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Informations générales

Événement : 81e Congrès de l'Acfas

Type : Domaine

Section : Section 400 - Sciences sociales

Description :

Les rapports qu'entretiennent les hommes avec la nature, l’environnement et les institutions sont notamment configurés par l’étendue du savoir et de la technique, de même que les modalités de leur participation à la vie économique, politique et juridique. Dans le contexte de l’évolution des sociétés, de révoltes, d’attitudes nouvelles devant les risques et de questionnements entourant les rôles respectifs qui échoient aux citoyens, à l’entreprise privée ou à l’État, plusieurs domaines d’études concourent à éclairer les différentes dimensions de ces mêmes rapports (pensons à l’histoire, la sociologie, l’anthropologie, la science politique ou le droit). Elles convergent ici, de manière à poser un premier regard sur des thématiques d’une criante actualité, ou à proposer des analyses renouvelées de problématiques plus traditionnelles.

Dates :
Responsables :

Programme

Communications orales

Regards multidisciplinaires posés sur la vie politique et constitutionnelle

  • Le profil socio-démographique des parlementaires québécois : la 40e législature
    Magali Paquin (Université Laval)

    La communication vise à actualiser les connaissances sur le profil sociodémographique des députés québécois suite aux élections générales du 4 septembre 2012, lesquelles ont porté le PQ au pouvoir. Quatre caractéristiques sociodémographiques sont considérées : sexe, âge, niveau de scolarité et occupation professionnelle.

    Dans un premier temps, le profil des députés de la 40e législature sera examiné sous trois angles, soit ceux de l’Assemblée, des partis politiques et du Conseil exécutif. Premièrement, une vue d’ensemble des 125 députés sera présentée. Deuxièmement, l’analyse sera effectuée dans une perspective comparative entre les trois principaux partis politiques (PQ, PLQ, CAQ). Troisièmement, l’attention sera portée sur le Conseil exécutif, formé de ministres du Parti québécois.

    La seconde partie de la communication vise à comparer les 38e et 40e législatures, puisque dans les deux cas, on note la présence d’un gouvernement minoritaire et de trois groupes parlementaires reconnus. L’exercice permettra notamment de vérifier si les députés de la CAQ présentent un profil similaire à ceux de la défunte ADQ, et si les ministres libéraux (2007) s’apparentent ou non aux ministres péquistes (2012).

    Les données utilisées sont principalement tirées des fiches biographiques publiées sur le site Internet de l’Assemblée nationale. Celles-ci sont complétées et corroborées par des sources connexes fournies par la Division de la recherche de l’Assemblée nationale et par le DGEQ.

  • Anatomie du Parti libéral du Québec : près de 60 ans des clientèles électorales qui ont appuyé et appuient encore les libéraux du Québec?
    Eva Falk Pedersen (Université McGill)

    De Maître chez nous à Pour Le Québec, de Jean Lesage à Jean Charest, le Parti libéral du Québec (PLQ) a évolué au fil des décennies s’adaptant vis-à-vis ses adversaires pour mieux leur faire face dans l’arène partisane. La clientèle électorale libérale risque d’avoir elle aussi changé au fil du temps. Lemieux, en 1993, analysait le PLQ comme un des deux grands partis du 20e siècle tout en ayant donné naissance aux partis qui lui firent compétition. De quelle façon les appuis électoraux du Parti libéral du Québec ont-ils évolué entre 1960 et 2012 tout en continuant d’occuper une place prépondérante dans le système partisan québécois ? Cette question sera répondue à l’aide d’analyses statistiques de régressions logistiques des données sociodémographiques et de l’appui à la souveraineté du Québec provenant de bases de données académiques (3 sondages réalisés par Maurice Pinard, 8 par l’équipe des Études électorales canadiennes et 3 réalisés par Éric Bélanger et Richard Nadeau). Est-il vrai que plus un citoyen est âgé, plus il est enclin à voter pour le PLQ ? Est-il vrai qu’il n’existe pas de fossé sur le genre au Québec fondé sur le vote ? Cette recherche est tout à la fois innovatrice et pertinente puisque le PLQ est le parti majeur du système partisan et qu’aucune recherche ne s’est attaquée à ses appuis électoraux de manière longitudinale, ce qui nous permettra possiblement d’identifier des effets de génération et des effets de cycle de vie.

  • Éthique de l’histoire et construction de la citoyenneté : les soubassements éthiques des débats sur l’enseignement de l’Histoire nationale au secondaire
    Olivier Lemieux (Université Laval)

    Cette communication a pour objectif d’exposer les premiers résultats de notre recherche de 2ème cycle universitaire, laquelle porte sur la représentation des acteurs de changement politique dans les programmes et les manuels scolaires de l’enseignement de l’histoire nationale au secondaire de 1967 à aujourd’hui.

    Ce premier volet de ma recherche interroge la légitimité morale dans la réécriture de l’histoire à des fins idéologiques. Pour ce faire, j’emploierai un modèle analytique du binôme bien/mal en politique, soit un développer par le politologue Jean-Herman Guay. Par ce processus, je démontrerai quels sont les points de désaccords qui ont provoqué la polémique de 2006 portant sur le cours d’Histoire et d’éducation à la citoyenneté. Ainsi, je tâcherai d’identifier les partisans et les opposants du nouveau programme, puis je démontrerai en quoi ce problème fut provoqué par une mésentente sur le projet (les objectifs visés), le sujet (le véhicule de changement emprunté) et le trajet (les moyens instrumentalisés pour mener à terme leur projet) de chacun des groupes. En dernière partie, je présenterai les positions intermédiaires et les solutions qui s’offrent à la société québécoise pour sortir de ce cul-de-sac éthico-politique. Enfin, je vous présenterai mon corpus qui est composé de revues académiques québécoises.

  • L'encadrement du lobbying en Europe et au Canada
    Eléonore Pellé (Université Lille 2)

    Pour réaliser cette recherche j’ai utilisé deux méthodes : la littérature scientifique et la réalisation d’entretiens. J’ai employé plusieurs sources littéraires : articles scientifiques, textes de loi, sites internet afin d’effectuer une comparaison préliminaire. Ensuite, j’ai réalisé des entretiens avec lobbyistes, des chercheurs, des membres des administrations concernées et des associations citoyennes à Ottawa, au Québec et à Paris.

    Bien que partageant dans un premier temps la volonté d’interdire les groupes d’intérêts dans leur société, le système d’encadrement du lobbying canadien et québécois se différencie du système néanmoins existant en France. La cause de ces réglementations dans le cas nord-américain survient après d’importants scandales alors que dans le cas français d’une équité dans l’accessibilité du Parlement. La plus grande différence porte sur le fonctionnement de ces encadrements. Le Canada et le Québec ont mis en place des lois, qui encadrent les actions des lobbyistes, en France il y a juste eu la modification du règlement intérieur du Parlement. Les systèmes nord-américains ont prévu d’importants outils pour ces encadrements : commissaire au lobbyisme, registres obligatoires, l’encadrement d’après-mandant des hommes politiques, et d’importantes sanctions, choses presque inexistantes en France.

    L’encadrement du lobbying devrait être une priorité de nos gouvernement pour permettre une bonne représentation des différents groupes au sein nos sociétés.

  • L’affaire Caron et l’importance de la preuve historique et sociologique en droit constitutionnel
    Darius Bossé (Université McGill)

    Entre 1988 et 1990, dans les affaires Mercure et Paquette, la Cour suprême du Canada concluait que la Saskatchewan et l’Alberta étaient légalement bilingues, mais qu’elles pouvaient abroger cette obligation unilatéralement. C’est ce qu’elles firent.

    Vingt ans plus tard, dans l’affaire Caron, la Cour provinciale de l’Alberta bouleverse l’état du droit en concluant que l’Alberta, et donc la Saskatchewan, était constitutionnellement bilingue et l’avait toujours été.

    Comment cette contradiction est-elle possible? Les conséquences d’une telle erreur juridique sont catastrophiques pour les communautés francophones de l’Ouest canadien.

    Je réponds à cette question dans un article à paraitre. J’explique les causes de cette erreur judiciaire en analysant la crédibilité et la rigueur des dossiers de preuve des affaires Mercure, Paquette et Caron.

    Les constats sont stupéfiants.

    La théorie historique des affaires Mercure et Paquette n’est fondée que sur les insuffisantes recherches personnelles d’un juge. Au contraire, un dossier imposant de sources primaires, secondaires et de témoignages d’experts fut présenté à la Cour dans l’affaire Caron.

    J’ai aussi décelé des problèmes en litige constitutionnel. Notamment, l’incomplétude et la mauvaise qualité d’un dossier de preuve entravent gravement la recherche de la vérité et la légitimité du système de justice.

    Je conclus en proposant quelques solutions, dont le meilleur financement de causes d’intérêt public.

  • Le constitutionnalisme de common law et la liberté moderne
    Kevin Bouchard (Université Laval)

    W.J. Waluchow et David Strauss proposent tous deux de recourir à une approche inspirée de la common law pour comprendre les dispositions contenues dans les constitutions modernes, comme celles contenues dans les chartes des droits et libertés. Selon eux, les juges ont la capacité, en se référant à la sagesse accumulée dans la jurisprudence d’une communauté (et éventuellement dans son sens commun), de découvrir la « constitution vivante » qui la régit et d’appliquer cette dernière de façon appropriée à des cas particuliers. Une telle démarche fait cependant la part belle à l’idée que le droit est le fruit de la tradition d’une communauté donnée et nous soutiendrons qu'elle se trouve en tension avec une idée fondamentale dans la modernité - et que les chartes des droits cherchent justement à incarner - selon laquelle l’humanité de l’homme réside dans sa capacité à prendre une distance par rapport à ses déterminations sociales et historiques. Nous examinerons de façon critique la posture du constitutionnalisme de common law, afin de montrer que, malgré son caractère modéré, elle occulte l’idée selon laquelle les hommes sont suffisamment doués de raison pour se donner eux-mêmes leur propre loi et qu’elle contribue surtout à renforcer l’autorité des juges. La popularité grandissante de ce courant de pensée, en plus de sa reconnaissance officielle (notamment par les tribunaux canadiens), rend l’étude de ses présupposés et de ses conséquences nécessaire.


Communications orales

Risques, régulation et gouvernance : variations autour d'un triptyque

  • L'évaluation de l'efficacité des normes dans la réalisation des comportements éthiques au sein de l'administration publique municipale québécoise
    Thomas Maxwell (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    La préoccupation de l’opinion publique engendre à l'égard des institutions comme des organisations, une « effervescence éthique » inégalée pour la valorisation et la promotion des comportements éthiques et plus largement, l’avènement d’un contrôle social plus contraignant. Pour répondre à cette préoccupation, les organisations ont mis en place des normes éthiques ou programmes éthiques permettant d’encadrer les déviances de certains comportements jugés non-éthiques. L’un des moyens les plus répandus pour institutionnaliser l’éthique et fournir un énoncé visible et public des prétendues valeurs, devoirs et obligations organisationnels étant le Code d’éthique.

    Si nombre de praticiens et chercheurs en éthique ont analysé la prévalence et le contenu de ces codes d’éthiques, peu ont mis en évidence le lien entre les mesures prises par ces organisations (publiques ou privées) au niveau de l’éthique et leur efficacité réelle sur les comportements de ceux à qui ces dernières s’adressent. Il est même assez préocuppant de constater que les systèmes de contrôle organisationnels et de vérification éthique sont parfois dépassés et inoffensifs. Nous avons donc choisi de nous intéresser à l’évaluation de l’efficacité des normes écrites dans la réalisation des comportements éthiques au sein des organisations pour combler cette lacune et tenter d'apporter une alternative à l'engagement éthique par la communication organisationnelle et ses récents développements (communication engageante).

  • La veille stratégique : proposition d'un modèle conceptuel
    Nicolas Charest (ÉNAP - École nationale d'administration publique)

    La veille stratégique est une activité de plus en plus valorisée au sein des administrations publiques. Toutefois, les modèles conceptuels pour l’appréhender demeurent peu satisfaisants, en raison notamment de leur caractère normatif. Cette présentation s’attachera d’abord à définir cette activité d’un point de vue classique. Par la suite, nous évoquerons les arguments pour lesquels ce point de vue doit être reconsidéré. À la lumière de cet argumentaire, nous montrons que le modèle de création de sens (sense-making), comme élaboré par Weick constitue un outil conceptuel pertinent pour construire un nouveau modèle pour appréhender la veille stratégique. En premier lieu, par le caractère collectif qu’il induit et en second lieu, par la notion d’équivocité que Weick attribue à l’environnement d’une organisation, dépassant par le fait même les notions d’incertitude et d’ambiguïté généralement associées à l’environnement.

  • Prolégomènes pour l’élaboration d’une théorie du risque juridique
    Mathieu Disant (Université Panthéon-Sorbonne (Paris 1))

    Quelle est la part du droit dans la survenance d’un facteur risque ? Comment la norme juridique peut-elle se trouver impliquée dans la source d’un risque ? Le risque peut-il être la manifestation du préjudice potentiel généré par la norme ? Peut-on évaluer le degré d’incertitude juridique ? Ces interrogations sont aujourd’hui au cœur de la recherche consacrée aux rapports entre le risque et le droit.

    Si le droit, paré de ses vertus classiques de régulation et de protection, continue de s’affirmer aux yeux de tous comme un instrument d’anticipation et de gestion des risques, la notion de risque juridique demeure quant à elle largement inexplorée et faiblement traitée par la recherche juridique fondamentale. Pourtant, il n’est plus contesté que le droit, lui-aussi, « piège » et peut apparaitre lui-même comme source d’insécurité ou d’incertitude, tant dans son édiction que lors de son application.

    Il est ainsi nécessaire d’étudier de façon spécifique le risque juridique, ses sources et ses manifestations, en vue d’élaborer une théorie qui le prenne pour objet autonome. La présente communication propose de mettre en débat cette orientation scientifique inédite, d’en discuter les prolégomènes et les enjeux, et d’en présenter les premiers résultats. Elle s’inscrit dans un dialogue ouvert non seulement avec les chercheurs francophones et les pratiques comparées, mais aussi plus fondamentalement entre la science et la société tant il s’agit aussi d’y (ré)interroger la place du droit.

  • Recherche sur la détermination de l'acceptabilité des risques naturels et technologiques
    Matthieu Meerpoel (Université Catholique de Lille)

    La gestion préventive des risques naturels et technologiques constitue un enjeu prépondérant pour les autorités étatiques que ce soit à l’égard des populations, des biens et de l’environnement ou pour le coût que leur réalisation peut représenter. Aussi, le décideur public est contraint juridiquement de protéger ces enjeux. Après avoir formalisé, qualifié et procédé à la « mise en risque » d’un danger incertain (cf. F. Ewald), c’est au cours d’un processus décisionnel complexe que cet acteur décisionnaire doit déterminer le degré de dangerosité du risque et les mesures préventives proportionnées. S’effectue alors la recherche du « meilleur compromis » entre des exigences parfois contradictoires dans le cadre d’un bilan coûts/avantages. Le droit tente d’encadrer ce processus décisionnel en laissant une marge d’appréciation nécessaire au décideur public dans la détermination du degré d’acceptabilité du risque qui présente un double aspect. En effet, la recherche de l’acceptabilité d’un risque s’effectue en deux temps, le premier consacré à l’inacceptabilité du danger (source du risque), le second à l’acceptabilité des mesures préventives (réductrices du risque). Ce sont les critères recherchés lors de ce compromis qui seront étudiés dans le cadre de cette présentation et plus particulièrement la manière dont le droit encadre cette recherche et gère cette question délicate en s’appuyant sur l’expertise des autres sciences et l’exigence de scientificité (cf. A. Fluckiger).

  • L'obligation de reddition de comptes : évolution de la notion de vie privée et protection des renseignements personnels
    Emilie Mouchard (UdeM - Université de Montréal)

    Nous partons de l'idée d'une société dite pluraliste en ce sens que celle-ci accepte l'idée que des acteurs différents de l'État puissent élaborer des normes.

    Dans le cadre de la vie privée, il est un fait établit que les entreprises disposent d'un pouvoir leur permettant de régir les données personnelles des individus. Ces données étant considérées comme protégées par l'État au nom du respect de la vie privée de tout individu.

    Dans le cas de l'internet, ces données sont d'autant plus exposées que l'individu n'a pas toujours conscience de ce à quoi il s'engage lorsqu'il transfert une part de cet attribut de sa personne à une personne privée qui doit en assurer la gestion et la protection.

    Les entreprises privées se sont toujours conformées aux lois et se sont également « autorégulées » lorsqu'il s'agissait de questions non prévues par les textes. Cependant, aujourd'hui, les régulateurs publics que sont les autorités de protection des données personnelles (APDP) demandent a ce que cette « autorégulation » soit posée en droit de sorte a garantir aux individus une sécurité juridique pour leurs données. C'est a ce titre qu'entre dans le débat l'obligation de reddition de comptes pour les responsables de traitement des entreprises. Cette obligation aura pour but de redéfinir le principe général de responsabilité, par la mise en place d'un droit négocié entre les entreprises et les APDP afin de donner un socle juridique efficace et transparent à la gestion des données personnelles

  • La notation, de l’opinion à l’outil réglementaire : les multiples visages d’une norme
    Pascale Cornut St-Pierre (IEP - Institut d'études Politiques de Paris)

    Depuis la crise financière, beaucoup d’encre a coulé à propos des agences de notation, questionnant leur rôle dans la gouvernance des marchés financiers, la légitimité de leurs jugements sur la conduite des États ou leur responsabilité face à la crise. Dans la plupart des écrits à ce sujet, on présente la notation comme une opinion sur la solvabilité d’un émetteur de dette. Or, cette définition est loin d’épuiser ce qu’est la notation en pratique et offre peu de prise pour réfléchir aux régulations financières contemporaines.

    Cette communication propose, par une approche sociologique du droit économique, d’explorer le pouvoir normatif des agences de notation et ses diverses articulations avec le droit positif. L’étude s’appuie sur la législation, la jurisprudence et les témoignages publics de divers acteurs des marchés financiers au cours de la dernière décennie, principalement en Europe et aux États-Unis. Norme d’origine privée, la notation s’est peu à peu inscrite dans les pratiques contractuelles des marchés financiers et dans les réglementations financières des États ; elle a été encadrée législativement et astreinte à certaines exigences de publicité ; elle s’est trouvée au cœur de contentieux judiciaires où des juges ont dû se prononcer sur sa nature en droit. L’étude montre que la définition de la notation et de son rôle n’est pas univoque, mais qu’elle résulte au contraire de la confrontation de multiples prétentions normatives émanant de divers acteurs.

  • «Nous donnons uniquement notre opinion, jamais de conseils» : usages contradictoires du savoir produit par les agences de notation dans le secteur microfinancier

    Les agences de notation sont des acteurs centraux dans le développement de la finance, le secteur microfinancier n’échappe pas à cette particularité. Parce qu’elles produisent et diffusent des informations sur les risques et les bénéfices potentiels, ces agences conçoivent leur rôle en tant que fournisseurs d’opinions objectives destinées aux épargnants, aux investisseurs, aux débiteurs et aux régulateurs. Dans les marchés microfinanciers, elles estiment ainsi qu’elles procurent aux institutions de microfinance (IMF) et aux investisseurs « uniquement des opinions, jamais de conseils ». Ce que les IMF mettent en oeuvre une fois qu’elles ont reçu cette opinion relèverait donc d’un autre domaine, celui des services de consultants et des choix de gouvernance stratégiques des gestionnaires. En explorant le cas de la microfinance péruvienne, cette communication démontre toutefois que les utilisateurs ne perçoivent pas l'utilité des rapports de notation de manière univoque, les IMF les utilisant partiellement comme une source de conseils et de connaissances crédibles pour identifier leurs forces et leurs faiblesses organisationnelles. Cette communication s’intéresse aux interrelations entre l’auto-conception des agences de notation et l’utilisation de leurs rapports par les IMF et les firmes d’investissements. Elle révèle une transmutation dans l’utilisation du savoir qui est non prévue, inconsciente et réfutée par les acteurs à la source de la production de ces connaissances.

  • Les frontières de l’expertise au prisme de l’hybridation : la figure de l’expert-conducteur en question
    Geoffrey Carrère (IRSTEA - Institut national de Recherche en Sciences et Technologies pour l'Environnement et l'Agriculture)

    Les travaux sociologiques ont présenté la capacité des savoirs scientifiques et techniques à faire valoir leur légitimité face aux autres formes d’expertises, citoyennes notamment. Ils ont montré que les déterminants de la légitimité d’une expertise relève d’une construction sociale impliquant des jeux d’acteurs qui opèreront une distinction entre l’expertise et la « non-expertise » (Gieryn, 1983). Cependant, si ces jeux d’acteurs engendrent in fine une distinction affirmée, les frontières cognitives de l'expertise demeurent labiles.

    A partir de 85 entretiens réalisés auprès des ingénieurs de la route du ministère des transports français et québécois, nous analyserons la porosité des frontières de l’expertise ingénieriale. Nous avons étudié l’audit de sécurité routière, instrument qui cherche à dépasser l’approche technique de l’infrastructure par la réalisation d’une approche inductive basée sur les expériences de conducteur des auditeurs.

    Ainsi, en nous posant la question de savoir si la mobilisation des expériences de conducteur entraîne l’émergence d’une figure hybride qui serait celle de « l’expert-conducteur », nous interrogerons l’hypothèse de l’hybridation des savoirs (Barthe, Callon, Lacoumes, 2001). Nous montrerons que les transformations du champ de l’action publique en sécurité routière ont suscité une ouverture des cadres cognitifs ingénieriaux aux savoirs expérientiels de conducteur sans que pour autant ces derniers participent à l’hybridation des savoirs.

Communications orales

Exclusion, égalité et protection des minorités : la vulnérabilité en tant qu'objet d'étude

  • Entre le procéduralisme et le substantialisme : une égalité processuelle
    Laurent Tischler (UNIGE - Université de Genève)

    Dans nos sociétés libérales contemporaines, les individus sont embrigadés dans des interactions sociales lors de l'allocation de biens rares comme des emplois.

    Les membres de groupes minoritaires ethno-raciaux sont généralement désavantagés dans ces interactions. Ils font l’objet d’injustices socio-économiques et culturelles qui se manifestent de manière individuelle, par le biais de discriminations, et/ou collective, par le biais d’injustices structurelles. Quel principe moral doit gouverner l’allocation des biens rares pour les membres de groupes ethno-raciaux? Deux principaux principes moraux s’appliquent pour le choix des candidats. Le procéduralisme consiste à penser l’égalité entre les individus membres de groupes ethno-raciaux comme un idéal procédural. Alors que le substantialisme consiste à penser cette même égalité comme un bien public et/ou social.

    Avec une approche philosophique pragmatique et contextuelle, notre thèse soutient que non seulement il ne s’agit pas d’options mutuellement exclusives pour penser l’égalité lors de l’allocation de biens rares. Mais aussi que ces options ne doivent pas l'être si elles entendent instaurer une égalité entre les membres de groupes ethno-raciaux avantagés ou désavantagés. En conséquence, nous argumentons pour une égalité processuelle qui permet, par le biais d'un mouvement d'adaptation régulier aux évolutions contextuelles, de réconcilier procéduralisme et substantialisme.

  • La dignité du pauvre et de l’exclu
    Marianne Hardy-Dussault (Université Laval)

    La dignitas correspondait, en droit romain, au mérite, à un rang ou à une charge honorifique. À notre époque, elle est plus généralement considérée comme un attribut que la personne possède du seul fait de son appartenance à l’humanité. Faisant désormais partie de l’arsenal langagier de plusieurs institutions internationales, de constituants, de législateurs, de juges et d’auteurs de doctrine, elle est employée dans nombre de juridictions et dans les contextes les plus divers. La dignité est à ce point utilisée par le discours du droit que, selon certains, elle est sur le point « de devenir la notion la plus agaçante de la littérature judiciaire ». Puissant outil de justification, il est encore de bon ton de s’y référer lorsque des questions morales se posent ou que des choix éthiques sont en cause. La dignité est qualifiée de principe fondateur des droits de la personne et sert à interpréter ces derniers. Quels usages les tribunaux font-ils de cet axiome lorsqu’ils s’intéressent au pauvre ou à l’exclu ? Dans le discours des acteurs sociaux et, maintenant, celui du droit, la dignité est liée à une vision holistique de la personne exigeant que cette dernière bénéficie d’une certaine qualité de vie. Pourtant, au Québec, les conditions de vie précaires ne sont pas considérées comme représentant en elles-mêmes la violation d’un droit, et ce, tant en vertu de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale que des Chartes québécoise et canadienne.

  • Stratégie de développement du Nord du Québec, femmes et obligations étatiques relatives à l'égalité entre les sexes : le Plan Nord au peigne fin
    Jessica Gosselin (Université Laval)

    Le Plan Nord aspire au développement économique, environnemental et humain du Nord québécois. Il se targue de comporter des volets consacrés aux impacts sociaux et environnementaux de son déploiement et d’ainsi constituer un projet de développement durable. Or, son caractère égalitaire n’a été abordé que de manière superficielle. Le projet de « tous les Québécois » est-il également celui de toutes les Québécoises ? La communication proposée entend présenter des résultats ayant démontré que le gouvernement du Québec, à l'occasion du Plan Nord, n’a pas respecté les obligations relatives à l’égalité entre les sexes lui incombant en vertu des outils législatifs par lesquelles elles sont consacrées. Seront d’abord présentés les fondements juridiques du droit à l’égalité. Le cœur de l’exposé se concentrera ensuite sur l’inadéquation entre la stratégie de développement économique du nord de la province, les besoins des femmes et les obligations dévolues à l’état en matière d’égalité entre les sexes. L’égalité, présentée comme un projet de société tributaire des stratégies macro-économiques et des dépenses en services sociaux, permettra d’introduire un double manquement du gouvernement québécois : l’absence d’utilisation de l’analyse différenciée entre les sexes comme procédé susceptible de débusquer les biais sexistes du Plan Nord et la non-réalisation d’un budget genré permettant une réflexion sur la priorisation budgétaire quant aux dépenses des fonds publics.

  • L’Accord Canada-Québec en matière d’immigration et les réalités du système québécois d’immigration économique
    Gabriel Hoidrag (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    En 1990, avec l’Énoncé de politique en matière d’immigration et d’intégration, le Québec se dote de sa première véritable politique d’immigration et d’intégration. Une année plus tard, la signature de l’Accord Canada-Québec relatif à l’immigration et à l’admission temporaire des aubains consacre l’exclusivité des pouvoirs du gouvernement québécois sur la sélection des immigrants indépendants à destination Québec. L’accord confie aussi au gouvernement du Québec l’entière responsabilité des services d’accueil et d’intégration des nouveaux arrivants à destination Québec. Bien qu’il soit précédé par d’autres ententes, l’Accord Canada-Québec marque un tournant majeur dans la façon de concevoir l’immigration au Québec. Vingt ans après l’entrée en vigueur de l’Accord Canada-Québec, nous jetons un regard sur les conséquences de l’adoption de cette entente sur la politique d’immigration québécoise, notamment en matière de sélection des immigrants économiques (travailleurs qualifiés, autonomes, investisseurs et entrepreneurs). Malgré la « tutelle » fédérale, le système québécois d’immigration économique a-t-il acquis une certaine autonomie? Dans quelle mesure répond-il aux besoins spécifiques de la société québécoise? Quelles sont les possibles changements qu’il devrait subir? Notre analyse finira par une réflexion sur le système québécois d’immigration économique comme modèle pour le système fédéral de sélection des immigrants économiques et pour les autres provinces canadiennes.

  • Un regard critique sur l’engagement du Canada de veiller à la réunification familiale : l’exclusion familiale des enfants en droit canadien de l’immigration
    Gabriel Hoidrag (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Entrée en vigueur en 2002, la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) propose de veiller à la réunification des familles et de se conformer aux instruments internationaux portant sur les droits humains dont le Canada est signataire. En ratifiant la Convention relative aux droits de l’enfant, le Canada a engagé sa responsabilité au regard de la protection des enfants. À travers la LIPR, son Règlement et la jurisprudence pertinente en droit canadien de l’immigration, l’auteur propose de démontrer que le Canada est loin de tenir cet engagement pour certaines catégories d’enfants impliqués dans le processus de réunification familiale. En effet, l’auteur identifie deux types d’exclusion familiale. La première est l’exclusion de facto qui vise l’enfant qui n’a aucun lien biologique ou adoptif avec l’un ou l’autre de ses parents. La deuxième est l’exclusion de jure en vertu de l’article 117(9)d) du Règlement et elle vise tout enfant biologique ou adoptif qui était un membre de la famille du parrain à l’époque où sa demande d’immigration au Canada a été faite, qui n’accompagnait pas ce dernier et qui n’a pas fait l’objet d’un contrôle. L’auteur fini son analyse par une réflexion sur la portée de l’article 25(1) de la LIPR qui confère au ministre de l’Immigration le pouvoir de faire preuve de jugement et de souplesse dans les situations qui ne répondent pas aux exigences de loi, s’il estime que des motifs d’ordre humanitaire le justifient.

  • L'élargissement du concept d'obligation fiduciaire au profit des communautés de langue française en situation minoritaire dans leurs relations avec l'État
    François Larocque (Université d’Ottawa), Maxine Vincelette (Heenan Blaikie LLP)

    Le concept de fiducie était autrefois réservé au droit

    privé, mais les tribunaux reconnaissent maintenant que l’État peut être le

    fiduciaire de certaines communautés vulnérables. Le droit reconnaît que l'État

    doit avoir la discrétion nécessaire pour gérer ses affaires. Cependant,

    l’obligation fiduciaire vise à protéger les communautés vulnérables contre
    l’usage excessif de ce pouvoir discrétionnaire lorsqu'il affecterait de manière

    négative les intérêts vitaux de ces communautés. Pour qu'il y ait une

    violation, il faut que l’État brise un engagement pris envers une communauté. Il est donc proposé que l’État viole son obligation

    fiduciaire aux communautés linguistiques en situation minoritaire en raison de
    l'engagement

    pris en vertu de l'article 23 de la Charte
    canadienne des droits et


    libertés

    lorsque les fonds fédéraux découlant d’un Protocole d'entente relatif à
    l'enseignement dans la langue de la

    minorité et à l'enseignement de la langue seconde
    sont utilisés sans

    consulter la communauté visée. Une telle violation entraîne l’obligation de

    réparer financièrement ce tort. Il s’agit d’un développement important
    du droit

    puisque cela rend l’État, tant provincial/territorial que fédéral, imputable
    lorsqu’il

    s’engage à appuyer financièrement une communauté. Peut-être que ce concept
    encouragera

    la consultation des communautés de langue officielle dans le cadre de la

    prochaine ronde de négociation de ces Protocoles.


Communications orales

Exploitation, gestion et protection de l'environnement et des terres ancestrales

  • Le pouvoir du Grand Conseil des Cris et de l'Administration régionale crie du Québec : dans quelle mesure?
    Mylène Clavreul (UdeS - Université de Sherbrooke)

    Cette communication propose l’analyse du rôle politique de la Nation crie du Québec dans la gouvernance de la région de la Baie James. Cette analyse s’articule autour de la question suivante : est-ce que le cadre de gouvernance actuel de la Nation crie du Québec répond adéquatement au pouvoir revendiqué par le leadership cri? Cette question s’érige à partir du constat selon lequel le leadership cri se dit toujours insatisfait de son rôle dans la gouvernance de la région alors qu’il est partie à un traité et à des ententes avec les gouvernements qui sont reconnus comme uniques en matière de gouvernance autochtone au Québec. En ce sens, après avoir délimité le débat théorique se rapportant à la coexistence d’entités politiques sur le territoire de la Baie James, la communication élabore une analyse des structures cibles du cadre de gouvernance de la Nation crie du Québec, puis une analyse des attributs du pouvoir revendiqué par le leadership cri. Subséquemment, la communication présente ce qui explique que le cadre de gouvernance tel qu’analysé via ses structures cibles répond ou ne répond pas adéquatement aux attributs du pouvoir revendiqué par le leadership cri. Indubitablement, la communication partage une analyse inédite des éléments caractéristiques du rôle de la Nation crie dans la gouvernance de la région de la Baie James ainsi qu’une analyse actuelle des relations de pouvoir entre les entités politiques de la Nation crie et les gouvernements de Québec et Ottawa.

  • La restitution des terres ancestrales autochtones : moyen de réparation d’injustices historiques? Une réponse à J. Waldron
    Olivier Courtemanche (Université d’Ottawa)

    Les revendications foncières autochtones éveillent inévitablement des conflits de propriété avec les occupants actuels des terres revendiquées. Inspiré par les théories distributives de la justice qui visent notamment à prendre en compte les intérêts de tous les acteurs visés par une réparation pour une atteinte à un droit, le professeur J. Waldron propose une solution pour la résolution de ces conflits: l’interstice du passage du temps et du changement de circonstances sur la terre éteint la légitimité des revendications autochtones. Au regard du pluralisme juridique cette vision des réparations peut être critiquée. Devant un titre ancestral autochtone potentiel, une telle négation des injustices historiques subies par les peuples autochtones a pour conséquence d’avaliser la dépossession foncière ancestrale qui leur est imposée en ayant recours à une théorie de la justice étrangère à leurs coutumes. Bien qu’utile au débat des restitutions territoriales, la théorie omet selon nous le lien qui unit les peuples autochtones à leurs territoires. Dépossédée de celui-ci, l’identité autochtone en partie construite par le rapport particulier entretenu avec la terre s’amenuise. Une solution plus légitime à ces conflits territoriaux devrait par conséquent tenir compte de cet aspect des cultures autochtones. Plutôt que d’entériner le rapport de force entre les populations, les pistes de solutions devraient s’inspirer d’un processus dialogique avec les communautés autochtones.

  • Allégations environnementales : quelle information pour le consommateur?
    Claire Lebeke (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Cette communication s'inscrit dans le champ d'études plus vaste des modes de production et de consommation durables. Les contraintes nées du développement durable obligent en effet à intégrer de nouvelles considérations sociales et environnementales dans les modes de production et de consommation. Un changement radical des paradigmes et normes sociales s'ensuit. Par ailleurs, plusieurs études empiriques laissent apparaître un intérêt grandissant des consommateurs pour des produits plus favorables à l'environnement et plus durables.

    Cette prise de conscience des consommateurs suscite un essor de produits labellisés, étiquetés, emballés ou certifiés biologiques ou écologiques. Tel est précisément l'objet de cette communication : les allégations environnementales. Devant le marché qui s'ouvre ainsi, ces énoncés risquent d'être utilisés à des fins davantage de promotion commerciale que d'information des consommateurs. Il s'agit d'une part, de repérer et d'évaluer les instruments juridiques permettant d'apprécier la qualité de l'information donnée au consommateur : allégation environnementale trompeuse, confuse, incomplète et d'autre part, de protéger les allégations environnementales fondées sur des faits objectifs. À cet effet, il sera procédé à un parcours de la législation en vigueur sur les plans tant provincial que fédéral. Cette analyse s'accompagnera d'un rapide examen de la doctrine et de la jurisprudence sur ce sujet.

  • L’attrait des scientifiques pour les savoirs traditionnels associés à la biodiversité : entre dynamiques de collaboration et dynamiques d’exclusion dans l’outre-mer français
    Thomas Burelli (Université d’Ottawa)

    De tout temps les connaissances et savoirs associées à la biodiversité détenus par les communautés autochtones et locales ont attiré l’attention des scientifiques qui y ont vu des connaissances de valeur pouvant servir par exemple à l’identification de ressources d’intérêt. Dans ce contexte les communautés et leurs membres constituent des interlocuteurs d’une très grande richesse avec qui les scientifiques cherchent à établir des liens de collaboration. C’est le cas dans l’outre-mer français où des projets impliquant la collecte, l’étude et la valorisation de savoirs traditionnels sont menés au sein d’un cadre légal et culturel particulièrement complexe. Notre étude vise à analyser les relations qui se nouent entre les scientifiques et les autochtones à l’occasion de l’accès, l’utilisation et la valorisation des savoirs traditionnels. En nous fondant sur plusieurs études de cas, nous montrerons la fluctuation des relations entre les chercheurs et les autochtones au cours des différentes étapes de la chaîne d’exploitation des savoirs traditionnels en raison des règles juridiques existantes, mais aussi des logiques scientifiques et institutionnelles. Nous serons alors en mesure de mettre en évidence les déficiences du cadre légal actuel, mais aussi les tensions contradictoires à l’œuvre contraignant les chercheurs à effectuer des choix entre le respect des savoirs et leurs détenteurs et la valorisation maximale des résultats de recherche en excluant les autochtones.

  • La gouvernance des semences au Canada
    Marie-Eve Levert (Université d’Ottawa)

    L’une des mailles essentielles au maintient de la chaîne alimentaire est celle des semences. Si, comme l’affirme Delvin Kuyek, les semences que nous plantons sont profondément sociales, qu’elles reflètent et reproduisent les valeurs culturelles ainsi que les intérêts sociaux de ceux qui les développent, que pouvons-nous dire des politiques publiques et des structures de gouvernance canadienne qui encadrent leurs utilisations ? Plus précisément, cette communication propose d’examiner le lien entre l’industrie semencière et la structure de gouvernance fédérale des semences pédigrées. Pour ce faire,un examen approfondi des institutions fédérales, plus particulièrement de l’Agence canadienne d’inspection des aliments, et des organismes de certification des semences est nécessaire. À travers cette étude de cas, nous démontrerons comment l’industrie semencière est ubiquiste dans cette structure de gouvernance et discuterons des conséquences de l’institutionnalisation de la vision du secteur privé.


Communications orales

Nouvelles frontières du crime, de la justice et de la systémologie juridique

  • Le juge et son maître : démocratie, justice et indépendance judiciaire
    Philippe Viens (UdeM - Université de Montréal)

    Nous proposerons enfin une réflexion sur l’opportunité d’une réforme du processus de nomination judiciaire au Québec et au Canada en identifiant quels en sont les périls à l’aide d’exemple de l’actualité. L’actualité nous rappelle constamment que la nomination des juges est un enjeu politique et juridique important. L’indépendance de l’institution judiciaire

    Nous proposons une typologie des modes de nominations des juges, expliquant pour chacune ses origines, chacune tirant ses racines de différentes traditions philosophiques et politiques ayant des conceptions distinctes de la fonction judiciaire.

    Notre typologie propose les traditions monarchiques où le juge est d’abord et avant tout le représentant d’une autorité centrale, aristocratique où le juge est issu d’un corps spécifique, républicaine, se caractérisant par l’élection du juge, et démocratique, où la fonction judiciaire est assurée par les justiciables, comme les quatre principaux types de nomination judiciaire.

    Nous examinerons les fondements de chacun de ces modes de nomination depuis ses origines à aujourd’hui, en identifiant quels en sont les origines historiques et les idées fondatrices, puis en identifiants quels en sont les forces et les faiblesses quant à l’indépendance judiciaire et leur légitimité.

  • L’analyse économique du droit des discours d’efficacité justifiant l’implantation de la médiation judiciaire au Québec
    Alexandre Désy (UdeS - Université de Sherbrooke)

    La communication proposée est issue d’un contexte particulier. Le problème d’engorgement des tribunaux a pris de l’ampleur dans les dernières décennies jusqu’au point ou nous assistons à une désaffectation des tribunaux comme mode de règlement des différends. Parallèlement, nous assistons à une augmentation de la popularité de modes consensuels de règlement des différends. Depuis, le législateur expérimente l’idée d’intégrer la médiation à l’offre de justice publique. Le but avoué de cette mesure est de diminuer les coûts et les délais de l’accès à la justice. La conférence de règlement à l’amiable (CRA), comme piste de solution pour l’engorgement des tribunaux, est partagée par la majorité des acteurs du milieu juridique. Un constat menant à notre problématique a cependant été fait : aucun cadre scientifique économique n’est mobilisé dans les différents discours pour justifier que les CRA auraient le potentiel de faire baisser les coûts, de procéder plus rapidement et d’administrer le système plus efficacement. Nous allons vous présenter un cadre d’analyse issu de l’analyse économique du droit. Les thèmes abordés seront le conflit, les coûts et de délais et l'efficacité économique. À partir de cette grille de lecture, nous analyserons les différentes manières de concevoir l’efficacité des CRA. Nous constaterons que l'efficacité économique de la médiation judiciaire n'est pas sans équivoque. La présentation aura dévoilera les fondements et façons de concevoir la CRA.

  • Établissement de parallèles entre les naissances et les évolutions de quelques juridictions de droit mixte dans le monde
    Matthieu Juneau (Université Laval)

    Cette présentation s’inscrit dans le cadre d’une recherche sur la mixité du droit québécois et l’interprétation du Code civil. Le droit québécois est souvent décrit comme étant mixte, en raison de la double origine française et anglaise de son droit ainsi qu’en raison de la double influence de ces deux droits sur son évolution. Le droit québécois n’est pas le seul à répondre à cette description : d’autres juridictions à travers le monde partagent cette caractéristique – entre 4 et 96 selon les définitions retenues. Le but de la communication sera de présenter les naissances et les évolutions en parallèle de ces juridictions : elles sont nées chacune le plus souvent isolées les unes des autres mais selon des processus relativement semblables dans bien des cas, parfois aussi selon des processus tout à fait différents. Le premier droit appliqué n’est pas toujours le même (français, espagnol ou néerlandais), le droit surimposé par la suite n’est pas toujours le même non plus (anglais ou américain). De plus, les juridictions de droit mixte ont évolué ultérieurement isolément les unes des autres, mais parfois elles ont pu s’entre-influencer; dans les deux cas encore il est possible de détecter des parallèles. Ce sera donc un exercice d’histoire comparée du droit qui se concentrera principalement sur les cas du Québec, de la Louisiane, de l’Écosse et de l’Afrique du Sud.

  • L'influence du droit de la concurrence sur le droit d'auteur. Analyse historique et comparative en droit d'auteur.
    Claire Abbamonte (UdeS - Université de Sherbrooke)

    Promouvoir le respect et le développement d’une certaine culture de la concurrence est indispensable dans tout système économique pour un bon fonctionnement des marchés. En visant l’efficience économique et la productivité, le droit de la concurrence vise principalement à protéger le consommateur, qui en serait le bénéficiaire ultime. Ainsi pour rester compétitif, améliorer constamment la qualité de ses produits (ou services) est primordial. Un investissement en recherche et développement est alors souhaité. Dans ce contexte, la propriété intellectuelle et la concurrence sont donc intrinsèquement liées.

    Si les spécialistes se sont davantage attardés à la portée du droit des brevets, le droit d’auteur fait aujourd’hui l’objet d’une plus grande attention. À cause de l’élargissement progressif de son champ de protection et de la durée relativement longue de son monopole juridique, de nombreux économistes perçoivent le droit d’auteur comme une entrave au bon fonctionnement des marchés, en ce qu’il limiterait la concurrence.

    De manière générale, nous nous interrogeons sur les rapports inhérents entre l’économie, logique sous-jacente du droit de la concurrence, et la propriété intellectuelle ainsi que les enjeux sociaux qui en découlent. Plus précisément, il conviendra de se demander : quelle influence le droit de la concurrence a-t-il sur le droit d’auteur ?

    Pour y répondre, une analyse historique, axiologique, normative, jurisprudentielle mais également économique sera de mise.

  • Le développement des modes de responsabilité dans le droit international pénal
    André Tschumi (Université Laval)

    Les atrocités de la Deuxième guerre mondiale ont établi un nouveau précédant dans le droit international: le jugement d’individus pour les crimes les plus graves commis dans le contexte d’une guerre. En effet, en 1946, les tribunaux militaires de Nuremberg et de Tokyo ont jugé pour la première fois des criminels de guerre, mais sans établir le mode de participation des accusés aux actes criminels. Par exemple, les individus étaient inculpés de génocide ou de crime de guerre, mais il n'existait pas de distinction formelle entre l'auteur physique d'un crime et celui qui avait donné l’ordre à un subordonné de commettre un crime.

    Présentement, la justice internationale est un système beaucoup plus complexe. À la Cour Pénale Internationale (CPI), un individu peut être inculpé d’avoir participé à un crime sous six modalités différentes : les alinéas « a » à « e » de l’article 25.3 plus l’article 28. Ceci permet à la CPI d’avoir de critères clairs pour déterminer la contribution de l’accusé au crime en question. Entre autres, les juges peuvent établir une peine plus compatible à la responsabilité de l’individu pour la commission du crime. Ainsi, une personne accusée d’avoir encouragé un crime de meurtre aura, a priori, une peine moins lourde qu’un individu qui était le seul responsable d’un crime pareil. Dans ce cadre, l’objectif de notre communication est de démontrer comment s’est produit ce développement des modes de responsabilité pénale internationale.

  • Maladies mortelles et morts violentes : les enquêtes du coroner du district judiciaire de Trois-Rivières, 1914-1950
    Nathalie Ricard (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)

    Les coroners jouaient un rôle particulier dans le système judiciaire. Ils devaient enquêter en cas de morts « soudaines » ou « suspectes » relevant d’un large éventail de situations: accidents, suicides, morts naturelles et homicides. Leurs archives permettent d’étudier de concert deux questions essentielles en histoire sociale: la violence interpersonnelle, qui se traduisait parfois par des meurtres, et la précarité expérimentée par les gens d’autrefois, alors que de piètres conditions de travail et d’existence rendaient la vie assez « fragile ». La présente communication propose une étude quantitative et qualitative des enquêtes menées par les coroners entre 1914 et 1950 dans le district judiciaire de Trois-Rivières. D’une part, en quoi ces enquêtes sont-elles symptomatiques de la précarité sociale et des risques encourus par la population à l’époque? D’autre part, comment caractériser le travail du coroner en termes de régulation sociale, alors que ce personnage agit en contact étroit avec les acteurs sociaux ordinaires, tout en ayant à mettre en œuvre des normes juridiques/étatiques, normes qui, au demeurant, sont marquées par une présence de plus en plus grande de l’expertise scientifique? Les activités professionnelles du coroner permettent donc d’aborder la problématique des rapports entre droit et société. En outre, une étude approfondie de l’exercice de certaines fonctions judiciaires, comme celle que je propose, reste très rare en histoire de la justice au Québec.

  • «Chronique d’une mort annoncée» : la forme variable du discours de la «peine portant sur la réhabilitation» en Occident
    Mariana Raupp (Université d’Ottawa)

    La théorie de la peine portant sur la réhabilitation émerge d’abord, attachée au pénitencier, à la fin du 18e siècle et elle véhicule l’idée qu’une modification du comportement ou de la manière de penser de l’individu à travers un programme d’intervention positif en milieu fermé est possible. Son parcours a été bien exploré par la littérature scientifique qui a indiqué son âge d’or ainsi que son déclin (Allen, 1981; Garland, 1985 et 2001, d’entre autres). Toutefois, la réception de ce discours n’a pas été égale partout dans le monde juridique occidental. À partir de l’étude de cas d’une Commission de réforme du droit criminel au Brésil dans les années 1980, cette communication vise à éclairer la configuration que ce discours a prise dans l’Amérique latine ainsi que le rôle joué par les idées pénales et par le contexte dans le blocage qui le caractérise dans cette région. Nous analysons les documents et les entretiens (issus de ma recherche doctorale) avec les réformateurs et nous voulons contribuer au débat sur l’évolution du droit criminel et sur la punition dans la société contemporaine. Nous soutenons que comprendre les enjeux sur la réhabilitation peut contribuer à nous éclairer sur la pérennité du droit criminel, sur son inertie à changer sa façon de concevoir la réponse au crime qui est centrée encore aujourd’hui sur la peine afflictive (la prison comme le remède par excellence) et la dévalorisation des sanctions alternatives.

  • Piratage informatique aux États-Unis : analyse d'un conflit asymétrique
    Julien Chamberland (UdeS - Université de Sherbrooke)

    Le piratage informatique est une problématique qui grandit avec la croissance du cyberespace. Dans un monde où le régime de droits d'auteurs peut varier d'un pays à l'autre, et où la criminalité en la matière est nécessairement transnationale, les outils pour combattre ce crime doivent être adaptés à la réalité du cyberespace. Le gouvernement américain a jusqu'à présent préconisé une approche essentiellement juridique. Les pirates font l’objet de plaintes par les artistes et entreprises touchées, ils sont ensuite traduits devant la justice suite à un travail policier.

    Le piratage ne semble pourtant pas être en déclin. Serait-il possible que ces insuccès soient dus, en partie, à une asymétrie stratégique entre le gouvernement américain et les pirates informatiques? Alors que le gouvernement cherche à contenir le piratage par une approche purement légale, les pirates eux évitent les confrontations judiciaires pour simplement développer de meilleurs outils. À travers les batailles juridiques phares en la matière, la présente recherche établit les approches dominantes des deux acteurs, puis les places en confrontation selon une grille d'analyse du conflit asymétrique, adapté à une situation sociale. Le concept central est l'asymétrie stratégique. C'est en se déplaçant dans cette grille d'analyse dynamique que les acteurs peuvent maintenir ou briser l'asymétrie stratégique et ainsi gagner ou perdre la position de force.

  • La stratégie du Canada en matière de cybersécurité : de la parole aux actes?
    Hugo Loiseau (UdeS - Université de Sherbrooke), Charles-Antoine MILLETTE

    Cette communication propose l’analyse du comportement du Canada dans le cyberespace, et plus précisément de la stratégie canadienne en matière de cybersécurité. Pour ce faire, nous tenterons de répondre à la question suivante : que fait le Canada dans le cyberespace? Après avoir délimité le débat théorique concernant la possibilité pour les États de réguler le cyberespace, la présentation relate les grandes étapes de l’élaboration de la stratégie canadienne en matière de cybersécurité. Or, celle-ci coïncide avec le développement des technologies informatiques au début des années 1990, pour s'accélérer durant la décennie 2001-2011 en raison d’un contexte international incertain. La communication conclue sur l’analyse des récentes initiatives canadiennes en matière de cybersécurité.


Communications orales

Participation populaire, protestations et révoltes : les nouveaux défis de la démocratie

  • L’État démocratique n’est pas le reflet de la société : heureusement !
    Åsbjørn Melkevik (Université Laval)

    Une certaine tradition idéaliste en philosophie
    politique aime à penser que la démocratie a enfin
    réussi à établir une correspondance entre l’État et la société, qui se
    manifeste dans la poursuite d’un intérêt général. L’État serait, selon cette
    perspective, le reflet du meilleur de la société qui s’orienterait en fonction
    du bien commun de cette dernière. C’est là une erreur comme nous le défendrons
    dans cette conférence. La démocratie ne peut pas être le lien qui établit une
    correspondance entre l’État et la société : au contraire. La démocratie,
    dans son idéal libéral, est précisément ce qui a coupé le lien contre la
    tradition étatiste française voulant que l’État devait s’identifier au peuple
    et vice-versa, de telle sorte que la volonté et les intérêts de la nation
    coïncident. Une telle pensée rousseauiste fut à tort longtemps identifiée à la
    démocratie. La logique étant que si l’État est le reflet la société, il n’y
    avait aucun besoin d’établir des freins au sein même de l’État : on ne se
    tyrannise pas soi-même. Nous savons bien que ce n’est pas le cas. Nous voulons
    pour cette conférence explorer certaines traditions sur l’État comme le principe d’identité de la pensée
    totalitaire de Carl Schmitt et le libéralisme politique classique de Friedrich
    Hayek pour défendre l’idée que l’État n’est pas le reflet de la société :
    heureusement.

  • Karama : sens, conscience et résonance en contexte de transition en Tunisie
    Marie-Laurence Rancourt (Université Laval)

    La recherche effectuée en Tunisie, un peu plus d’un an après la chute du régime de Zine El-Abidine Ben Ali, avait pour objectif principal de donner parole aux Tunisiens afin qu’ils s’expriment sur leur façon de concevoir les récents évènements survenus dans leur pays ainsi que sur la situation actuelle de celui-ci, telle qu'ils sont amenés à la percevoir, à y réfléchir. L’intérêt anthropologique d’une telle recherche repose sur une considération essentielle au chercheur qui est celle de l'importance de donner une voix à des citoyens du monde qui, vingt-trois ans et plus durant, se sont retrouvés enfouis derrière les discours d'un État personnifié par un homme et son clan. Il s'agit donc de revenir aux fondamentaux de cette insurrection, et ce, en passant par la conscience des « opprimés » et des « humiliés » du parti RCD, désormais déchu : de fait, nous avons ici affaire à « [t]he oppressed and humiliated revolted against the tyrants in order to reintegrate the emancipated self, which is the manifestation of a true anthropological revolution » (Kilani 2011 : 5-6). De plus, cette présente recherche sur la notion de dignité – la karama, en arabe tunisien - au sein de la révolution tunisienne vise à contribuer à l'instauration d'un véritable dialogue entre l'ensemble de la société civile tunisienne et les figures d'autorités (politiques, académiques, etc.) nécessairement amenées à discuter des lendemains du pays.

  • La mobilisation politique non-ethnique chez les jeunes en Bosnie-Herzégovine : clivages et rôle des partis politiques
    Isabelle Giroux (Fondation Jean-Charles-Bonenfant, Assemblée nationale du Québec)

    Dix-sept ans après la fin de la guerre de Bosnie-Herzégovine, la population continue d'appuyer massivement les partis politiques nationalistes traditionnels, malgré la stagnation politique et économique dont elle est la principale victime et un taux élevé d'insatisfaction. Les jeunes sont les plus touchés par la situation économique; ils sont aussi les plus cyniques et participent très faiblement aux processus démocratiques.

    Le petit parti Naša Stranka, fondé en 2008, tente de mobiliser la population sur d'autres bases que l'ethnicité, et s'adresse principalement aux jeunes et aux citoyens qui ne votent pas. Ses résultats électoraux sont toutefois très faibles.

    Existe-t-il chez les jeunes Bosniens des ancrages de clivages, autres qu'ethniques, qui pourraient être mobilisés par les partis politiques? Les partis politiques sont-ils en mesure d'influencer la formation et l'évolution de ces clivages?

    Afin de répondre à cette double question de recherche, nous présenterons les résultats complets de notre analyse qualitative, basée sur une vingtaine d'entrevues effectuées auprès de jeunes Bosniens et de représentants de partis politiques non-ethniques en mai et juin 2012.

    Les travaux sur les clivages, la structure et l'agence des partis politiques n'ont jamais été appliqués à la Bosnie-Herzégovine à notre connaissance. Nous espérons par cette recherche contribuer à l'avancement des connaissances dans le domaine de la compétition politique dans un contexte fortement ethnicisé.

  • 40 ans après le coup d’État au Chili : Salvador Allende, qu’en reste-t-il?
    Maïka Sondarjée (UdeM - Université de Montréal)

    Cette présentation aborde l’héritage de Salvador Allende dans le Chili contemporain, à travers la lentille de l’institutionnalisme sociologique. En 1971, Salvador Allende devient le premier président socialiste du Chili, avec un projet très précis de « via chilena al socialismo ». Déjà en 1973, il est renversé par un Coup d’État militaire. La dictature d’Augusto Pinochet s’est alors imposée dans les institutions, notamment par l’instauration d’une constitution rigide et par de nombreux changements dans la législation. Le régime bureaucratico-autoritaire de Pinochet a donc créé une coupure institutionnelle (O’Donnell et Schmitter 1986 ; Remmer 1985) empêchant les politiques sociales d’Allende de perdurer, mais aussi de se réimplanter. Par exemple, le Chili, depuis la dictature et malgré une succession de gouvernement de centre-gauche, a opéré un virage clairement néolibéral. Ainsi, que reste-t-il d’Allende dans le Chili contemporain ? Nous affirmons qu’a contrario d’auteurs commeSergio Grez Toso (2004), l’Allendismo existe encore au Chili. Les conclusions partielles de ce papier sont que l’héritage du président socialiste se situe plutôt du côté des normes informelles : à travers les idées, la symbolique, les discours et les revendications dans le système politique partisan, mais surtout dans la société civile. Notons que cette recherche se base théoriquement sur l’institutionnalisme sociologique et méthodologiquement sur une analyse de discours.

  • Le Mouvement «Occupy» en Irlande : une anomalie?
    Frédéric Royall (UL - University of Limerick)

    Le mouvement « Occupy » a fait une apparition spectaculaire en Irlande en 2011 vu le niveau habituel de protestation/conflictualité de ce pays. Cette communication vise à comprendre les raisons de son émergence. A partir de concepts tirés de l’analyse des mouvements sociaux, nous cherchons à prendre en compte de manière dynamique les liens, effets, ou influences réciproques entre les variables explicatives « politiques », « économiques », « biographiques », « organisationnelles », ou « culturelles » : les « structures d’opportunités politiques » comme facteurs à la cause; le contexte de crise économique comme influence à la mobilisation; les caractéristiques endogènes du mouvement sur sa capacité à mobiliser; le contexte culturel irlandais comme entrave ou incitation à la constitution du mouvement

    Notre méthode est à la fois qualitative et quantitative : entretiens semi-directifs, analyse des documents produits par le mouvement lui-même, et analyse des discours tenus dans The Irish Times, (débats animant deux « espaces publics » sur cet enjeu). L’analyse des discours notamment permet également de disséquer un certain nombre d’événements en unités pertinentes (acteurs, lieux de l’action, type de revendications, cibles politiques, etc.) et d’en faire une analyse statistique. Elle sert également à connaître les prises de position de chacun et donc à comprendre comment une situation donnée est définie collectivement (en identifiant clivages, consensus, prises de parole, etc.).

  • Une brèche dans la modernité politique : les pratiques politiques plébéiennes au Canada
    Xavier Bériault (Université d’Ottawa)

    Alors que les réflexions sur la démocratie abondent en science politique, peu d’études se consacrent à la conception que se fait le peuple du politique. Afin de combler cette lacune, ma communication demande s’il existe au Canada et au Québec un fond d’expérience politique plébéien? Cette recherche s’inspire de la démarche de Pierre Rosanvallon, qui libère la démocratie de sa dimension institutionnelle pour se concentrer sur les pratiques qui ont mené à la création d’espaces politiques qui diffèrent de ceux institutionnalisés par la suite, légitimant une nouvelle lecture de l’histoire politique. J’identifierai, dans un premier temps, certaines pratiques politiques au Canada et au Québec afin de déterminer lesquelles menèrent à la création d’espaces politiques qui diffèrent de ceux de la démocratie représentative. Dans un deuxième temps, je déterminerai lesquelles sont animées par une attitude « agoraphobe » ou « agoraphile » (Dupuis-Déri). Par exemple, la pratique politique des Pères de la Confédération, avec ses ambitions centralisatrices qui limitent la participation citoyenne, se révèle « agoraphobe » comparée à celle des Métis francophones et des Sang-Mêlés anglophones de la Rivère-Rouge, dont la volonté d’élargir la sphère public témoigne d’une attitude « agoraphile ». J’argumenterai enfin que la redécouverte de ces expériences politiques appartient à une stratégie plus large qui consiste à conserver en mémoire les trésors perdus d’une conception politique plébéienne.

  • L’application de la norme pénale antiterroriste canadienne à de jeunes adultes pendant le printemps québécois : une imposture?
    Pascal Dominique-Legault (Université Laval)

    Si l’on définit l’imposture comme l’«(a)ction de tromper par des discours mensongers, de fausses apparences» (Nouveau Petit Robert, 2009 : 1290), peut-on qualifier d’imposture les accusations pénales antiterroristes portées à l’égard des quatre jeunes adultes ayant prétendument activé des fumigènes dans le métro de Montréal lors de la crise étudiante du printemps dernier? Pour examiner l’argument, nous utiliserons comme fondement certains résultats découlant d’une recherche documentaire, finalisée en 2009, portant sur les discours des membres parlementaires qui ont participé à la production du cœur même de la norme pénale antiterroriste canadienne en 2001. Nous ferons également un examen des discours sur la violence qui ont eu lieu pendant le confit étudiant, ainsi que des rapprochements théoriques avec la pensée de Charles Tilly, Max Weber, Howard Becker et Philippe Braud notamment. Cette communication fera la démonstration que s’il n’y a pas nécessairement des discours mensongers qui se cachent derrière ces accusations criminelles, il y a certes des constructions de la réalité qui cherchent à être validées dans une guerre des représentations. Ainsi, certains discours sur la violence peuvent apparaître comme trompeurs lorsqu’on les considère au pied de la lettre et à l’extérieur du contexte socio-politique ambiant, soit celui du conflit social étudiant du printemps 2012.

  • Profilage politique : où en sont les pratiques sociales et le droit au Québec?
    Geneviève Bond Roussel (UdeM - Université de Montréal)

    L'actualité récente soulève des questions quant à l'incidence sur le travail policier des droits fondamentaux protégeant la participation citoyenne. Le concept de profilage politique constitue une proposition émergente en sciences sociales, bien qu'encore peu d'études empiriques viennent l'appuyer. Depuis 2012, la notion de profilage n'est plus étrangère au droit québécois car le Tribunal des droits de la personne a reconnu que le pouvoir discrétionnaire des policiers est encadré par une interdiction de tout traitement différencié ou inhabituel sur la base d'un motif illicite de discrimination énuméré à l'article 10 de la Charte québécoise. La définition de ce qui pourrait constituer du profilage politique en droit demeure tout de même en suspend puisque le motif convictions politiques n'a pas encore fait l'objet d'une interprétation. Nous nous demandons donc : est-ce que l'utilisation de leur pouvoir discrétionnaire par des agents du Service de police de la Ville de Montréal dans leurs relations avec les contestataires étudiants au printemps 2012 permet de constater des cas de traitements différenciés ou inhabituels pouvant indiquer des pratiques de profilage politique tel que pourrait le concevoir le droit? Pour y répondre, nous mobilisons une approche de sociologie juridique basée sur des études de cas issues d'entretiens semi-dirigés effectués avec des contestataires étudiants.