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Informations générales

Événement : 81e Congrès de l'Acfas

Type : Colloque

Section : Section 600 - Colloques multisectoriels

Description :

L’évolution des sociétés vers la démocratie et la reconnaissance des droits humains fondamentaux, particulièrement au cours des soixante dernières années, auront contribué à une certaine évolution dans les attitudes et le regard sur les personnes en situation de vulnérabilité.

La reconnaissance de droits pour les personnes vulnérables est en principe une reconnaissance de la personne-sujet, une reconnaissance de la personne à part entière, dans sa dignité et dans sa pleine « humanitude ». Mais, dans les faits, la reconnaissance de droits n’implique pas nécessairement un engagement empathique envers autrui et n’induit pas automatiquement un élan de compassion et de sollicitude pour l’être humain derrière la maladie ou le handicap. Ce manque de sensibilité envers autrui se traduit souvent dans une certaine froideur, se transformant en une rigidité et un manque d’attention envers les particularités de cet être. Le manque de reconnaissance de l’humain par l’humain laisse place au développement d’une structure hiérarchique de pouvoir, mais peu d’espace pour la parole de la personne vulnérable.

Peut-on concevoir une éthique qui laisse plus de place au domaine de la sensibilité, pouvant se transformer en attitude et en bienfaisance dans une complémentarité avec les éthiques davantage axées sur les droits et sur les normes ? Pouvons-nous adopter une posture ou une position éthique basée à la fois sur des valeurs comme la compassion et la sollicitude, en complémentarité avec des valeurs comme l’égalité et la justice sociale ? C’est ainsi que les personnes en situation de vulnérabilité pourront développer une certaine autonomie à partir de leur propre potentiel et de ce qui est vivant en chacune d’elle. C’est peut-être à ce moment que le dialogue prendra place et que la parole des personnes vulnérables sera enfin entendue.

Dates :
Responsables :

Programme

Communications orales

Articulation I

  • Mot de bienvenue
    Louis Bourdages (Cégep de Rimouski)
  • De la sollicitude : questions humanistes d'aujourd'hui
    Jean-François Dupeyron (Université Montesquieu - Bordeaux 4)

    Face à un « grand marché » ayant fortement tendance à réduire l'humain aux notions d'employabilité et de solvabilité et en fonction des caractéristiques « désintégratives » des sociétés néo-libérales, une tendance se dessine depuis quelques années : le retour aux sentiments moraux, via l'éthique du care ou l'éloge de la sollicitude. Une véritable politique du care a même été esquissée çà et là dans certains discours électoraux, en lien avec un retour vers les principes humanistes.

    Sans être nécessairement hostile à ce mouvement d'idées, nous lui ferons subir un travail de déconstruction philosophique pour en explorer quelques aspects problématiques, constituant une partie des questions humanistes d'aujourd'hui : qu'en est-il du sujet occidental et en quoi la sollicitude peut-elle être pour lui une préconisation pragmatique ? Face à l'état du monde, comment la sollicitude, en tant que pièce majeure de l'éthique humanitaire, peut-elle s'articuler avec le jugement politique et la participation des citoyens ? Dans les métiers à autrui, dans quelle mesure la sollicitude doit-elle faire partie du socle déontologique des professionnels ? Trois questions combinées seront ainsi traitées : une philosophique, une politique et une professionnelle.

  • L'acte de soin et ses effets neurobiologiques
    Jacques Quintin (UdeS - Université de Sherbrooke)

    Pour un malade, cela commence par une maladie qu'il vit comme une rupture dans son existence. Cette expérience de crise peut induire la solitude. Le psychologue John Cacioppo montre que lorsque la solitude devient une condition chronique, l'impact devient majeur et a des effets biologiques. On assiste à des changements néfastes dans les systèmes cardio-vasculaire, immunitaire et nerveux. Cette expérience de la maladie soulève chez le malade un désir qui se décline sur deux versants : un commandement, « soignes-moi » et un questionnement, « serai-je bien soigner ». Nous nous demanderons comment le professionnel de la santé peut répondre à cet état d'âme. Notre hypothèse consiste à montrer que l'acte de soin comme acte de présence exerce un effet placebo, ce qui en fait une intervention éthique qui trouve un fondement scientifique. Cependant, Il faut cesser de prendre pour inné cette manière d'être. Cette posture a besoin d'être nourri par des exemples, par la philosophie, par la littérature, par les humanités. Cela implique réintroduire les humanités dans l'enseignement des soins pour des soins plus humains. Également, cela implique une réévaluation de notre organisation des soins et de ses modalités d'évaluation.

  • Pause
  • Comment conjuguer consentement éclairé et justice sociale pour les personnes atteintes de trouble mental grave ?
    Marie-Claude Jacques (UdeS - Université de Sherbrooke)

    Les personnes atteintes de trouble mental grave, comme la schizophrénie, sont en général présumées vulnérables, voire inaptes par défaut. La capacité à consentir de façon éclairée, en particulier, préoccupe. À première vue, il semble évident que toutes les mesures nécessaires doivent être mises en place pour protéger ces personnes (notamment d'elles-mêmes) au moment de consentir ou non à la participation à un projet de recherche. D'ailleurs, avec raison, ces 50 dernières années, de solides mesures de protection des sujets vulnérables ont été mises en place par des organisations internationales en éthique biomédicale. Cependant, il importe de se questionner sur une possible surprotection des personnes atteintes de trouble mental grave, ainsi que des conséquences que cela peut avoir sur les droits de l'individu et de la population qu'il représente.

    À partir d'un contexte d'éthique de la recherche, cette présentation vise à mettre en lumière la réalité du consentement éclairé des personnes atteintes de trouble mental grave, ainsi qu'à partager une vision plus nuancée de la protection de ces personnes vues comme vulnérables.

  • Les procréations médicalement assistées : un imaginaire à l'œuvre
    Céline Boissonneault (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Les procréations médicalement assistées offrent une option supplémentaire aux couples désirant concevoir un enfant et fonder une famille. La fécondation in vitro, au delà de la performance technoscientifique qu'elle était à ses commencements, est devenue une technique palliative de la stérilité tout en ouvrant la voie à des possibilités inédites dans l'histoire de l'humanité : concevoir hors sexualité, avoir accès au bagage génétique de l'enfant à naître avec les choix d'avortement ou d'intervention génétique qui l'accompagnent. Le regard posé sur la création d'un enfant renvoie ici à un cadre normatif reposant essentiellement sur un paradigme technique et médical. Or, la conception d'un enfant naît aussi d'un désir profondément enraciné dans la relation humaine, ce qui impose une réflexion sur l'accompagnement des couples en démarche de procréation médicalement assistée. À travers l'œuvre de Hannah Arendt (1961) et notamment sa conceptualisation du travail, de l'œuvre et de l'action, nous chercherons à penser l'apport de la pensée phénoménologique et existentielle à l'encadrement des nouvelles technologies de reproduction, entre cadre légal et place donnée à l'humain.

  • Dîner
  • L'articulation du souci de soi, de l'autre et de l'institution : une posture et une pédagogie au service du déploiement du souci éthique chez les praticiens
    Diane Léger (UQAR - Université du Québec à Rimouski), Jeanne-Marie RUGIRA (UQAR - Université du Québec à Rimouski)

    L'étude des pratiques psychosociales propose le développement d'une posture de recherche-formation susceptible de créer des ponts entre une éthique de la sollicitude et une éthique normative chez les praticiens œuvrant en santé et en relations humaines. En effet, l'étude des pratiques, telle qu'elle est qu'entendue ici, s'appuie sur le développement de compétences attentionnelles, perceptives, réflexives et dialogiques à partir de l'expérience telle qu'elle a été vécue. Elle vise une mise sens et une mise en forme de sa pratique et de son identité au sein d'un groupe de recherche-formation. Les questions du rapport à soi, à l'autre et aux contextes de pratique sont au cœur des terrains de questionnement, de réflexion, de dialogue et deviennent sources de sens, de connaissance, de soin, de formation et de renouvellement des pratiques, notamment sur le plan du souci éthique. En plaçant les praticiens au cœur des tensions du triangle du « je-tu-il » évoqué par Ricœur (1985), avec les promesses qui s'y jouent, ce travail place les conditions de développement d'une sollicitude ancrée dans l'expérience du sujet œuvrant auprès d'autres sujets dans des espaces institutionnels. Quelques conditions pédagogiques propres à ce travail seront ici présentées.

  • L'expérience de la conversion existentielle : pour une éthique de la sensibilité dans les métiers d'accompagnement
    Jean-Philippe Gauthier (UQAR - Université du Québec à Rimouski)

    Ma pratique de formateur dans les programmes de psychosociologie de l'UQAR cherche à favoriser le développement de compétences relationnelles indispensables pour les métiers d'accompagnement en relations humaines (St-Arnaud, 1999). Comment œuvrer pour l'émergence d'une éthique de l'accompagnement où la sensibilité fonde le rapport à soi et à l'autre pour faire face adéquatement aux défis inattendus de nos existences? Pour Bertrand (2005), l'attitude à déployer réside dans une qualité d'observation et d'attention. Un certain usage de la pensée ne doit pas empêcher le sujet d'entrer profondément en relation de perception avec la réalité telle qu'elle lui apparaît. Il propose une conversion du regard, une invitation à puiser à même les profondeurs de notre sensibilité afin que nos croyances et nos conditionnements ne nous empêchent pas d'accéder à une intelligence impersonnelle capable de nous rendre créateur dans notre rapport à soi, aux autres et au monde. Une telle éthique de l'immanence résonne avec l'œuvre de Misrahi (2011) portant sur la conversion existentielle du sujet. Sujet intellectuel de la connaissance, l'individu est également sujet de son désir, de ce «mouvement charnel et conscient qui poursuit la réalisation d'une signification librement posée comme telle et constituée comme valeur désirable» (2011, p.74). Misrahi balise un chemin de liberté réciproque possible si l'autre aussi est considéré comme sujet précieux et centre d'initiatives créatrices.

  • Pause
  • Le sujet ému : ouverture à une éthique de la vie affective
    Jean Humpich (UFP - Université Fernando Pessoa)

    En amont de la volonté du prendre-soin de la personne (Honoré, 2008) dans les systèmes humains complexes dans lesquels elle évolue, quelle est la pertinence d'une prise en compte du pouvoir-être des sujets eux-mêmes ? Quels outils avons-nous à notre disposition pour favoriser un engagement empathique envers autrui ? Certains des métiers de l'accompagnement mettent l'accent sur la formation à la sensibilité de l'intervenant lui-même. Pourrions-nous interroger certaines natures de sensibilité qui puissent favoriser une stabilité attentionnelle aux particularités de l'être humain ? Un défi est à relever car pour Michel Henri, la sensibilité ne se donne qu'à travers le jeu sans fin de ses apparitions subjectives, constamment changeantes et renouvelées.

  • L'accompagnement d'une personne en grande vulnérabilité : l'humain comme être autonome et comme être vulnérable
    Louis Bourdages (Cégep de Rimouski)

    L'accompagnement d'une personne en grande vulnérabilité, particulièrement une personne ayant une déficience intellectuelle profonde, nous rappelle le vrai sens de l'humain et que, derrière le handicap, il y a une personne à part entière. C'est aussi une invitation à questionner la conception que nous avons de nous-mêmes, à regarder la vulnérabilité non pas comme une image de faiblesse ou de considérer le handicap uniquement comme déficience, mais comme une avenue utile et positive, à partir de ce que la personne est capable de faire et d'être (Nussbaum, 2008). Le handicap n'équivaut pas à l'absence de possibilité, puisque tout n'est pas handicapé dans le handicap. Il devient donc important de prendre une posture éthique qui intègre la vulnérabilité dans l'intention et l'agir professionnel de même qu'une conception de la liberté. La vulnérabilité doit devenir une matière première, une conception de l'humain qui s'appuie sur la valorisation des individus qui n'est pas pensées à partir de leurs privations, mais à partir de leur mode d'être (Pelluchon, 2009).

    Ma réflexion éthique s'appuya sur mon expérience clinique auprès des personnes polyhandicapées, ainsi que sur l'approche des capabilités de Nussbaum. S'ajoute à cela une critique de l'anthropologie de la modernité qui met l'accent sur les capacités rationnelles en développant une argumentation qui insiste sur un double statut de l'humain : comme être autonome et comme être vulnérable (Maillard, 2011).

Communications orales

Articulation II

  • Sollicitude, sexe et genre : aider des hommes ?
    Gilles Tremblay (Université Laval)

    La sollicitude est-elle influencée par le sexe et le genre de la personne sur qui elle porte ou encore de celle qui porte un regard sur l'autre ? Jusqu'où va-t-elle lorsque la personne a enfreint des normes sociales largement acceptées par la société? S'appuyant à la fois sur mon expérience de clinicien et de formateur ainsi que sur les écrits scientifiques et mes recherches dans le domaine de l'intervention auprès des hommes (Tremblay & L'heureux, 2002), l'exposé portera notamment sur deux situations-types : en contexte de violence et lorsque la norme de genre est enfreinte. Ainsi, pour exercer une réelle sollicitude envers un homme qui a commis un, ou des, abus, force est de constater que cela exige un travail intense sur soi pour se défaire de nombreux « filtres » qui viennent interférer dans la relation. Plus encore, Dulac (2001) questionne jusqu'à quel point cette relation d'aide est-elle réellement désirée. Par exemple, des études montrent que les professionnels ont tendance à référer davantage une femme qui a commis un filicide vers les services psychiatriques qu'un homme préférant référer ce dernier au criminel. Ici, non seulement le sexe de l'abuseur influence mais aussi le rôle de protection sociale des intervenants. Un autre type de situations qui met la sollicitude à l'épreuve est sans aucun lorsque les normes de genre sont enfreintes.

  • Des théories du care, de l'éducation et du programme d'Éthique et culture religieuse
    Claude Gendron (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)

    Les théories de la sollicitude (désignées aussi comme éthiques du care, du prendre soin ou du souci) apparaissent de mieux en mieux connues. Ainsi, après avoir été longtemps confinées au monde anglo-saxon, elles semblent maintenant avoir trouvé place ces dernières années au sein de la littérature académique francophone (Paperman et Laugier 2005, Garrau et Legoff 2010, etc.). Si ces théories se distinguent sans doute l'une de l'autre sur plusieurs plans, elles invitent toutes cependant à repenser des enjeux de la vie morale ayant été occultés par les éthiques dominantes, qu'il s'agisse par exemple des éthiques de vertu ou encore conséquentialistes. Notre communication dégagera des fondements partagés par les éthiques du care et traitera en particulier de l'intérêt que représente la théorie de la philosophe Nel Noddings pour l'éducation. Nous viserons plus spécialement à proposer une analyse critique de certains axes du programme ministériel d'Éthique et culture religieuse en regard de cette éthique.

  • Pause
  • L'écoute de l'autre, l'écoute de soi, une nécessité éthique
    Hélène Patenaude (Université Laval)

    Prendre soin c'est porter attention à l'autre dans son universalit, mais aussi dans sa singularité. Pour ce faire, il est nécessaire de le connaître, de l'entendre et de le comprendre (Bolly et GrandJean, 2004). La communication est au cœur des soins. Les demandes de soins, de différentes natures, de la personne faisant face à une problématique de santé interpellent le soignant dans la rencontre. Mais comment l'éthique se vit-elle au quotidien dans la rencontre avec l'autre? Et alors, qu'est-ce qui est en jeu dans le quotidien de l'acte? L'éthique se manifeste dans une relation d'authenticité, à travers l'attention portée à l'autre dans sa globalité. C'est une éthique qui donne la parole à toutes les personnes concernées, le soignant et le soigné. Qui dit parole, dit écoute; une écoute consciente, intentionnelle, qui accueille la demande, qui permet à la personne d'être entendue et de se comprendre. Qu'en est-il de l'écoute dans les milieux de soins? Quelle place, quelle importance prend-elle par rapport à l'acte, à l'action dans un monde d'efficacité et d'efficience? L'écoute de l'autre nécessite l'écoute de soi. La demande peut venir remuer des émotions, en susciter chez le soignant. Il est alors aux prises avec ses propres questionnements et amorcer un engrenage d'actions qui peuvent insidieusement écarter la demande de l'autre, l'abandonner. Comment l'écoute peut-elle alors demeurer éthique pour répondre à l'autre dans sa singularité et dans sa vulnérabilité?