Informations générales
Événement : 81e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 600 - Colloques multisectoriels
Description :Organisé par l'équipe de recherche Sexualités et Genres : Vulnérabilités, Résiliences, ce colloque propose une exploration multidisciplinaire des thèmes actuels en recherche concernant les enjeux vécus par les familles issues de la diversité sexuelle, ici et ailleurs. Il fera état de la réalité de ces familles, c’est-à-dire celles dont au moins l’un des parents s’identifie comme lesbienne, gai, bisexuel-le, transgenre ou transsexuel-le.
Ces familles ont comme particularité la dissociation qu’elles font entre la procréation et l’éducation des enfants alors qu’elles mettent en évidence une certaine rupture entre les aspects biologiques, sociaux et légaux dans le lien parent-enfant. En effet, pour se concrétiser, le projet parental des gais et lesbiennes doit nécessairement impliquer une tierce partie, que ce soit un donneur ou une donneuse de gamètes, une femme qui acceptera d’agir comme « mère porteuse », ou encore des parents d’origine d’un enfant adoptable. Quant aux familles transparentales (c’est-à-dire celles dont l’un des parents présente une transidentité), si elles n’impliquent pas nécessairement un apport extérieur à l’unité conjugale pour s’établir, elles doivent néanmoins composer avec une transformation du rôle parental induit par la nouvelle identité de genre,a fortiori lorsque celle-ci se produit après la création de la famille. Enfin, même si au Québec elles ont atteint l’égalité juridique depuis dix ans grâce à la Loi instituant l’union civile et les nouvelles règles de filiation, les familles issues de la diversité sexuelle doivent faire face à des enjeux et défis spécifiques reliés au contexte hétéronormatif dans lequel elles évoluent.
Concrètement, ce colloque abordera les thèmes suivant : a) enjeux et défis sociojuridiques auxquels font face ces familles; b) impacts de l’homophobie, de la transphobie et de l’hétéronormativité sur leur bien-être; c) besoins des familles en terme de services ou de programmes d’intervention; d) vécu des enfants et; e) état des lieux des recherches sur le sujet dans la francophonie.
Dates :- Isabel Côté (UQO - Université du Québec en Outaouais)
- Danielle Julien (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Programme
Conférence d'ouverture
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Les personnes de minorités sexuelles et leurs enfants : mouvance des réalités et des questionsDanielle Julien (UQAM - Université du Québec à Montréal)
L'objectif de cette présentation vise à cerner l'évolution de la recherche empirique sur les familles incluant des parents de minorités sexuelles. Nous porterons une attention particulière à la spécificité de la recherche en milieu québécois. Nous proposons que le développement de la recherche québécoise sur les familles des personnes de minorités sexuelles au cours des deux dernières décennies a été tributaire à la fois des réalités changeantes de ces personnes au cours de la même période de même qu'au changement de paradigmes de recherche favorisés par les pourvoyeurs de fonds de recherche. Ces réalités familiales des personnes de minorités sexuelles ont à leur tour été façonnées par l'évolution contemporaine du contexte juridique touchant la famille, la croissance des organisations de soutien et d'information à la famille homoparentale, et l'émergence des politiques sociales contrant l'homophobie.
Plus de 10 ans suivant l'adoption de la loi 84 au Québec, nous allons questionner la pertinence de poursuivre certaines des questions qui ont mobilisé l'attention des chercheurs dans le passé, insister sur l'urgence de répondre à certaines questions qui n'ont pas reçu de réponses, et enfin souligner l'intérêt d'élargir les cadres de référence théorique et empirique pour défricher les réalités émergentes chez les familles des personnes de minorité sexuelle.
La lesboparentalité
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Devenir mère(s) : intégration familiale et normalisation de la famille homoparentale en FranceVirginie Descoutures (INED - Institut national d'études démographiques)
Cette présentation fait état d'une enquête menée auprès de mères lesbiennes afin de mettre au jour une réalité de l'homoparentalité ancrée dans ses pratiques : ceci permettait, dans un contexte de forte polémique sociale et politique en France, de prendre à rebours la focalisation exclusive sur la question de la légitimité de ces familles. Je suis partie de leur existence objective pour voir en quoi elle permet d'interroger l'institution familiale et le cadre hétéronormatif dans lequel elle se définit de même que le poids du genre, entendu comme l'ordre fondant la hiérarchie des sexes et des sexualités, constitutif de l'hétéronormativité, exerce sur les individus qui font advenir au quotidien cette institution.
Cette communication examine la question de la normalisation de la famille homoparentale dans un contexte légal hétéronormatif. J'aborderai la question de la signification de la mise en scène de cette intégration familiale par les enquêtées, cette dernière servant d'indicateur normatif d'une « bonne » intégration sociale. Si le droit apparaît comme le cadre normatif de référence en ce qu'il organise les règles de la vie sociale, l'entourage familial des enquêtées occupe une place importante dans les récits d'entretien, car, avec les ami-e-s, la parenté constitue des autruis susceptibles de valider leur monde. Ce que révèle la « famille homoparentale » (son a-normalité), c'est en contre-point, l'importance donnée à la famille élargie dans la reconnaissance des liens.
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Les familles lesboparentales recomposées : état des connaissances et perspective de rechercheMona GREENBAUM (Coalition des familles homoparentales), Kévin Lavoie (UdeM - Université de Montréal), Marie-Christine SAINT-JACQUES (Université Laval)
Visage émergent de la parentalité au Québec, les familles lesboparentales sont diversifiées; certaines d'entre elles sont composées de mères lesbiennes ayant intégré leur orientation sexuelle avant la concrétisation du projet familial, tandis que d'autres sont composées de parents dont les enfants sont issus d'une union hétérosexuelle antérieure. La trajectoire de ces dernières se distingue par le dévoilement de leur orientation sexuelle auprès de leur entourage. Après une rupture, la mère lesbienne peut obtenir la garde partielle ou complète des enfants. Ainsi, certains enfants vivent au sein de familles monoparentales dont la mère est lesbienne, tandis que d'autres grandissent dans des familles recomposées avec leur parent et sa partenaire de même sexe. Cette dernière peut assumer jusqu'à un certain point un rôle parental auprès des enfants, bien que la loi ne lui reconnaisse pas de droit parental, et ce, sans égard à l'étendue de son engagement dans l'éducation et l'encadrement des enfants. Par ailleurs, ces familles sont confrontées à l'homophobie et à l'hétérosexisme, en plus de vivre une stigmatisation sociale associée à leur statut de famille recomposée. Dans le cadre de cette communication, nous présenterons l'état des connaissances sur cette thématique, en plus de présenter une étude en cours visant à documenter l'expérience de recomposition familiale des mères lesbiennes et de leur conjointe qui endosse le rôle de beau-parent.
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Analyse du vécu subjectif des familles homoparentales lesbiennes ayant recours aux techniques d'aides à la procréationSusann HEENEN-WOLFF, Emilie Moget (UCL - Université catholique de Louvain)
Les profonds changements vécus au sein de la famille en Occident ces dernières décennies ont conduit à l'émergence de nouvelles configurations familiales. Celles-ci ont des impacts sur le vécu psychologique des individus. Nous nous proposons d'exposer notre recherche portant sur les familles homoparentales. Leurs apparences, de moins en moins « marginales » viennent bouleverser nos repères, nos représentations de ce que doit être « une famille », cette dernière se constituant traditionnellement d'un père, d'une mère et d'un enfant. Plus spécifiquement, notre intérêt porte sur les couples lesbiens qui ont recours aux pratiques modernes d'aides à la procréation avec un don de sperme anonyme. De nombreuses questions sont soulevées : leur rôle auprès de l'enfant à naître, la place du donneur anonyme dans leur histoire de vie familiale, la question des origines, le développement de l'identité sexuée de l'enfant, leur intégration au sein d'une société hétéronormative, etc. Étude qualitative, longitudinale et prospective, enfants et parents sont régulièrement rencontrés. Notre démarche étant de mettre en lumière la singularité de leur fonctionnement familial.
L'homopaternité
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La reconnaissance comme protection. L'accès à la paternité chez les couples gais espagnols à travers la gestation pour autruiMarta Roca I Escoda (UNIL - Université de Lausanne)
Nous allons nous concentrer sur les demandes actuelles de reconnaissance dans le cadre des processus de paternité à travers la Gestation Pour Autrui chez les couples gais espagnols. Ces nouvelles modalités d'accès à la parentalité ont fait l'objet de revendications récentes du mouvement homosexuel espagnol. Celles-ci ont mis à l'épreuve le caractère hétérosexué du système de filiation, en s'appuyant sur les ressources du libéralisme, ainsi que sur la règle d'égalité et de non discrimination ou encore sur les principes de neutralité de la puissance publique devant une diversité de biens substantiels ou de « choix » de vie, laissés à la discrétion des personnes. Il s'agira d'analyser des aspirations qui visent directement le droit ou le rencontrent en chemin, lors de leur réalisation pratique. Concernant cela, on se demandera quel est le poids du principe d'égalité ou de non-discrimination dans ces débats. On sera également attentif aux appuis normatifs, politiques et juridiques qui ont été mobilisés par les militants homosexuels dans le cadre de la transformation du système de filiation en Espagne. Cette transformation apparaît inhérente à la reconnaissance plénière de l'homoparentalité, et elle semble également approfondir la libéralisation et l'individualisation du droit. Il s'agira donc de se demander empiriquement ce que le libéralisme fait à la « famille », à ses formes de régulations juridiques et politiques comme à ses modalités conséquentes d'organisation dans le quotidien.
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Défis et stratégies d'adaptation de la paternité homosexuelle par adoption en contexte québécois : une analyse qualitative exploratoireIsabelle Bédard (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Ce projet de mémoire qualitatif en sexologie avait pour but d'explorer les défis rencontrés dans la parentalité homosexuelle masculine ainsi que les stratégies d'adaptation déployées afin de surmonter ces difficultés. Pour atteindre ces objectifs, dix entretiens avec des pères homosexuels ayant adopté des enfants en Banque-mixte (7) ou en pays étrangers (3) ont été réalisés. Cette étude a permis de documenter l'une des figures les plus récentes de la diversification des familles au Québec et de mieux comprendre les défis que peuvent rencontrer les pères gais dans la pré-adoption, dans la période d'adoption et dans la post-adoption. Alors que les participants ont généralement qualifié leur expérience de façon positive, l'analyse des témoignages permet de mettre en lumière certains défis à l'intersection du genre, de l'orientation sexuelle et parfois, de l'appartenance ethnique. Alors que dans certains cas l'adoption en Banque-mixte et en pays étrangers comporte des défis similaires, dans d'autres cas, il s'est avéré que le mode d'accès à la parentalité comporte des défis et des réalités uniques. Les résultats de ce mémoire permettent également de constater que malgré les défis rencontrés par les participants, ils font preuve de résilience en mettant en place un éventail de stratégies d'adaptation.
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Pères gais québécois et gestation par autrui : une transition vers la parentalitéCôté ISABEL (UQO - Université du Québec en Outaouais), François Sallafranque St-Louis (UQO - Université du Québec en Outaouais)
Il existe peu d'étude sur la transition des hommes gais vers la paternité. En fait, la plupart des recherches sur les pères gais se sont plutôt intéressées à ceux dont les enfants sont nés d'une précédente union hétérosexuelle ou encore, à ceux dont le projet parental résulte d'un recours à l'adoption. À ce jour, seules quelques recherches françaises et américaines se sont penchées sur le vécu des pères gais qui réalisent leur projet de fonder une famille avec l'aide de la gestation pour autrui. Toutefois, aucune ne s'est déroulée en contexte québécois.
La présente communication vise à présenter les résultats préliminaires d'une recherche en cours auprès de pères gais qui ont réalisé leur projet familial à l'aide de la gestation pour autrui. Les résultats suggèrent une trajectoire vers la paternité dont la finalité s'inscrit dans la conjugalité. On constate que chez les participants de l'étude, le désir d'enfant bien présent à l'adolescence ou au début de l'âge adulte est temporairement mis en veille au moment de la découverte de leur homosexualité. Ce désir d'enfants refera peu à peu surface et s'actualisera dans le cadre de la relation conjugale entraînant une redéfinition identitaire du couple. La conclusion suggèrera des pistes de réflexion en vue de recherches futures.
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Filiation transgénérationnelle chez les pères gais adoptantsNathalie Otis (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Depuis juin 2002, la Loi instituant l'union civile et établissant de nouvelles règles de filiation a changé la réalité familiale de nombreux couples gais et lesbiennes au Québec. Aujourd'hui, dans la région de Montréal, le tiers des couples choisis pour être famille d'accueil banque mixte en centre jeunesse en vue d'adopter un enfant est gai. Notre recherche vise à comprendre comment la question de la filiation transgénérationnelle se pose aux pères gais. Cette recherche est d'orientation psychodynamique et est soutenue aussi de notre pratique clinique. Notre présentation propose d'abord un bref survol de l'évolution du processus d'adoption québécois. Puis nous discuterons de certains résultats préliminaires qui découlent de nos analyses qualitatives, dont différents thèmes spécifiques : comment la filiation père-enfant cherche à s'accomplir chez les pères gais adoptants ; comment composent-ils, à travers le lien à leur enfant, avec les enjeux affectifs liés à leur réalité familiale ; quels sont les enjeux éducatifs particuliers rencontrés par ces pères.
Dix ans après la mise en œuvre de la Loi instituant l'union civile et les nouvelles règles de filiation : quels enjeux socio-juridiques demeurent en suspens ?
Transparentalité, co-parentalité et pratiques d'intervention
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De la diversité familiale aux stratégies pour en finir avec l'homophobieMona Greenbaum (Coalition des familles homoparentales)
De la diversité familiale aux stratégies pour en finir avec l'homophobie est un atelier interactif élaboré par la Coalition des familles homoparentales du Québec (CFH). Il a été conçu pour aider les professionnelles et professionnels travaillant avec les jeunes à être mieux outillés pour intervenir quand ils sont témoins d'intimidation ou d'incidents homophobes ou hétérosexistes parmi les élèves du primaire et du secondaire. Depuis sa création en 2008, plus de 7 000 personnes du milieu de l'éducation ont participé à cet atelier. Dans cette présentation, Mona Greenbaum parlera de l'histoire de son organisation et de l'élaboration de ces ateliers. Les participantes et participants recevront la trousse pédagogique qui a été distribuée dans les écoles et les universités à travers le Québec.
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Que devient le parent social lorsque les deux parents biologiques sont présents ? Analyse de coparentalités gaies et lesbiennesCathy Herbrand (ULB - Université Libre de Bruxelles)
Dans un contexte où l'idéologie de la consanguinité et le modèle de la famille nucléaire restent influents, il est parfois encore difficile pour un adulte qui s'occupe au quotidien d'un enfant avec qui il ne partage pas de lien biologique et légal, de trouver et définir sa place en termes de parenté, ainsi que de faire reconnaître celle-ci autour de soi et au sein de la société. Bien qu'un nombre croissant d'études aient porté ces dernières années sur la diversité de places et de rôles pris et assumés par le « co-parent », le « parent social » ou le « beau-parent », en particulier dans les couples lesbiens, peu de recherches se sont toutefois intéressées à la manière dont ceux-ci se jouent au sein des « coparentalités gaies et lesbiennes », à savoir des projets pluri-parentaux où un homme et une femme, sans lien conjugal, s'associent pour avoir un enfant et l'élever séparément, avec éventuellement la participation de leurs partenaires respectifs. Cette communication vise à explorer les diverses façons dont la figure du coparent social se déploie dans ces configurations gaies et lesbiennes, ainsi qu'à cerner les circonstances et les éléments qui peuvent intervenir dans la définition et la légitimation de cette position spécifique. Il s'agira notamment de considérer la dimension genrée de ces dynamiques et le rôle de la terminologie parentale utilisée.
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Parents trans et leur famille : quelles sont leurs caractéristiques individuelles, conjugales et familiales ?Marie-Pier Petit (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Des enquêtes d'envergure menées auprès d'individus trans aux États-Unis (Grant et coll., 2011), au Canada (Bauer et coll., 2011) et en Europe (Whittle et coll., 2008) ont indiqué qu'entre 28 % et 37 % d'entre eux ont des enfants. À notre connaissance, aucune étude n'a examiné les configurations des familles incluant au moins un parent trans (transsexuel, transgenre, genderqueer). Cette étude vise à évaluer les caractéristiques structurelles de ces familles et à identifier les marqueurs qui distinguent les expériences parentales des personnes trans. Elle s'appuie sur un échantillon de convenance de 57 parents et futurs parents trans canadiens (Québec, Ontario). Les participant.es ont rempli un questionnaire en ligne abordant des aspects individuels (âge, identité de genre, orientation sexuelle), conjugaux (situation conjugale) et familiaux (nombre et âge des enfants, parentalité pré- ou post-transition, nature du lien et garde légale de l'enfant, démarches de parentalité futures). Des analyses X2 et des ANOVAs suggèrent que deux variables sont susceptibles d'influencer leurs expériences parentales : 1) l'identité de genre des individus, associée aux démarches de parentalité futures, et 2) la parentalité pré- ou post-transition, associée à l'âge des enfants, la nature du lien avec l'enfant ainsi que le type de garde légale. Des entrevues qualitatives sont actuellement en cours afin d'évaluer la contribution de ces variables sur le rôle et l'identité parentale des personnes trans.
Enjeux socio-juridiques : perspectives internationales
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La place de l'enfant dans les discours entourant les débats sur l'homoparentalité en FranceLaurence Charton (INRS - Institut national de la recherche scientifique)
La perspective d'une légalisation de l'adoption et de l'accès à la procréation médicalement assistée pour les couples de même sexe a suscité ces derniers mois en France des débats vigoureux quant aux répercussions pour l'enfant. Psychologues, psychanalystes, sociologues, éthiciens, représentants religieux et militants ont ainsi pris des positions contradictoires sur ces questions. Dans le cadre de cette communication, nous cernerons les arguments intellectuels et affectifs, en faveur ou opposés à ces changements, relevés dans les différents discours. Nous nous baserons sur l'analyse comparative de rapports gouvernementaux et d'experts, d'articles de presse et de discours populaires dans le contexte français. Cette étude permettra de clarifier les enjeux associés à la reconnaissance de l'homoparentalité pour les différents acteurs concernés, sur lesquels peu de recherches ont été effectuées. Elle illustrera les stratégies discursives utilisées dans un contexte démocratique pour influencer l'opinion publique et la présentation des lois.
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Les familles homoparentales en Espagne après la reconnaissance du mariage pour tous : histoire, situation actuelle et défis pour le futurJosé Ignacio Pichardo Galán (Universidad Complutense de Madrid)
L'exposé débute avec un rapide parcours de la situation des couples de même sexe (et de leurs enfants) dans l'histoire récente de l'Espagne jusqu'à l'adoption en 2005 de la loi accordant à ces couples le droit de se marier. Ce bref retour historique fournit les outils pour comprendre comment et pourquoi ce pays s'est retrouvé à l'avant-garde en matière de reconnaissance des droits des familles homoparentales. Néanmoins, les défis pour ces familles demeurent nombreux en Espagne. Des inégalités juridiques subsistent, comme l'absence de filiation automatique pour les enfants des mères lesbiennes mariées ou l'obligation de se marier pour les couples qui veulent la filiation conjointe. Certaines pratiques juridiques maintiennent des discriminations envers les familles homoparentales, notamment les difficultés pour l'inscription des enfants nés à l'étranger grâce à la gestation pour autrui ou les difficultés d'accès à la procréation médicalement assistée dans le système public de santé pour les couples lesbiens ou les femmes non mariées. La pluriparentalité, l'accès à la parentalité à l'aide de l'auto-insémination et les familles trans remettent en question la loi, mais aussi les conceptions de la famille homoparentale comme étant toujours biparentale. En outre, la reconnaissance juridique n'implique pas automatiquement la reconnaissance sociale pour les couples et les familles. L'homophobie demeure présente, ce qui soulève des préoccupations dont nous ferons également état.
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No Future ? L'homoparentalité et la question de l'intérêt de l'enfantBruno Perreau (MIT - Massachusetts Institute of Technology)
Les débats sur l'homoparentalité en Occident ont placé la question de l'intérêt de l'enfant en leur centre, sans pour autant que cette notion ne soit jamais définie. Qui est cet enfant abstrait dont l'intérêt serait menacé ? Qui parle en son nom ? Pourquoi privilégier un modèle parental basé sur une logique des « places » paternelle et maternelle plutôt qu'une intelligence éducative et affective ad hoc ?
Je montrerai que l'intérêt de l'enfant prend appui sur une éthique de sollicitude et oriente les politiques publiques vers la satisfaction des générations futures. Selon le philosophe Ian Shapiro, l'intérêt de l'enfant implique une responsabilité pour autrui qui fonctionne comme un contre-poids interne à la tradition du libéralisme politique (« Governing Children », Democratic Justice, 1999, 64-109). L'intérêt de l'enfant permettrait de contrebalancer l'insécurité produite par le marché et la libre circulation des biens et des personnes en se focalisant l'avenir.
Dès lors, la faible connaissance des cultures homosexuelles et des formes de responsabilité qu'elles ont développées (intergénérationnelles, transnationales, amicales, etc.) peut expliquer les résistances à l'homoparentalité. Je montrerai que la relation au futur dans les cultures homosexuelles n'est pas exclusivement temporelle et, qu'en cela, elle apporte un démenti cinglant au paradigme de la gouvernance par anticipation.
Conférence de fermeture
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Homoparentalités : état des lieux politique et sociologique en FranceMartine Gross (Centre national de la recherche scientifique)
À l'automne 2012 et au début de l'hiver 2012-2013, la France a connu un débat houleux à propos de l'ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe. Plus de 12 ans après l'adoption du pacs qui apportait la reconnaissance des unions de personnes de même sexe, mais sans effets en matière de liens familiaux avec les enfants, le débat porte aujourd'hui sur l'homoparentalité. En effet, le projet de loi présenté à l'Assemblée nationale en février 2013 par le gouvernement de François Hollande propose non seulement d'ouvrir le mariage, mais également l'adoption. Des députés ont présenté des amendements pour permettre aux couples de femmes d'accéder à l'assistance médicale à la procréation actuellement réservée aux couples hétérosexuels.
Les opposants au projet de loi, au rang desquels on trouve les représentants des religions du livre ainsi quelques psychanalystes, usent d'un argumentaire anthropologique pour dénoncer une initiative qui saperait les fondements hétérosexuels de la société et feraient croire aux enfants qu'ils peuvent naître de parents de même sexe.
De leur côté, les couples d'hommes et les couples de femmes renoncent de moins en moins à réaliser leur désir de transmission et à fonder une famille homoparentale.
Lors de cette conférence, j'exposerai du point de vue sociologique l'évolution des familles homoparentales en France depuis une quinzaine d'années et rendrai compte du débat récent autour de l'ouverture du mariage civil et de l'adoption aux couples de même sexe.