La liberté universitaire est un principe qui remonte aux premières sociétés savantes. Elle avait alors pour but de protéger les savants contre les pressions exercées sur eux par des pouvoirs externes, notamment politiques ou religieux. Actuellement, cette liberté paraît menacée. Dans les pays du Sud, les guerres, le manque de ressources ou les conflits lui nuisent directement. Dans les pays du Nord, elle est limitée par les orientations des politiques de recherche et d’innovation, la crise financière des universités, mais aussi par les tentatives de certains gouvernements d’empêcher des scientifiques de parler aux médias. La liberté universitaire n’est-elle que la liberté de choisir son sujet de recherche ou de s’exprimer dans l'espace public? Que pourrait-elle être de plus dans le système-monde actuel de la science?
Étonnamment, le rapport de la liberté universitaire avec la responsabilité sociale de ceux et celles qui la revendiquent est rarement discuté dans l’espace public scientifique. Est-ce en raison du dogme positiviste qui freine la réflexion des scientifiques sur les effets de leurs travaux dans les sociétés où ils circulent? Le sentiment d’impuissance qui se répand chez des scientifiques en manque de liberté peut-il les amener à restreindre leur sentiment d’être responsables de ce qu’ils ou elles font? Les conduire à se satisfaire d’être comptables de leurs activités financières devant telle ou telle instance de reddition de comptes? Pourtant, une véritable responsabilité scientifique paraît aujourd’hui essentielle en raison de la place immense que prend la science dans la vie sur Terre. Comment les scientifiques qui fournissent données, théories et interprétations pourraient-ils ne pas être tenus responsables de l’existence des savoirs ainsi utilisés et de leurs effets? Que signifie une liberté sans responsabilité?
Notre colloque propose de discuter de ce couple liberté/responsabilité au fil de quatre tables rondes explorant chacune des points de vue et des expériences contrastées. La première permettra des échanges sur le couple liberté/responsabilité dans la vie scientifique du Québec, en milieu universitaire (sciences sociales et médecine) et collégial. La seconde abordera ce couple du point de vue du système normatif qui caractérise le régime des savoirs et des disciplines du système-monde de la science. La troisième fera entendre l’expérience de chercheurs du Niger, d’Haïti et d’Algérie pour qui les mots liberté et responsabilité peuvent avoir un sens différent. La quatrième présentera le point de vue de la société civile sur la liberté et la responsabilité des scientifiques, notamment en regard de la qualité du débat public et de la co-construction des connaissances. Tout au long de ces tables rondes, un schéma des principales idées évoquées sera dessiné en direct dans une carte heuristique qui sera perfectionnée au cours de la séance plénière. Ce schéma servira de trame à la préparation d’un futur livre.