Informations générales
Événement : 86e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Enjeux de la recherche
Description :En 2018, la bibliothèque numérique francophone Les Classiques des sciences sociales fête ses 25 ans. Lorsque ses activités ont commencé, les projets de diffusion des publications scientifiques en libre accès étaient peu nombreux dans le domaine des sciences humaines et sociales au sein de la francophonie. Les initiatives se sont multipliées à la fin des années 1990 et au début des années 2000. On peut mentionner, entre autres, la mise en place de portails de revues (Érudit, Revues.org, Persée), d’archives ouvertes (HAL-SHS) et de dépôts institutionnels, de plateformes de livres et de bibliothèques numériques (OpenEdition Books, Manioc [bibliothèque sur la Caraïbe, l’Amazonie et le Plateau des Guyanes], Bibliothèque idéale des sciences sociales, etc.). Des organismes, comme le Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique (CODESRIA), ont également commencé à offrir une partie de leurs publications en libre accès. Toutes ces initiatives contribuent à une meilleure diffusion et une meilleure visibilité de la production scientifique ainsi qu’à son accessibilité. Cette question est particulièrement importante dans les pays du Sud, mais également pour différents publics des pays du Nord tels que les chercheurs indépendants, le personnel enseignant du collégial ou encore les acteurs de la société civile. Or, aujourd’hui, Les Classiques des sciences sociales font face, tout comme les autres plateformes, à des enjeux économiques, techniques, technologiques, juridiques, de préservation, etc., qu’il est primordial de cerner et de mettre en lumière. De plus, selon leur modèle, les plateformes, archives et bibliothèques numériques ouvrent différentes possibilités qu’il convient de répertorier et de présenter plus en détail. Enfin, il s’avère essentiel de réfléchir aux différentes conceptions du libre accès qu’elles proposent et aux différents modèles économiques pour diffuser les publications et les savoirs en libre accès qu’elles utilisent, des modèles qui sont tributaires, dans certains cas, des choix politiques effectués par les gouvernements.
À l’occasion de ce colloque, nous avons donc souhaité réunir différentes personnes engagées dans la création et la gestion de plateformes, d’archives ouvertes et de bibliothèques numériques en libre accès et des technologies qu’elles utilisent, des acteurs du monde des bibliothèques et de l’édition savante, mais aussi des chercheurs, des enseignants et des contributeurs qui s’intéressent à divers aspects de ces plateformes. Ce colloque nous permettra de réfléchir ensemble à différents enjeux auxquels sont confrontées les plateformes, les archives et les bibliothèques numériques francophones, mais aussi de discuter des possibilités qu’elles ouvrent et des effets qu’elles ont sur la recherche en sciences humaines et sociales.
Date :- Florence Piron (Université Laval)
- Émilie Tremblay (UQAM - Université du Québec à Montréal)
- Ricarson Dorce (Université Laval)
Programme
Plateformes, bibliothèques et archives numériques dans la francophonie : tour d’horizon et exploration de quelques cas
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Communication orale
Les bibliothèques numériques et leurs données : enjeux pour la recherche et l’enseignementLyne Da Sylva (UdeM - Université de Montréal)
Les travaux de recherche et de développement sur les bibliothèques numériques se sont multipliés au cours des vingt dernières années, et plusieurs aspects des technologies utilisées ont atteint leur maturité. Les travaux se poursuivent maintenant d’une part sur l’exploitation des contenus des bibliothèques numériques et d’autre part sur leur mise en réseau de manière très large. Sur la base d’un survol des travaux récents publiés dans les revues et présentés lors des colloques principaux dédiés aux bibliothèques numériques, nous ferons une analyse des tendances récentes et des thématiques prioritaires retenues par la communauté de recherche. Nous reprendrons spécifiquement un enjeu important récurrent dans ces travaux : l’ouverture des contenus à l’aide des données liées du Web sémantique. Après avoir défini ces entités et décrit les technologies associées, nous explorerons les conséquences pour les chercheurs et les enseignants en sciences humaines et sociales.
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Communication orale
Les Classiques des sciences sociales 25 ans plus tard : le chemin parcouru et les enjeux pour l'avenirJean-Marie Tremblay (UQAC - Université du Québec à Chicoutimi)
D’une banque de textes accessibles en intranet seulement de 1993 à 2000, Les Classiques des sciences sociales sont devenus, à partir de 2000, accessibles à tous. L’avènement du numérique grand public et le déploiement du réseau internet à haute vitesse ont permis la concrétisation de ce rêve : partager les savoirs et outiller pour mieux comprendre le fonctionnement des sociétés. Les Classiques des sciences sociales permettent d’accéder à une partie du patrimoine intellectuel québécois en sciences humaines et sociales, et de plus en plus, au patrimoine intellectuel d’ailleurs dans la grande francophonie internationale, notamment d’Haïti, de Côte d’Ivoire, du Sénégal, de France, de Belgique, de Suisse, etc. Mais les défis sont grands pour assurer la pérennité de cette bibliothèque qui a reposé à ce jour entièrement sur du bénévolat. Dans cette communication, nous reviendrons tout d’abord sur les débuts des Classiques. Nous explorerons ensuite les différents enjeux auxquels la bibliothèque est confrontée en vue de se professionnaliser et d’assurer sa pérennité. Enfin, nous évoquerons quelques possibilités et initiatives récentes comme la création en 2016 d’un réseau de bénévoles en Haïti, et d’un second maintenant en Côte d’Ivoire, et le passage de collaborations individuelles à des collaborations et à des partenariats institutionnels.
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Communication orale
Les Classiques des sciences sociales comme patrimoine numérique : une vitrine pour les savoirs francophones produits en HaïtiRicarson Dorce (Université Laval)
Il n’est plus à démontrer que la bibliothèque numérique Les Classiques des sciences sociales dépasse aujourd’hui les attentes et les aspirations de son créateur. Elle est une initiative québécoise importante pour diffuser le patrimoine scientifique francophone dans le monde. C’est une expérience très originale et innovante, dans le sens qu’elle s’inscrit dans une démarche de participation citoyenne, de recherche de qualité en matière de diffusion des œuvres scientifiques. Dans le cadre de ma communication, je ferai d’abord l’historique de l’intérêt pour le libre accès. Puis, je ferai le point sur le patrimoine, notamment le patrimoine numérique. Ensuite, je montrerai en quoi la bibliothèque numérique « les Classiques des sciences sociales », à la fois comme outil pédagogique et comme patrimoine numérique, joue un rôle important dans le milieu francophone, tout en dressant le portrait de cette bibliothèque numérique par rapport aux enjeux de sa mission et aux perspectives dans le contexte haïtien, notamment par le biais de la collection « Études haïtiennes ». Enfin, j'analyserai les impacts des autres initiatives permettant de diffuser le patrimoine scientifique francophone haïtien.
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Communication orale
Financer le libre accès par des partenariats entre bibliothèques et revues savantesÉmilie Paquin (Érudit)
En 2015, les trois organismes subventionnaires fédéraux adoptaient une politique imposant un libre accès aux résultats de la recherche au terme d’un embargo de 12 mois. Afin d’anticiper l’impact de cette politique sur la viabilité économique des revues en sciences humaines et sociales et arts et lettres diffusées sur sa plateforme, le Consortium interuniversitaire Érudit a entrepris de modifier significativement son modèle de commercialisation. En étroite collaboration avec le Réseau canadien de documentation pour la recherche, Érudit a développé un mode de financement du libre accès basé sur des partenariats entre bibliothèques de recherche et revues. Il s’agira, dans cette communication, de présenter ce nouveau modèle, son fonctionnement et ses effets, ainsi que différentes initiatives entreprises par Érudit afin de consolider son implantation au Canada et d’amorcer son développement dans le monde.
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Communication orale
Rendre visible l’invisible : effets, perspectives et problématiques des bibliothèques numériquesAnne Pajard (Université des Antilles)
La bibliothèque numérique collaborative Manioc s’est construite depuis le projet d’améliorer l’accès à la connaissance sur la Caraïbe, l’Amazonie et le plateau des Guyanes en mettant à disposition de tous des documents sur la région. De vastes programmes de numérisation des documents dans le domaine public -soit de la période de l’esclavage et de la colonisation- et de mise en ligne des productions contemporaines ont été poursuivis depuis près de 10 ans. Tout un pan du patrimoine jusqu’alors disséminé devient un objet de recherche multidimensionnel, transversal aux collections et spécifiques aux documents, grâce aux technologies avancées employées (OCR, OAI-PMH).
Cependant, cet effet de cumul questionne à rebours l’absence. Les auteurs de la période charnière des indépendances représentatifs des grands mouvements intellectuels (Négritude, Créolité...) par exemple, se situent dans ce trou béant de ce qui ne peut être mis en ligne. Porter attention aux équilibres des représentations et au caractère visible/invisible de certains contenus renvoie aux contraintes juridiques et financières fortes auxquelles font face les bibliothèques numériques et qui constituent des enjeux majeurs de la diversité culturelle et de l’accès à la connaissance pour les chercheurs en SHS autant que pour les citoyens. Le défi pour les acteurs consiste alors autant à faire évoluer les cadres internationaux, qu’à imaginer des solutions créatives remédiatrices.
Pluralité des enjeux dans divers environnements de diffusion, de préservation et de mise à disposition du patrimoine documentaire, et du point de vue de différents acteurs
Dîner
Les possibilités pour la recherche, l’enseignement et la préservation des mémoires issues des ressources, plateformes et bibliothèques numériques
(Re)penser les plateformes, les archives et les bibliothèques numériques à partir de la justice cognitive, des communs, du plurilinguisme et du libre accès juste
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Communication orale
Publicisation des savoirs : un enjeu technique, mais aussi un enjeu de justice cognitiveFlorence Piron (Université Laval)
La publicisation des savoirs sur le web échappe de plus en plus à la mainmise des revues scientifiques et de leurs éditeurs à but lucratif, grâce à des réseaux d'acteurs et à des logiciels (libres) de plus en plus efficaces et bien organisés, qui font plutôt la promotion des archives institutionnelles et de la voie verte du libre accès. Dans le cas des pays du sud, plusieurs projets rivalisent pour y rendre plus accessibles la production scientifique (principalement publiée dans les pays du nord). Ces passionnants rapport de forces laissent toutefois dans l'ombre une question centrale : en facilitant l'accès à la science occidentale, le libre accès ne conduit-il pas à laisser dans l'ombre les productions scientifiques des universités des suds, notamment en Afrique francophone, qui sont rarement numérisées, mises en ligne et en libre accès? Même si ces dernières deviennent mieux publicisées sur le web, le déséquilibre quantitatif demeurera. Je proposerai l'idée que la justice cognitive, un idéal visant l'éclosion de savoirs pertinents et utiles partout sur la planète dans un universalisme inclusif, demande aux leaders du libre accès de ne pas en rester à la technique, mais de s'impliquer pour appuyer la création de nouveaux savoirs et pas seulement leur diffusion. Cela suppose, par exemple, des innovations informatiques, mais aussi des changements de pratiques normatives.
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Communication orale
Bibliothèques (comme biens communs) numériques : Un cadre de référence et des indicateurs d’impactMarie Martel (UdeM - Université de Montréal)
Cette communication explore les assises théoriques et pratiques permettant de situer le rôle et la portée des communs numériques en bibliothèque. La bibliothèque qui vise à "faciliter la création de savoir dans la communauté" (Lankes, 2016), implique une remise en question de la gouvernance sous la forme d’une co-propriété. Ce concept de co-propriété est explicité par le biais de l'approche des communs. Dans une perspective pratique, un cadre de référence, s’appuyant sur des indicateurs d’impact permettant d’évaluer la contribution des bibliothèques aux communs numériques, sera présenté. Deux études de cas seront ensuite exposées dont les projets évalués à partir de ces indicateurs d’impact mènent à l’identification de la bibliothèque comme “maison des communs”. (Maurel, 2017, Dujol, 2017) Les défis actuels de même que certaines pistes de développement et de recherche portant sur les bibliothèques numériques en tant que communs seront explorés en comparant respectivement les contextes français et québécois.
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Communication orale
Pensons la diversification des archives, bibliothèques et plateformes numériques à l'aune des langues maternelles: la traduction comme arme pour démocratiser le Web scientifique dans les pays des SudsRency Inson Michel (Réseau des Jeunes Bénévoles des Classiques des Sciences Sociales en Haïti), Wood-Mark Pierre (UEH - REJEBECSS-Haïti), Anderson Pierre (UEH- REJEBECSS-Haïti)
Le web scientifique (libre/non-libre) est une mine d’informations. On y retrouve les grands éditeurs commerciaux avec leur intransigeante position capitaliste qui ne cesse de dévier la production de la connaissance de sa visée première. On retrouve également les acteurs du monde libre qui propose une alternative face à la dominance de la logique de commercialisation du savoir. Ce qui désormais fait du web scientifique un champ d’action, un lieu de croisement d’intérêts (particulier/collectif, économique/humain), etc.
Ce lieu de croisement des acteurs du champ du savoir fascine par les multiples formes qu’il épouse : bibliothèques numériques, plateformes de revues en ligne, archivages numériques, forums de discussions entre les pairs, etc. Il demeure que cette multiplicité va en concomitance avec une hégémonie linguistique qui restreint l’appropriation des contenus en circulation par voie numérique. Une enquête – portant sur les enjeux linguistiques du web scientifique – que nous avons réalisée auprès d’un groupe d’étudiants haïtiens nous a conduits à rendre compte de cet état de fait. Ainsi, inspirée des résultats de cette enquête, l’ambition de notre communication consiste à proposer une voie alternative : démocratiser le web scientifique par la traduction des contenus en langues locales.