Aller au contenu principal
Il y a présentement des items dans votre panier d'achat.
Clément Gosselin
Sciences physiques, mathématiques, informatique et génie

Clément Gosselin

Université Laval

Le Prix Acfas Urgel-Archambault 2024, pour les sciences physiques, mathématiques, informatique et génie, est remis à Clément Gosselin, professeur au Département de génie mécanique de l’Université Laval.

On compte le lauréat parmi les grands architectes de la robotique moderne. Du côté des robots dits parallèles à l’architecture « araignée », il a établi rien de moins que les fondements du domaine. Quant aux mains robotiques, le lauréat a implanté une véritable « intelligence » au cœur de leur mécanique, ce qui leur donne la capacité de cueillir les objets les plus délicats. L’originalité de ce chercheur et l’éloquence de ses démonstrations inspirent la création d’entreprises et suscitent des initiatives de recherche partout sur la planète. De plus, sa langue maternelle lui tient à cœur, et certains de ses ouvrages en français sont devenus des sources importantes de référence en robotique. 

C’est à l’Université McGill que Clément Gosselin obtient en 1988 son doctorat pour sa thèse en génie mécanique : Analyse cinématique, optimisation et programmation de manipulateurs robotiques parallèles [traduction de l’anglais1]. Les robots dits parallèles possèdent une architecture araignée qui articule les pièces entre elles de manière à leur conférer une plus grande résistance et une précision plus fine. 

Le domaine des robots parallèles est alors à peine connu, et leur utilisation dans des applications concrètes est peu envisageable en raison des imposants problèmes fondamentaux qu’ils soulèvent. Le doctorant explique à ses pairs dans sa thèse les caractéristiques fondamentales de ces robots. Un des articles2 tirés de celle-ci sera cité plus de 2 600 fois. Ses travaux propulseront le développement de nouvelles architectures mécaniques capables de travailler à haute vitesse. Cette percée en fera un pionnier dans le développement des systèmes robotiques avancés, comme en témoignent les quelque 41 000 citations de ses travaux.

Après un saut pour un stage postdoctoral à l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique de France (INRIA), il revient au Québec et, devenu professeur à l’Université Laval, il lance en 1989 un laboratoire de robotique. Il y développera peu à peu les éléments d’une petite révolution dans sa discipline. Pourvu d’une force imaginative remarquable, Clément Gosselin s’approprie et exploite les principes de base de la physique en s’appuyant avant tout sur la mise en équations des systèmes complexes pour ensuite « faire parler » ces dernières. Ses idées s’harmonisent avec le fonctionnement « naturel » de ces systèmes : c’est là l’essence même du concept d’intelligence mécanique qu’il a développé. « La mécanique est au cœur des systèmes robotiques et doit donc toujours être un élément déterminant de la solution », tel est son leitmotiv.

Au début des années 1990, quand le chercheur commence à s’intéresser à la préhension d’objets par des robots, les mains robotiques existantes sont soit extrêmement complexes, avec une batterie de moteurs impossibles à loger dans la main elle-même, soit extrêmement simples, et donc très peu mobiles. Il propose alors d’utiliser le concept de sous-actionnement, ce dernier permettant de faire fonctionner des mains dotées d’une grande mobilité avec un petit nombre de moteurs. Le véritable génie de cette approche, c’est qu’elle enchâsse littéralement une bonne partie de son « intelligence » dans sa propre mécanique, ce qui simplifie énormément son contrôle. Plus intuitives, les mains robotiques sous-actionnées adaptent leurs gestes aux objets et aux tâches à réaliser, jusqu’à imiter la main humaine qui cueille délicatement une fleur.

Un des premiers robots préhenseurs développés par le laboratoire du lauréat sera la main dite MARS (Main Articulée Robuste Sous-actionnée), fruit d'une collaboration avec l'Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail. Le projet, réalisé en 1996, visait à concevoir une main robuste et possédant une grande dextérité pour agir dans des environnements hostiles : radioactivité, haute température, air pollué, etc. Optimisée au fil des ans, MARS sera utilisée au Royaume-Uni pour décontaminer des sites nucléaires, où les déchets sont de différentes tailles, formes et textures. L’Université Stanford l’exploitera aussi pour la création de Ocean-One, un demi-robot humanoïde. Sans jambes ni bassin, il explore des épaves et collecte des artefacts, rapportant du même coup des images fascinantes.

En 2007, Clément Gosselin sera co-auteur de deux ouvrages qui deviendront des incontournables. Le premier, Type Synthesis of parallel mechanisms, générera une multitude d’architectures de robots parallèles. Ce livre est principalement issu des travaux de doctorat de l’étudiant Xianwen Kong, aujourd’hui professeur à l’Université Heriot-Watt au Royaume-Uni. Le second livre, Underactuated robotic hands, traite des mains robotiques sous-actionnées. Il repose en grande partie sur le travail de doctorat de l’étudiant Lionel Birglen, aujourd’hui professeur en génie mécanique à Polytechnique Montréal, et a été écrit en collaboration avec Thierry Laliberté, professionnel de recherche à l’Université Laval.

Par la suite, le lauréat introduit les robots parallèles dans les chaînes d’assemblage industrielles, dont celles utilisées pour les automobiles. Ces robots plus sécuritaires combinent force et répétabilité avec l’adaptabilité et la souplesse des mouvements humains. Les travaux les plus récents de Clément Gosselin sur l’utilisation de la redondance – soit la duplication de composantes ou de mécanismes – sont à la base d’une toute nouvelle famille de robots collaboratifs basés sur les architectures parallèles.

Il faut saluer par ailleurs la ferveur du lauréat, qui a toujours eu à cœur d’offrir un environnement scientifique en français. Au début des années 1990, il a collaboré avec l’Office de la langue française du Québec à la rédaction du fascicule Vocabulaire de la robotique, établissant une terminologie inexistante jusqu’alors en français.  En 2023, il signe l’ouvrage Fondamentaux de la robotique avec comme objectif d’offrir aux étudiant·es un livre de référence de base en robotique en langue française. 

Les étudiant⸱es qui frappent à sa porte se comptent par dizaines, attirés non seulement par son esprit créateur, mais aussi par sa chaleur et sa gentillesse, réputées dans le milieu. Certains d’entre eux ont par ailleurs grandement contribué au développement de centres de recherche québécois tels que le groupe de robotique du Centre de recherche d’Hydro-Québec, le Centre de technologies de fabrication en aérospatiale ainsi que l’Agence spatiale canadienne. De plus, deux fleurons de la robotique canadienne et québécoise, Robotiq et Mecademic, ont été fondés par d’ex-étudiants du chercheur. L’entreprise Robotiq a révolutionné le marché des préhenseurs industriels et s’est imposée comme leader international dans le domaine. Pour sa part, Mecademic fabrique au Québec le robot industriel le plus compact au monde et a comme clients les grandes entreprises technologiques internationales.

Aujourd’hui, on ne compte plus les prototypes, les ouvrages et les créations inspirés des travaux de Clément Gosselin, grand influenceur de son domaine.

Publié en novembre 2024.

  • 1

    Titre original : Kinematic analysis, optimization and programming of parallel robotic manipulators. Source : https://escholarship.mcgill.ca/concern/theses/7d278t71j

  • 2

    C. Gosselin and J. Angeles, 1990, ‘SIngularity analysis of closed-loop kinematic chains’, IEEE Transactions on Robotics and Automation, Vol. 6, No. 3, pp. 281-290.