Le prix Acfas Pierre-Dansereau 2016, pour l’engagement social, est remis à Lucie Lamarche, professeure au Département des sciences juridiques de l’Université du Québec à Montréal.
Visionnaire, pionnière, combative, engagée : autant d’épithètes que la lauréate pourrait se voir attribuer sans rougir. Cependant, la simple description de son parcours suffirait pour témoigner de l’étendue de ses accomplissements. Depuis les années 1980, elle mobilise son insatiable soif de justice pour éveiller les institutions juridiques aux perspectives féministes et humanistes du droit. Spécialiste du droit de la protection sociale, du droit du travail et du droit des femmes, cette brillante analyste est régulièrement sollicitée par des organismes québécois ou internationaux. C’est avec une même ferveur qu’elle coordonne tous les projets dans lesquelles elle s’engage, des groupes communautaires québécois aux salles de réunion des Nations Unies. Par son engagement, la lauréate a fait de la défense de ses convictions son métier, et de sa vie, un exemple pour nous tous.
Socialiser le droit. C’est dans cette perspective que Lucie Lamarche commence sa carrière d’avocate en 1978 auprès des Services juridiques de la Petite-Bourgogne et de Pointe-Saint-Charles. Elle y a forgé son expérience du droit social. Engagée à l’Université du Québec à Montréal - UQAM comme professeure en droit social et en droits de la personne en 1988, elle y réalise un travail de précurseure en mettant en œuvre une nouvelle branche du droit au Québec, soit le droit international des droits sociaux et économiques de la personne.
Me Lamarche a été une actrice majeure de l’essor de l’accès à la justice des plus démunis et de l’avènement des perspectives féministes du droit sur la scène québécoise. Elle est d’ailleurs aujourd’hui reconnue comme une experte mondiale dans ce domaine. Elle a, entre autres, accompagné le mouvement féministe québécois à la Conférence mondiale des femmes de Beijing en 1995, ainsi que le réseau social québécois au Sommet social de Copenhague la même année. Elle a aussi donné un nombre important de formations destinées à expliquer aux réseaux communautaires l’art de communiquer avec les comités des Nations Unies, chargés de la mise en œuvre des traités internationaux sur les droits de la personne. Ses contributions aux institutions internationales ont été multiples, puisqu’elle a également été membre du Groupe d’accompagnement de la Rapporteure spéciale des Nations Unies sur le thème de l’extrême pauvreté et des droits humains de 2008 à 2012, et elle a publié des rapports de recherches pour l’Unesco.
Sur le sol national, ses brillantes analyses ont influencé le positionnement sur les droits économiques et sociaux de la personne et sur les droits des femmes de plusieurs réseaux québécois et canadiens. De plus, elle a agi, de 2003 à 2004, comme membre administratrice de l’Observatoire québécois sur la mondialisation. Grâce à Lucie Lamarche, le droit social québécois et canadien est désormais appréhendé et évalué à l’aune des exigences du droit international. De nombreux articles, chapitres de livre, actes de colloques ainsi que dans plusieurs mémoires rendent compte de ces travaux. De plus, à partir du milieu des années 2000, elle s’est investie au sein de la Clinique juridique de l’UQAM, et elle a siégé et siège encore au conseil d’administration de la Ligue des droits et libertés du Québec. Entre 2004 et 2006, elle a eu la chance de concrétiser le principe du droit social, qui lui est si cher, en corédigeant la Charte montréalaise des droits et responsabilités. Soucieuse de continuer à exercer sur le terrain, au plus près des gens, elle a cofondé plusieurs organismes d’orientation professionnelle pour les plus démunis, notamment les femmes monoparentales.
Le rayonnement des recherches et de l’engagement social de Lucie Lamarche se poursuit également à travers les nombreux étudiants qu’elle a formés au cours de plus de 25 années de carrière universitaire. Ceux-ci travaillent aujourd’hui au contentieux des syndicats, sont décideurs administratifs ou à l’emploi d’organisations internationales, poursuivant la démonstration que le « droit est social », posture que la professeure Lamarche leur a insufflée.