Le Prix Acfas Adrien-Pouliot 2024, pour la coopération scientifique avec la France, est remis à Marcel Babin, professeur à la Faculté de sciences et de génie de l’Université Laval.
Depuis plus de 20 ans, le lauréat, également directeur de recherche au CNRS, contribue activement à la coopération océanographique entre le Québec et la France. Habité par sa passion pour les environnements marins de l’Arctique, il a construit des lieux de recherche transatlantiques devenus des modèles de collaboration : en mer, à bord du brise-glace Amundsen, ou sur terre, au Laboratoire international de recherche Takuvik, logé à l’Université Laval. Mis en place par le chercheur en 2011, ce dernier site, issu d’un partenariat entre le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) et l’Université Laval, est aujourd’hui un important établissement de formation pour des dizaines d’étudiants et d’étudiantes du Québec et de France.
Originaire de Montréal, Marcel Babin reçoit une formation universitaire dans trois établissements québécois. En 1991, il dépose sa thèse de doctorat à l’Université Laval, Utilisation de nouvelles variables dans les modèles dédiés à l'estimation de la production primaire [marine] par télédétection, et entame sa carrière d’océanographe.
En 1998, on le retrouve en France, comme chargé de recherche au sein du Laboratoire d’océanographie de Villefranche, affilié au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) de France et à Sorbonne Université. Durant ce premier volet de son parcours, Marcel Babin devient expert en optique marine et en télédétection, tout en s’intéressant à la propagation du rayonnement solaire dans l’océan et à la photosynthèse réalisée par le phytoplancton marin.
En 2003, Marcel Babin accepte de superviser un doctorant québécois qui souhaite mener des recherches sur la mer de Beaufort. C’est alors que le lauréat s’engage dans la recherche en Arctique et se positionne comme intermédiaire entre les communautés québécoise et française de la science marine.
En 2006, il met sur pied le projet Malina, une importante expédition en mer de Beaufort à bord du brise-glace de recherche Amundsen. Issu d’un partenariat entre la France, le Canada et les États-Unis, le projet a pour objectif d’étudier l'impact de la diminution de la banquise, de l'augmentation des radiations UV et de la fonte du pergélisol sur la biodiversité microbienne et sur les flux biogéochimiques de l'océan Arctique. Cette campagne océanographique Malina se déroule en juillet et août 2009. Elle regroupe huit laboratoires français, cinq universités québécoises et sept autres établissements – canadiens, européens et américains. Plus de 50 scientifiques mènent les opérations en mer, et le réseau constitué comporte plus de 100 chercheur·euses, dont de nombreux étudiant·es de France et du Québec.
À la suite de l’intense collaboration France-Québec qui se développe grâce à Malina, Marcel Babin se voit proposer de présenter sa candidature à une chaire d’excellence en recherche du Canada (CERC). Il soumet alors au CNRS l’idée de créer un laboratoire international de recherche. Ainsi naît, en 2010, la Chaire d’excellence en recherche du Canada sur la télédétection de la nouvelle frontière arctique du Canada, hébergée à l’Université Laval.
En 2010, il met en place le projet multidisciplinaire Green Edge. Le but? Connaître l’impact du changement climatique sur la dynamique du phytoplancton de l’océan Arctique ainsi que sur le réseau alimentaire et les communautés vivant dans cette région. Green Edge sera l’occasion de mener plusieurs activités de vulgarisation scientifique et pédagogiques, dont un documentaire diffusé sur les chaînes de télévision, un site éducatif et diverses actions auprès d’écoles françaises et québécoises.
En 2011, Marcel Babin lance le Laboratoire international de recherche Takuvik, qui matérialise la coopération en recherche polaire entre le Québec et la France. Depuis, Takuvik n’a cessé de nourrir et d’enrichir les savoirs sur l’environnement arctique et subarctique. Les recherches interdisciplinaires qu’on y mène portent sur divers aspects des écosystèmes, dont la biologie marine, la chimie de l’eau, la géochimie, la microbiologie et la climatologie. Takuvik permet aussi à plusieurs chercheur·euses du Québec de s’intégrer dans la communauté scientifique française grâce, entre autres, aux missions communes et aux séjours d’études croisées.
Marcel Babin est l’un des artisans d’un accord d’échange de temps-navire entre le consortium canadien Amundsen-Science, dont il assure la direction scientifique, et la Flotte océanographique française. Cet accord offre un accès à l’océan Arctique aux chercheur·euses de France à bord de l’Amundsen en échange d’un accès aux navires d’exploration français Le Pourquoi Pas?, Le Thalassa et L’Atalante dans d’autres régions de l’océan mondial telles que l’Atlantique Nord.
Takuvik a formé des dizaines d’étudiant·es québécois et français depuis sa création. La formation deviendra d’ailleurs une partie encore plus importante des activités de Takuvik grâce à l’entrée de Sorbonne Université comme troisième tutelle du laboratoire québécois à partir de 2025, notamment grâce au leadership de Marcel Babin, l’un des artisans du rapprochement de l’établissement français avec l’Université Laval.
Sur le point de céder sa place à la fin de 2024 à la direction de Takuvik, Marcel Babin est déjà engagé dans de nouvelles initiatives entraînant dans leur sillage ses collaborateur·trices français, québécois et canadiens. La station polaire Tara, dont il est l’un des principaux instigateurs scientifiques, en est le plus bel exemple. Durant les 20 prochaines années, ce laboratoire flottant dans le bassin central de l’océan Arctique documentera l’impact des changements climatiques sur la biodiversité marine. Ce projet constitue l’une des actions principales de la France en Arctique dans le cadre de sa récente stratégie polaire.
Que ce soit à bord de l’Amundsen ou à la barre de Takuvik, et au fil des liens et partenariats qu’il a noués dès le début de sa carrière en France, Marcel Babin a construit des lieux de sciences transatlantiques uniques qui sont aujourd’hui des modèles de coopération enviés.
Publié en novembre 2024.