Informations générales
Événement : 81e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 300 - Lettres, arts et sciences humaines
Description :Au croisement de l’anthropologie visuelle, de la photographie documentaire et de préoccupations proprement sociales, la sociologie visuelle s’enracine dans l’idée que le chercheur ne doit pas se limiter à élaborer un savoir sur les images, mais qu’il doit aussi compter avec les images. Elle invite ainsi à capter visuellement le monde pour rendre compte de ce qu'il donne à voir. Mais, après cette captation initiale, comment s’effectue l’expression, l’interprétation et la transmission par et avec les images, de l’expérience du social? Comment le visuel, cette « matière » d’expérience, peut-il à son tour modeler le sens?
En effet, entre l’échantillonnage des données visuelles et leur réception, un moment crucial doit être pensé : celui, critique, du montage. Il s’agit de l’étape, proprement heuristique, où s’opère la mise en ordre du sens par l’écriture visuelle, c’est-à-dire par la construction d’une narration censée restituer les « effets de présence » des images. Or, le récit par l’image ne s’élabore pas ici à travers les mots, mais bien par le montage visuel, c’est-à-dire par la combinaison de liens, de correspondances, d’analogies. Les ensembles d’images composés ouvrent alors des espaces inédits d’intelligibilité, cartographiant les sensibilités et transcrivant, par-delà le langage, la réalité de la culture et de la vie sociale.
Comment alors penser et articuler la construction d’un récit en images? Quelle est la place, voire la préséance, des récits textuels et iconologiques dans une démarche de sociologie visuelle? Comment le chercheur doit-il combiner les « effets de présence » des images tout en restant attentif aux « effets de sens » propres à l’interprétation? À la lumière de réflexions théoriques, de recherches expérimentales et de réalisations visuelles originales, le colloque vise ainsi à dégager quelques perspectives actuelles qui proposent d’explorer le social par les artefacts visuels.
Résolument pluridisciplinaires, les quatre sessions qui composent le colloque s’attardent à faire état des réflexions qui animent les recherches en cultures visuelles. Que ce soit à travers les récits filmiques et audiovisuels, l’agencement des images dans les présentations visuelles, le croisement des récits iconologiques et textuels, les montages de la presse écrite, l’écriture photographique et artistique comme les corpus très actuels des images d’amateurs… en toile de fond et en horizon de ces explorations, la trame du social est interrogée, configurée, imaginée, re-pensée.
Le colloque se place sous l'égide du CELAT (Centre interuniversitaire d'études sur les lettres, les arts et les traditions).
Dates :- Magali Uhl (UQAM - Université du Québec à Montréal)
- Estelle Grandbois-Bernard (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Programme
Les récits filmiques des chercheurs : écrire la société avec l'image
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Mot de bienvenue
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Ecrire hors texte, ou le défi de sociologiser par l'image. Retour sur 30 ans de recherches filmées (et racontées)Bernard Ganne (Université Lyon 2)
Faisant suite aux réflexions sur le tournage à propos de l'usage de la vidéo dans la recherche en sociologie la présente contribution entend se centrer sur les problèmes d'écriture avec l'image. Comment traiter les « corpus d'observation filmée » pour rendre compte de leur dimension aussi bien idéelle que sensible, et quelles perspectives d'assemblage – et donc d'écriture – développer ?
A partir de travaux filmés en sociologie du travail, il sera montré combien l'utilisation de l'image permet de rénover en profondeur le mode même d'interrogation du social, et ce à un triple niveau :
- au plan du champ théorique de la lecture du social tout d'abord, du fait du sensible et de l'indéterminé que l'image continue structurellement d'intégrer face au rationnel ;
- à un niveau méthodologique ensuite, en contribuant à remettre en question l'évidence des postures d'investigation classiques mises en œuvre dans les enquêtes et études de terrain ;
- au niveau des produits et résultats enfin, du fait du jeu complexe et neuf entre les langages rationnels et sensibles et leurs écritures que permet de développer aujourd'hui le multimédia.
Loin des frilosités et suspicions passées, l'image animée constitue ainsi pour les sciences sociales un formidable outil d'ouverture et de rénovation.
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Théories et pratiques fondatrices en anthropologie visuelle : le récit filmique partagé et ouvertSimona Bealcovschi (UdeM - Université de Montréal)
Ma communication propose de revisiter quelques concepts et innovations qui ont marqué l'évolution théorique et méthodologique de l'anthropologie visuelle, cette sous-discipline ambivalente adhérant autant à la rigueur de la science qu'à la plasticité structurale des arts visuels.
Le regard du cinéaste anthropologue tente de capter le réel et de transmettre la vérité. Mais par quels moyens et pratiques ? En me référant aux contributions de deux pères fondateurs de la discipline, Jean Rouch et David MacDougall, je propose de discuter leurs pratiques de restitution du réel et de construction du récit visuel ethnographique basé sur une utilisation novatrice du rapport dialogique participant et partagé.
Pour Rouch, la subjectivité et l'échange et la technique du "feed-back", qu'il avait tellement apprécié dans le travail de Flaherty, deviennent de vraies sources de connaissances, de voies de connaitre l'autre et de l'intégrer dans le montage "partagé" du récit visuel.
Pour MacDougall le récit filmique restitue aussi une réalité captée autant par les yeux du réalisateur que par ceux de ses sujets, une restitution de l'entrecroisement des regards qui se transforme dans un récit ouvert.
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Audio-vision et intermédialité du montageAlexandrine Boudreault-Fournier (University of Victoria)
Bien que l'on puisse penser que le montage vidéo repose sur l'assemblage d'images, la dimension sonore du montage et de sa relation avec le visuel demande à être sérieusement prise en considération d'un point de vue anthropologique. Le travail du compositeur Michel Chion (1983; 1985; 1990; 2009) nous servira de base pour approfondir les relations qui existent entre les dimensions visuelles et sonores. Pour appuyer cette démarche, nous explorerons l'installation vidéo Derrumbeat (2013) réalisée par Alexandrine Boudreault-Fournier et deux artistes sonores, l'un provenant de la Havane, DI Jigüey, et l'autre de Montréal, Smi Le. Cette installation tente à travers le montage visuel et sonore de transformer la perception que nous pouvons avoir d'un site. Grâce à l'enregistrement de sons ambiants d'un édifice abandonné de la vieille Havane, et de leurs transformations postérieures, cette installation démontre l'importance du son, et plus encore, de la relation générée par le jumelage du son avec l'image, dans la construction d'une trame narrative filmique. Enfin, cette présentation se penchera d'un point de vue théorique sur la notion d'intermédialité dans le processus de montage de textes audio-visuels.
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Pause
Expérimentation : cartographier, agencer, exposer visuellement le monde actuel
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Les oeuvres vidéographiques : pour une appréhension artistique de la réalité sociale et politiqueClaudia Bernal (UQAM - Université du Québec à Montréal)
L'art est une façon stimulante d'appréhender la réalité et notre rapport au monde. Les artistes font intervenir leurs visions particulières du monde et contribuent ainsi à la création du sens et au processus d'autoconstitution des individus en tant que sujets sociaux. Je présenterai le processus de création de deux œuvres qui, à mon avis, explorent clairement le social par des créations interdisciplinaires qui incluent des œuvres vidéographiques : Monument à Ciudad Juarez : seul celles qui meurent de mort violente vont directement à l'un des paradis (Canada-Mexique, 2002) et Faits du même sang (Canada-Colombie, 2007). Je me concentrerai particulièrement sur la méthode de recherche artistique qui inclut un travail, sur le terrain, au Mexique et en Colombie. D'un côté, L'œuvre Monument à Ciudad Juarez est une installation-vidéo-performance inspirée de ce qui a longtemps été considéré comme des faits isolés mais qui peu à peu a pris la forme d'une hécatombe historique : les assassinat violents de plus de trois cent femmes dans la ville de Ciudad Juarez, Mexique. De l'autre côté, Faits du même sang est une installation vidéo-performance issue d'une réflexion sur ce qui est considéré comme un drame collectif en Colombie mais aussi dans bien des régions du monde: le déplacement forcé de populations entières à cause de la violence et des conflits armés.
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Mont(r)er des récits photographiques durant l'enquête de terrain. Retour sur une ethnographie visuelle du monde policier et sur les commentaires stimulés par les imagesMichaël Meyer (UNIL - Université de Lausanne)
Ma contribution se présentera sous la forme d'un poster et de photographies illustrant le dispositif méthodologique développé durant une ethnographie de la police en Suisse (2005-2011). Des séries de photographies, organisées en récits, ont été mobilisées comme outil de stimulation de la parole des policiers sur le terrain et comme une solution à l'opacité policière.
Au-delà d'une aide à la verbalisation durant les entretiens, il s'agissait aussi de faire appel à cette « stimulation photographique » comme adjuvant de terrain, comme ressource interactionnelle durant la présence ethnographique. Lors de l'immersion avec les patrouilles, faire passer le récit d'images de main en main a été une manière efficace de permettre aux policiers de commenter les représentations du chercheur. Ce dernier a pu par la même occasion tester ses concepts et ses essais de généralisation. Si le récit prend forme dans l'œil du chercheur-photographe, il se double donc d'une plus-value sociologique une fois confronté aux regards et aux commentaires des enquêtés-photographiés eux-mêmes.
Mon poster montre que la photographie en tant qu'objet de curiosité, de discussion et de confrontations intersubjectives peut profiter au chercheur dans son engagement sur le terrain. Elle devient un outil pour faire émerger des arrière-plans indicibles du travail.
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Voir l'instabilité. Montages et remontages de la crise financièreEstelle Grandbois-Bernard (UQAM - Université du Québec à Montréal)
La crise financière de 2008 fut l'occasion d'un défi lancé aux artistes de l'image pour rendre compte de la complexité des phénomènes économiques, sociaux et politiques en cours. Comment en effet représenter la crise financière mondiale, comment donner une "forme visible" aux processus hautement abstraits du capitalisme financier contemporain (Messner 2012) ?
Dans le cadre de mes recherches, j'expérimente les techniques de montage et d'association d'images inspirées des pratiques et esthétiques de l'atlas (Warburg, Didi-Huberman) pour explorer les tendances et potentialités critiques des images de la crise financière mondiale. L'intention est double : d'une part, analyser les principales représentations de la crise à travers le classement et l'association, et d'autre part, proposer une interprétation visuelle de la crise en construisant un discours par le visuel, grâce au recueil, à l'échantillonnage et au remontage d'images déjà existantes (Didi-Huberman, 2011). D'objets d'analyse, les images deviennent des moyens d'expression de la réalité sociale qui permettent la retranscription de l'écriture visuelle de la crise et la mise en lumière de ses significations culturelles.
Le poster présenté invite ainsi à dépasser les conceptions économiscistes de la crise financière pour penser l'instabilité endogène au capitalisme financier (Minsky) comme un phénomène culturel et visuel.
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La disparition du lieu – Vivre le deuil par l'imageAnouk Sugàr (UQAM - Université du Québec à Montréal)
À l'ère de l'investissement massif des villes par une population croissante, le visage changeant de celles-ci, alternance de démolitions et de reconstructions, induit un questionnement quant à l'assimilation de ces phénomènes qui ne sont pas sans nous rappeler le cycle de la vie et de la mort. Si la disparition est un processus dynamique inhérent à une revitalisation potentielle, elle est aussi vécue comme un traumatisme, une perte. S'en suit dès lors la nécessité de surmonter le vide par une période de deuil; un temps voué à l'assimilation et à la commémoration de ce qui n'est plus. L'analyse phénoménologique (Heidegger, 1954) propose une concordance entre le corps et l'espace; une entrée en présence de l'être, matérialisé par l'habitat.
Mais puisque la mémoire est un organe malléable et volatile, il s'agit de la fixer dans le temps par le biais de supports tels que l'écriture, la photographie, les nouvelles technologies. Il importe alors de faire sens de l'absence et de contrer la crainte de l'effacement. Paradoxalement, l'oubli est aussi une condition du renouveau (Connerton, 1989). Ainsi, l'archivage de la mémoire par l'image est envisageable comme un processus de transformation et non comme un temps arrêté, une fin. Par conséquent, l'image documente la perte, le vide, puis se fonde en un regard nouveau.?
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Inhabitées. Veiller les villes fantômesEstelle Grandbois-Bernard (UQAM - Université du Québec à Montréal), Magali Uhl (UQAM - Université du Québec à Montréal)
La société post-industrielle produit de plus en plus de « cités fantômes », des villes inhabitées rues ou quartiers exempts de vie (ex. Pripiat, Fukushima, New Orleans, Plymouth, Ordos, Hashima Island…). Ces villes inhabitées subissent l'érosion du temps, se transforment au rythme des années, marchant vers leur inexorable destin de ruines. Vidées de toute vie, réduites à leur seule matérialité, elles s'inscrivent toutefois dans un devenir qui leur est propre et qu'artistes, amateurs, photoreporters fixent inlassablement sur leurs pellicules.
Dans la lignée des méthodes iconographiques développées par Aby Warburg, le poster propose, à partir d'un travail d'échantillonnage des divers types de cités inhabitées, un montage visuel visant l'expression et la mise en évidence de leur pathos. Les images sélectionnées évoquent une analogie entre la ville abandonnée et les temporalités du cadavre [L.-V. Thomas], en présentant les différents degrés de dépérissement du bâti comme des moments réels (biologie), mais aussi imaginaires (symbolique), du processus de décomposition post-mortem. À l'image de la veillée rituelle du cadavre, cette mise en récit visuelle invite à l'expérience paradoxale d'un rite inexistant, la veillée mortuaire de la ville inhabitée. Le problème qu'elle soumet aux vivants est, en dernière analyse, profondément social : comment et pourquoi veiller aujourd'hui ces nouvelles villes fantômes ?
Vin d'honneur
Les images des amateurs comme traces et imaginaires des sociétés
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Mot de bienvenue
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Au Nord et vers le Nord : l'album de photographies personnel comme récitDaniel Chartier (UQAM - Université du Québec à Montréal)
L'étude des représentations du Nord a ouvert la voie à des travaux pluridisciplinaires qui ont permis de penser le Nord comme un réseau discursif et symbolique pluriculturel, qui pose la question des rapports entre le réel et l'imaginaire. Parmi les collections du Laboratoire international d'étude multidisciplinaire comparée des représentations du Nord, celle dédiée aux albums personnels de photographies est l'une des plus fascinantes : elle pose la question de l'histoire personnelle, vécue et documentée par la photographie amateur, construite selon une suite linéaire qui constitue un récit, dans lequel les artefacts rassemblés font état de « blancs » (selon l'expression de W. Iser) signifiants, formés par les photographies retirées des albums, dont on peut supposer qu'elles étaient les plus signifiantes. Récit visuel, histoire personnelle parsemée de vides, l'album de photographies personnel est d'abord et avant tout un souvenir, prétexte à la conversation (M. Langford), mais il révèle aussi un imaginaire que les représentations instituées ont laissées en pan, comme le suggère la reproduction de l'album A.C.R. Grønland (2009). L'objectif de cette communication est de proposer une typologie de ces albums à partir de la soixantaine (1910-1980) de la collection du Laboratoire, tout en tentant de « lire » ces successions d'images selon les théories du récit.
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L'approche de l'image « paysage » inuite par la géographie culturelle (Canada, Nunavik)Fabienne Jeanne Joliet (Institut National d'Horticulture et du Paysage (Agrocampus Ouest))
La représentation « réaliste » des paysages du Grand Nord est caractérisée par un ensemble de portraits photographiques occidentaux emblématiques (Dorais, Chartier). Mais la réalité des paysages vus « du dedans», par les inuits, est autre. Leur propre vision émerge en images grâce au développement accéléré d'appareils numériques dans les foyers.
Afin de mettre en mettre en lumière la vision inuite des paysages du Nunavik, deux corpus iconographiques autochtones sont investis, correspondant à l'éclairage des habitants photographes amateurs à celui du photographe initié et averti.
Ces corpus donnent lieu à une narration par le paysage (Joliet, Michelin), dont la résonnance permet d'identifier des sites privilégiés, des cônes de vues cadrant des portraits emblématiques, et des thèmes qui font écho à la sensibilité inuite du territoire (Therrien, Collignon).
La géographie culturelle emprunte des outils à la sociologie (Rose, Wang), à l'anthropologie (Descola), aux arts visuels et à l'architecture de paysage (Bell), qu'elle adapte à son paradigme spatial. Nous verrons donc comment se dégagent des lieux de prédilection ainsi que des thématiques paysagères qui révèlent des spatialités, des temporalités et des naturalités propres aux Inuits.
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Pause
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Récit audiovisuel et historiographie : possibilités d'écriture de l'histoireDe Moura Delfim Maciel Ana Carolina (USP - Université de São Paulo)
Cette communication, à partir des références théoriques à la base de l'historiographie, propose une analyse du documentaire Família Jafet (Maciel, 2013), qui contient le témoignage de donatrices ayant cédé au Musée Paulista (São Paulo/ Brésil) des objets, documents, vidéos et photographies des membres de leur famille. La transmission de ces biens illustre le désir de préservation et de diffusion de traits de la présence humaine dans le déroulement de l'histoire.
L'objectif de Família Jafet est de situer biographiquement les donatrices et de montrer le lien entre le corpus documentaire et la trajectoire familiale, en lui conférant un sens antérieur à celui attribué par l'institution de sauvegarde. L'accent est mis sur la subjectivité présente dans les témoignages et dans le documentaire en soi, un processus de montage, de sélection d'images et de citations théoriques qui tente d'atteindre le statut de récit historique/biographique.
À la présentation du documentaire s'ajoute l'analyse des aspects du récit audiovisuel en tant que possibilité historiographique, avec en toile de fond mon expérience fondée sur une pratique de production de sources où se rejoignent la voix, l'image, l'expérience de vie et la mémoire.
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Tsunami : caught on Camera, ou la « mobilogénie » d'un désastreRichard Bégin (UdeM - Université de Montréal)
Toute catastrophe peut de nos jours être captée par le téléphone mobile d'un témoin. Le nombre d'images de catastrophes captées à l'aide de l'appareil numérique instaure en ce sens une nouvelle esthétique du désastre. Quelque chose a changé entre les gravures représentant le séisme de Lisbonne en 1755 et les vidéos amateurs du tsunami de 2004 en Thaïlande. Ces objets visuels entraînent chacun une compréhension différente de l'événement dans la mesure où dans le premier cas elle évoque l'interprétation alors que dans l'autre elle exprime la pratique. Plus exactement, l'événement semble être passé d'une fabrique de son intelligibilité à une fabrique de sa sensibilité.
Le documentaire Tsunami : caught on Camera expose une telle fabrique de la sensibilité en proposant un assemblage d'images captées par l'appareil mobile. L'événement y est ainsi construit par la seule sensibilité qu'expriment des images amateurs prises par des individus paniqués. Ces images réfèrent avant tout à une pratique spatiale du sujet et au corps de celui tenant le dispositif. C'est cette présence corporelle qui forme cette nouvelle photogénie de l'image qui, puisqu'il s'agit d'images « mobiles », nous permet de risquer le concept de « mobilogénie » afin, d'une part, de mieux saisir cette esthétique inédite, et, d'autre part, de mieux comprendre comment se réaménage socialement la sensibilité au désastre.
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Dîner
Les montages de la presse écrite, l'écriture photographique : pour quelle réalité sociale?
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Au-delà des photographies iconiques : considérations méthodologiques pour une analyse contextuelle de la masse des images de presseSamuel Gaudreau-Lalande (Université Concordia)
Si les études d'images iconiques qui servent rétrospectivement à illustrer et construire l'histoire sont abondantes, rares sont celles qui proposent une méthode pour étudier les images de presse ordinaires qui, au quotidien, contribuent par leur caractère répétitif à alimenter notre « inconscient visuel » (Benjamin, 1939). Contrairement aux images iconiques, les images ordinaires ne viennent jamais seules : au moment de leur diffusion (qui est le seul où elles ont un impact significatif), elles font toujours parti d'un ensemble dont l'agencement a été réfléchi et construit. À travers l'étude de cas d'un essai photographique bon marché publié par le parti nazi sur son congrès tenu à Nuremberg en 1933, cette communication vise à présenter une méthode d'analyse permettant d'étudier un grand nombre d'images agencées de manière particulière. L'étude du montage de séries d'images permet de mettre au jour les récits qu'elles servent à diffuser et d'identifier les mécanismes visuels de persuasion qui les supportent.
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Rhétorique de l'image dans la rubrique « Speaking of Pictures » du magazine Life.Florence Moreau (Université Paris Diderot (Paris 7))
Dans l'édition hebdomadaire du magazine Life publiée par Time Inc. de 1936 à 1972, la rubrique « Speaking of Pictures » se distingue par son caractère méta-photographique au sein d'un contenu éditorial fondé sur la pratique de l'essai photographique. Ce caractère méta-photographique s'établit à travers un discours de l'organe de photojournalisme qu'est Life en combinant une forme de didactisme en dispensant des conseils techniques relatifs à la pratique photographique, avec de brefs exposés théoriques où sont discutées les pratiques éditoriales du magazine. Il apparait à travers cette rubrique, que la mise en récit des images photographiques joue sur leurs fonctions narratives, heuristiques et cognitives, dont procède une véritable culture visuelle.
Ainsi, l'objet de cette communication est de nous interroger sur l'effet ou les effets créés par le montage visuel qui s'opère dans l'édition du photojournalisme à travers sa mise en page, en fondant notre analyse sur cette rubrique qui apparait comme un outil de décryptage fondamental de l'écriture photojournalistique, où les images se substituent au texte pour transmettre un message complexe fondé sur la rhétorique de l'image, et où les pages du magazine sont appréhendées comme des espaces visuels.
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Pause
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Le récit des photographesSylvain Maresca (Université de Nantes)
Les photographies sont souvent accompagnées de « légendes » qui précisent ce qu'il faut y « lire », voire insérées dans un texte qu'elles ne font qu'illustrer. Dès lors, comment les photographes composent-ils des récits ? Simple mise en série de leurs clichés ? Avec du texte ? Et lequel ?
J'ai collaboré récemment avec plusieurs artistes/photographes sur des thèmes à connotation sociale : enseignement professionnel, hôpital psychiatrique, administration publique. Ils en ont tiré des livres très différents : série autonome de photographies (Sylvain Gouraud, 2011), mise en page spécifique des images et du texte (David Desaleux, 2012), quasi-roman-photo (Arnaud Théval, 2009 et 2010).
Cette communication explorera chacune de ces options pour voir en quoi elles pourraient ou non contribuer à renouveler l'insertion des images dans les publications savantes ? Peut-on concevoir un récit purement photographique pour rendre compte d'une enquête de terrain ? Les outils multimédia ne peuvent-ils pas aider à dépasser les rigidités actuelles des formes de publication sur papier ?
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Mot de clôture