de revue des propriétés critiques des systèmes frustrés de spin vectoriels. Cet article de revue établit également une analogie intéressante entre ces modèles de spins vectoriels et un autre cristal liquide, la phase chirale des cristaux liquides en colonnes où la nature de l’ordre demeure toujours aujourd’hui un sujet d’étude.
La dernière période de sa carrière s’ouvre en 2005 en tant que professeur émérite de l’Université de Montréal rattaché à son Département de physique. Alain Caillé entreprend alors avec des scientifiques de l’Institut Curie de Paris et de l’Université de Rennes des recherches situées à la jonction de la physique et des sciences biomédicales. Ses travaux portent sur les structures des complexes lipides-ADN et lipide-actine ou encore sur l’absorption de bactéries sur une surface hydrophobe.
Le chercheur émérite Alain Caillé a impressionné plus d’un de ces collaborateurs par son dynamisme, son investissement et son enthousiasme pour ses sujets de recherche, mais sa carrière scientifique de très haut vol ne dit pas tout. En effet, entre 1974 et 1998, Alain Caillé a organisé à l’Université de Sherbrooke de nombreuses écoles d’été impliquant des chercheurs et des visiteurs français. Il a aussi piloté l’obtention d’un doctorat d’honneur par le professeur Pierre-Gilles de Gennes avant qu’il reçoive le prix Nobel de physique. À partir de 1998, en tant que membre de la haute direction de l’Université de Montréal, il multiplie les liens institutionnels entre les universités et groupes de recherche français les plus prestigieux et l’Université de Montréal et ses partenaires québécois. Il développe plusieurs projets majeurs de collaboration avec les meilleurs établissements universitaires de France, notamment par la création de laboratoires internationaux et d’équipes de recherche entre la France et le Québec, autant dans les domaines des sciences physiques que des sciences de la santé. Il est à l’origine et fervent promoteur d’une collaboration soutenue dans le domaine des nanotechnologies. En étroite association avec des responsables français, de la science contemporaine et toujours centrée sur la volonté de créer un espace scientifique de recherche commun entre la France et le Québec, il œuvre toujours à cette fusion porteuse de progrès social, culturel et économique des deux côtés de l’Atlantique.