La liberté de pensée est le fondement de la philosophie. Dès ses origines, la philosophie a revendiqué de s’affranchir de la tutelle des mythologies et des religions afin de poser les problèmes de la connaissance sur un plan rationnel. Cette volonté de penser librement s’est aussi manifestée dans un désir de transmission des idées et de liberté de parole. L’histoire de la philosophie nous montre que l’exercice de cette liberté nécessite du courage et expose les penseurs aux risques. Les intellectuels sont souvent parmi les premières cibles des régimes tyranniques et totalitaires; et si, à défaut d’être pris pour cible, ils ou elles collaborent, qu’en est-il alors de leur liberté de pensée? Celle-ci peut-elle aller de pair avec l’exercice du pouvoir ou encore avec les accointances de celui-ci?
Réfléchir à la liberté de pensée et de parole, c’est ainsi se questionner sur les risques souvent encourus par ceux et celles qui la pratiquent. C’est aussi s’interroger sur l’état actuel de la liberté de pensée et de parole, voire de la liberté intellectuelle, ici et ailleurs, et notamment, dans un monde dominé par les médias sociaux. Et cette liberté est-elle partagée de la même manière entre tous et toutes? Qu’en est-il de la prise de parole des femmes dans l’espace public et médiatique ou de celle des personnes appartenant à des minorités (racisées, religieuses, sexuelles)? Certains débats amènent aujourd’hui à se demander qui a le droit de parler, qui est autorisé à traiter de certaines problématiques (les questions relatives au féminisme, à la race, au colonialisme…). On pourrait aussi se pencher sur l’insertion des philosophes dans les autres disciplines, comme les sciences, la littérature ou les arts. Comment leur parole est-elle reçue? La liberté de pensée et de parole nécessite-t-elle certains privilèges et, si oui, lesquels? Elle exige certainement de réfléchir à ces questions : qui parle et de quel lieu? Qui défend la liberté d’expression et dans quel contexte?