Informations générales
Événement : 81e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 300 - Lettres, arts et sciences humaines
Description :On assiste depuis une vingtaine d’années à un éclatement de la notion d’archives, sur le plan de sa définition, de ses pratiques, de ses supports : l’arrivée des technologies numériques, l’absorption sous la notion de patrimoine de domaines de plus en plus vastes et larges, une attention marquée pour les formes sensibles de l’inscription et de l’enregistrement du passé, entraînent une nouvelle compréhension, critique, théorique, esthétique et sociale des archives. Il n’est donc pas étonnant que la réflexion sur les archives suscite un engouement marqué dans bon nombre de disciplines, bien au-delà du seul champ de l’archivistique et de l’histoire — alors qu’en même temps ces dernières subissent de très importants bouleversements dans leur manière de penser les archives et les nouveaux défis qu’elles posent. Des études cinématographiques à la philosophie, de la littérature aux communications, de l’anthropologie à l’histoire de l’art, de la psychanalyse à la théologie, et bien d’autres, toutes les branches des sciences humaines et sociales, de diverses manières et pour diverses raisons, se trouvent interpellées par la question de l’archive. Ce colloque a pour but de témoigner de cette pluralité des appréhensions et des compréhensions de l’archive, dans une perspective intermédiale.
Dates :- André Habib (UdeM - Université de Montréal)
- Lénaïg Le Faou (Université Rennes 2)
Programme
Session 1
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Mot de bienvenue
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Archives et intermédialité : remarques sur la conservation de la destructionAndré Habib (UdeM - Université de Montréal)
En guise d'introduction à ces deux journées d'études, et afin de réfléchir à l'espace de pensée ouvert par le « et » de archives et intermédialité, cette communication cherchera à fournir quelques éléments (théoriques et historiques) permettant de tracer une généalogie de la pensée intermédiale de l'archive. Dans un second temps, et en s'appuyant sur les jalons posés, il s'agira d'élaborer une réflexion sur le double mouvement de conservation et de destruction, intimement lié au travail archivistique (toute archive a un calendrier de conservation et de destruction), mais qui est aussi au cœur des pratiques et des réflexions sur l'archive, notamment dans les arts et les lettres. Il s'agira d'illustrer cette dialectique en se penchant, brièvement, sur trois exemples : un passage d'Austerlitz de W.G. Sebald, la pratique du cinéaste Karl Lemieux et les Desintegration Loops (vidéo et musique) de William Basinski.
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Entre éducation et archives : cinéma utilitaire et bibliothèques universitairesLouis Pelletier (UdeM - Université de Montréal)
Les films relevant du cinéma dit utilitaire (films éducatifs, industriels, de commande, etc.) apparaissent, circulent et disparaissent au gré de cycles sensiblement différents de ceux régissant la vie des films associés au cinéma d'auteur ou de divertissement. Alors que les films d'auteur et de divertissement voient un second statut, celui de document d'archives, venir se s'ajouter au fil des ans à leurs fonctions expressive et spectaculaire, les films utilitaires se voient généralement dépossédés de leur fonction initiale avant de se voir conférer le statut d'archive. Un film d'auteur pourra subir les aléas de la réputation critique de son auteur, il n'en conservera pas moins sa fonction expressive. La situation est différente pour le film utilitaire, qui naît d'un besoin clairement circonscrit (faire la démonstration d'une chirurgie, enseigner un programme, etc.), et perdra ainsi sa raison d'être aussitôt que ce besoin (cette manoeuvre, ce programme) deviendra caduc. Cette communication se penchera plus particulièrement sur les conséquences de ce changement de statut pour les bibliothèques universitaires et les autres institutions détenant d'importantes collections de films utilitaires, mais n'étant pas à proprement parler des archives. Y élague-t-on les films utilitaires désuets, ou les conserve-t-on en prévision d'un futur statut de document d'archives ? Ce changement statut se reflète-t-il par un traitement différent au sein de ces institutions ?
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Fonds d'archives et diffusion numérique : d'un document à un autreLénaïg Le Faou (Université Rennes 2)
La mise à disposition via le web de documents manuscrits issus de fonds d'archives modifie la fonction des institutions patrimoniales et le travail des chercheurs. Mais qu'en est il du statut du document ? Si la diffusion numérique permet la valorisation des fonds, un meilleur partage des connaissances et des études plus approfondies, l'extraction du document de son environnement et sa reproduction "immatérielle" engendre également une suppression d'informations. En interrogeant la notion de document "original" je chercherai à cerner ce que la création de fac-similés numériques produit : entre perte de données et émergence d'inconnu, le document, inscrit dans un hic et nunc bien défini, peut devenir, une fois numérisé, un document "orphelin" sans contexte ni profondeur. Dans la seconde partie de ma communication je tenterai d'étudier comment ces pertes peuvent être compensées et comment envisager de nouvelles manières de penser la diffusion numérique de documents. Je proposerai un projet de numérisation du fonds d'archives de la Commission de Recherches Historiques de la Cinémathèque française (documents retranscrivant les séances de travail de la commission qui, de 1943 à 1966, a mené des entretiens avec des pionniers du cinéma.) Ma communication aura pour but d'envisager la diffusion numérique de documents d'archives non comme une "reproduction" au sens strict, mais comme la production d'un autre, d'un nouveau document qui aurait vocation à être un complément du document "original".
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Discussion
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Pause
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Conserver, diffuser et promouvoir le cinéma d'avant-garde à l'ère de la reproductibilité numérique : éléments pour un chantier de rechercheEric Thouvenel (Université Rennes 2)
Cette communication aura pour but d'exposer les principes et les enjeux d'une recherche portant sur les usages non-industriels du dispositif cinématographique dans le contexte des technologies numériques. Plus précisément, on s'attachera au cas du cinéma d'avant-garde, qui fut et demeure un lieu majeur de défense d'une « spécificité » du cinéma, en particulier dans sa dimension chimico-optique, ce que l'on nomme désormais le cinéma « argentique ».
En effet, à une époque où tourner et projeter sur support film est devenu très problématique, il convient de s'interroger sur la façon dont le « tournant numérique » a été négocié par les institutions en charge de la conservation, de la restauration et de la diffusion de ces oeuvres inséparables d'un paradigme technologique en sursis.
Comment la gestion de ces collections par les cinémathèques, les modalités de distribution ou de programmation du cinéma d'avant-garde ont-elles évolué à l'aune des mutations induites par les technologies numériques ? La méfiance est-elle toujours de mise à l'égard de ces technologies, ou certaines institutions s'en sont-elles au contraire saisies comme des outils, afin de mener plus efficacement leurs missions originelles, mettant en oeuvre une pensée intermédiale des techniques au service des archives, des spectateurs, chercheurs, et surtout des oeuvres elles-mêmes ? -
Drag and Drog : de quelques écueils dans le développement de la préservation numérique du jeu vidéoCarl Therrien (UdeM - Université de Montréal)
Suivant l'essor phénoménal de la microinformatique domestique, la numérisation de masse du patrimoine culturel constitue l'une des conquêtes majeures de l'époque contemporaine. Les technologies et les contenus sont progressivement déterritorialisés; tout devient accessible en tout temps, grâce aux écrans mobiles qui accaparent maintenant notre attention un peu partout. Cette démocratisation s'accompagne souvent d'une perte lors de la numérisation. On pourrait croire que le problème ne se pose pas avec la même gravité pour l'historien du jeu vidéo. Or, les chercheurs se voient confrontés à une situation encore plus problématique. Au cours de cette communication, nous présenterons les nombreux écueils qui guettent le chercheur, alors même qu'il nage dans un océan d'objets utiles numérisés et bénéficie des efforts soutenus d'une communauté d'ingénieurs qui peaufinent l'émulation des nombreux systèmes vidéoludiques. L'étude historique du jeu vidéo s'ouvre sur un constat inéluctable : l'obsolescence programmée des systèmes vidéoludiques signifie que l'expérience de première main sera très rapidement perdue, au profit d'un simulacre propice aux distorsions insoupçonnées. Pour la discipline historique, l'ère du numérique correspond à une pratique de « drag and drop »; alors même que les objets semblent pouvoir être saisis avec une facilité déconcertante, le chercheur contemporain consciencieux doit surtout apprendre à lâcher prise.
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Discussion
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Dîner
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Archives numériques et convergence médiatique : le cas du fonds Dora WassermanRemy Besson (UdeM - Université de Montréal)
Le projet Archiver à l'époque du numérique (Université de Montréal) a pour but concret de concevoir l'archive numérique d'une pièce de la troupe de théâtre Dora Wasserman (DWYT), intitulée Les sages de Chelm. Cette opération a consisté, en partie, à numériser des artéfacts (scripts, partitions, photographies, affiches, etc.) déjà mis en archive. En plus de cela, il a été décidé de mener des entretiens sonores et filmés d'une durée de 20 minutes à 2 heures avec la dizaine d'archivistes bénévoles qui ont conçu le fonds d'archive du DWYT. Ces sources orales ont, par la suite, été montées pour constituer de courtes capsules (3 à 13 minutes). Ces dernières ont été conçues, non pas pour être des formes visuelles autonomes (comme un film documentaire), mais pour s'intégrer à une archive numérique. En effet, la démarche engagée a pour finalité la conception d'une plateforme en ligne qui permettra la coprésence de métadonnées écrites sur la même page web, de reproductions de documents contemporains des mises en scène successives de la pièce (1970-2008) et d'entretiens. Cela ne va pas sans poser plusieurs questions d'ordre méthodologique qui seront abordées dans le cadre de cette communication. L'objectif principal sera de comprendre les effets produits par la coprésence de sources hétérogènes sur une même plateforme. Ainsi, les gains d'intelligibilité et les risques liés au développement du numérique et du web seront interrogés à travers le prisme des enjeux de la convergence médiatique.
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Archives de la danse : une étude comparative du vocabulaire de description de la danse dans les archives et du vocabulaire de représentation de la danse dans la littératureÈve Paquette-Bigras (EBSI - École de bibliothéconomie et des sciences de l'information)
Si, déjà à la fin du 19e siècle, l'écrivain français Stéphane Mallarmé louait dans Autre étude de danse les éblouissantes performances de Loïe Fuller, une des pionnières de la danse moderne,depuis quelques décennies, la danse, comme pratique artistique, comme sujet d'études et de recherche, comme expression culturelle, est valorisée comme rarement auparavant. La documentation de la danse connait parallèlement une croissance considérable. Il devient alors important de mieux décrire la danse dans les archives, sachant que la description en amont influe grandement sur l'accès en aval.
Lors de la réalisation de notre projet de recherche, nous avons comparé un vocabulaire de description de la danse dans les archives et un vocabulaire de représentation de la danse dans la littérature extrait d'un corpus numérique de textes provenant des recueils Divagations (1897) et Poésies (1899) de Stéphane Mallarmé par des méthodes d'extraction automatique de connaissances. Nous avons ainsi trouvé une certaine complémentarité entre les deux vocabulaires en ce qui a trait à la description de l'expérience esthétique. Nous avons creusé au coeur d'un art, la littérature, pour en faire émerger une description de l'expérience de l'art. Une expérience de l'art unique et personnelle, subjective, celle de Stéphane Mallarmé, mais une expérience de l'art qui a eu une profonde influence sur la suite des choses, sur l'histoire de l'art moderne, de la danse moderne.
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Archiver le processus de création dans le domaine des arts du spectacleSophie Lucet (Université Rennes 2)
Le laboratoire théâtre de l'Université Rennes 2 engage pour le quadriennal en cours un travail de recherche intitulé : « Archiver le geste créateur dans le domaine des arts du spectacle ? ». Si la notion de « patrimoine culturel immatériel » relative aux arts du spectacle a déjà fait l'objet de nombreuses recherches, notre démarche sera novatrice en proposant d'analyser le possible archivage du processus de création dans le domaine des arts du spectacle. Il s'agira alors de ne pas se concentrer uniquement sur le spectacle, mais également sur sa genèse et sa réception, c'est-à-dire d'observer un processus dans sa durée. Il nous faudra alors évoquer la question nécessairement polémique de l'archivage du processus de la création. Faut-il en effet archiver un art dont l'essence tient à l'éphémère ? Et si oui, quelles traces garder pour témoigner d'un processus de création autant que d'une œuvre achevée ? Ceci nous permettra d'esquisser une typologie des traces du processus créateur, et d'inventorier les modalités de conservation et d'invention de la mémoire ; d'observer les mutations et émergences des formes spectaculaires ; de penser, finalement, un renouveau de l'archivage des traces de la création.
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Discussion
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Pause
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Vers une techno-logique nouvelle de la mémoireAnna Kerekes (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Nous réfléchirons au concept de table d'information de Gilles Deleuze en nous appuyant sur deux œuvres : les Histoire(s) du cinéma (1988-1998) de Jean-Luc Godard et Aujourd'hui (dates-vidéos) (2006- ), de Claire Savoie. Les Histoire(s) du cinéma visent à raconter des histoires non pas chronologiquement mais à partir de rapprochements stylistiques et/ou thématiques. Aujourd'hui, work in progress, a pris plusieurs formes installatives reposant toujours sur une logique calendaire, présentant le temps selon la tabularité et la chronologie d'un calendrier. Ces deux œuvres, malgré leurs différences, puisent dans des archives intermédiales : images fixes et en mouvements, textes, sons. Le fil commun et conducteur dans notre étude comparative serait la complexité non-totalisable et la composition fragmentaire de ces œuvres. Notre objectif serait de déterminer, du moins d'approcher l'incidence de l'appareil technique de montage (vidéographique chez Godard et numérique chez Savoie) sur des axes formels dans les deux œuvres, et de voir dans quelle(s) mesure(s) les œuvres évoquent le fonctionnement de la mémoire humaine. En repérant des caractéristiques de la source matérielle et de l'outil technique de montage, nous tâcherons d'évaluer l'hypothèse selon laquelle la composition archivale d'Aujourd'hui (dates-vidéos) et des Histoire(s) du cinéma est en relation avec le fonctionnement de la mémoire humaine, nous aidant ainsi à réfléchir à une techno-logique nouvelle de la mémoire.
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Archives et témoignages : archipel de la mémoireSéverine Leroysev@gmail.com (Université Rennes 2)
De par le mouvement qui lui est fondamental et la fugacité qui la caractérise, la création dans les arts du spectacle est un terrain d'étude privilégié pour l'émergence d'une nouvelle pratique de recherche en arts qui allierait la parole des témoins ou de l'artiste lui-même sur les archives de la création.
Si l'on admet l'intérêt de recueillir ces témoignages, on ne peut cependant pas ignorer la problématique de la mémoire et de l'affect dans une telle entreprise. Faire parler les archives à travers ceux qui ont vécu les événements c'est nécessairement prendre en compte le statut du témoin. Par ailleurs, dans une logique de complémentarité, le chercheur ne doit-il pas circuler entre les différents témoins afin de saisir la pluralité des expériences et révéler au mieux la vivacité des archives ? A travers cette dynamique et dans un mouvement commun à de nombreuses disciplines, n'assiste-t-on pas à un déplacement de la posture du chercheur et à l'ouverture de nouveaux espaces de dialogue et de partage ?
On appuiera notre réflexion par l'expérience du film Constellation Gabily réalisé à l'Imec (2010) à partir des archives de Didier-Georges Gabily (1955-1996) avec des témoins de la création de cet artiste.
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Discussion
Session 2
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Mot de bienvenue
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Les ateliers Angus : la fiction hypermédiatique comme forme prospective de diffusion des archivesLine Dezainde (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Cette communication présentera des éléments de réflexion concernant la diffusion de l'archive par la fiction hypermédiatique comme voie prospective de médiatisation adoptant la stratégie de la mise en intrigue multiplateforme des éléments composant l'archive. En nous appuyant sur l'exemple du projet artistique Les ateliers Angus constitué de documents vidéo, sonores ou visuels archivés sur Internet, nous analyserons le mode de production d'un récit fictionnel numérique tirant sa genèse de ces archives. Le projet adopte une approche interdisciplinaire et intègre des notions d'archivistique, d'art, de littérature et de technologies numériques.
Nous amorcerons la communication en nous penchant sur les frontières de la fiction dans un contexte numérique, en discutant plus particulièrement le récit hypermédiatique. Suite à la présentation du projet artistique, nous nous intéresserons aux critères de sélection des éléments inclus (formats, accès et facilité d'intégration) tout en soulevant les défis posés par chacun. Enfin, nous effectuerons un bref survol des stratégies utilisées par les auteurs de quelques sites Internet et projets numériques consacrés à la diffusion d'archives.
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Faire entendre des voix sur l'inhabitable d'un lieu et de son souvenir : l'utilisation de l'archive de Monique Harvo sur le bidonville de NanterreDjemaa Maazouzi (UdeM - Université de Montréal)
127, rue de la Garenne. Le bidonville de la folie. Nanterre est une série de "narrations, connectées, multimédia et interactives". Monique Hervo militante anti-guerre d'Algérie est autorisée par le FLN en 1959 à venir s'installer dans le bidonville de Nanterre (l'un des plus grands et des plus peuplés de France) pour apporter son soutien aux populations notamment algériennes qui y échouent. La Française y aide à la réparation des baraques, au soutien scolaire et officie comme écrivain public auprès de l'administration. Monique Harvo y restera jusqu'à la destruction de ce lieu "inhabitable" d'insalubrité et de misère en 1971. Militante pro-indépendance algérienne durant la guerre et militante antiraciste ensuite, Hervo a photographié le bidonville et a enregistré ses habitants sur son magnétophone. L'œuvre en ligne sur le site d'Arte, égrène ainsi ces clichés et ces voix archivées, qui disent tant une intimité domestique ordinaire qu'une situation sociohistorique française remarquable. Nous nous intéresserons à cette œuvre qui construit la mémoire d'un lieu disparu (qui s'est érigé dans la France encore coloniale et a fini dans une France postcoloniale) et celle de populations aujourd'hui françaises, en la regardant avec ce qu'elle accompagne, fonction première de sa création : la bande dessinée Demain, demain de Laurent Maffret. De Hervo à Maffret, ce qui nous importera dans ces démarches d'archivages et d'usage de l'archive, est la solidarité du geste qui s'y dessine.
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Discussion
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Pause
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Archiver pour partager : les retours des aventures, de la conférence illustrée au web-documentaireMartin BONNARD (UQAM - Université du Québec à Montréal), Viva Paci (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Dans cette présentation, nous réfléchirons à une nouvelle sorte de production audiovisuelle, le web-documentaire. Nous en présenterons les tenants et les aboutissants en lien avec d'autres pratiques culturelles qui, dans notre lecture, comme le web-documentaire, visaient le partage de l'expérience : telles que les conférences illustrées et les revues illustrées de vulgarisation scientifique de la fin du XIXe siècle.
À partir de cet éclairage croisé, intermédial et archéologique, sur une production de notre époque du 2.0, nous essaierons de mobiliser deux interrogations sur des questions d'archives : des questions de stratégies d'archivage des aventures de découverte personnelle (naturelle, scientifique, géographique), à propos de ces formes que nous mettrons en série ; et d'autre part des questions sur l'état d'un possible archivage de cette forme multimédia, interactive et diffusée sur le réseau, et par-là instable, qu'est le web-documentaire.
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Archives gestuellesWilliam Straw (Université McGill)
Cette présentation parlera de la manière dont les acteurs du cinéma de second rôle (figurants, etc.), à Hollywood, lors de la nouvelle vague française, et dans les films européens de l'après-guerre, jouent une fonction mémorielle implicite en conservant des modes de comportement, des langages gestuels et des styles de performance provenant de formes de divertissement antérieurs. Si on peut parler du corps performant comme archive dans la façon dont la répétition gestuelle transmet les comportements à travers l'histoire, alors les petites performances filmiques constituent un répertoire de gestes en voie de disparition dont le cinéma a conservé les traces.
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Discussion
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Dîner
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L'archive de l'art : Between the Frames : the Forum d'Antoni MuntadasAnne Bénichou (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Au cours des années 80, le champ de l'art connut des transformations institutionnelles importantes. Pour saisir ces mutations et la fracture avec les valeurs de la contre-culture de la décennie précédente, l'artiste Antoni Muntadas entreprit une enquête auprès des acteurs du monde de l'art. Il interviewa des professionnels, les interrogeant sur leurs rôles, leurs valeurs, leurs fonctions, leurs activités, etc. Des captations vidéographiques furent réalisées. Au cours des 2 décennies suivantes, Muntadas en sélectionne des extraits et les monte avec des images répétitives afin de composer 7 bandes. Puis, pour les présenter, il conçoit une structure circulaire qui évoque un panoptique et qu'il adapte à chaque lieu de présentation. À la fin des années 90, il délègue la conception du dispositif de présentation à de tierces personnes qui le renouvellent. Par l'analyse de ces différentes opérations, je montrerai que l'intérêt de ces archives vidéographiques réside moins dans leur valeur testimoniale, documentaire et historique, que dans l'archéologie et la généalogie des institutions artistiques qu'elles opèrent, au sens foucaldien des termes. Elles montrent ce qu'il est possible d'énoncer à partir des institutions artistiques, les phénomènes de régularité, de répétition, de reprise, d'écart des choses qui y sont dites. Les remédiations que propose l'artiste sont autant d'occasions d'éprouver le pouvoir des institutions. Ces archives sont dès lors plus performatives qu'indicielles.
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Les Archives MANI : fondations et projections dans l'art conceptuel russeNicolas Audureau (Université Rennes 2)
La période dite du Dégel qui s'ouvre en URSS peu de temps après la mort de Staline en 1953 voit se développer une scène artistique non-officielle au sein de laquelle se succéderont des artistes qui, à partir du milieu des années 1970, seront associés au mouvement du Conceptualisme moscovite. Tolérés par les autorités mais néanmoins publiquement absents, coupés des expositions officielles et des organes culturels contrôlés par l'État, officiellement inexistants, privés d'outils de recherche et niés dans leur langage et leur mode d'expression, les artistes du Conceptualisme moscovite vont (se) poser la question d'un art sans outils, de sa capacité à générer un discours contemporain, et des rôles de l'écrit et de l'archive dans une projection – consciente ou inconsciente – tendue vers un avenir qui saura les réceptionner, les lire.
Les Archives MANI (Archives moscovites de l'art nouveau) initiées par Andrey Monastyrski à partir de 1980, et qui se poursuivront jusqu'en 1986, inaugurent des séries de productions et d'échanges épistolaires qui auront pour unique public leurs producteurs et pour vocations premières la constitution d'archives auto-référentielles, tournées sur elles-mêmes, et le catalogage confidentiel (car illicite) des formes d'un art nouveau.
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Discussion
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Pause
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L'archive de l'intime, entre les vivants et les mortsMarion Froger (UdeM - Université de Montréal)
Que fait-on des traces matérielles d'intimité que laisse un proche après sa mort ? Pour qui et pourquoi constituent-elles une archive et à quelles fins ? L'ambivalence est grande face à de telles traces : soit qu'un interdit pèse sur la conservation de ces restes d'intimité que l'on enterre ou que l'on dissémine dans les encans ; soit qu'au contraire un attachement jaloux ou un devoir d'exposition s'impose aux proches au nom d'une “mémoire collective”. Quand le “résiduel d'intimité” se fait archives, l'intimité du mort exposé à des tiers est mise en danger. Pourtant, l'archive la recouvre plus qu'elle ne la découvre, et fait exister sous son voile l“intime” finalement dérobé. À travers quelques exemples [le “cadavre-archive” et ses usages scientifiques, artistiques ou mémoriels ; la recomposition postmortem de l'intimité des grands disparus et les formes d'attachement imaginaires entre eux et le public ; inversement, la dissolution des personnes dans l'éparpillement de leurs traces matérielles, l'état de grâce des “intimités” fragmentées, résiduelles et anonymes conservées et retrouvées dans des archives (objets, textes, images) sous forme “d'éclats”, comme en témoigne Arlette Farge], nous explorerons les différents passages entre intimité et domaine public, communauté de proches, collectivité plus large, lien vécu et lien imaginaire ; et le rapport entre les morts et les vivants qui s'y (dé)noue constamment à la faveur d'une expérience d'estrangement.
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L'archive et le travail du deuilEmmet Walsh (UdeM - Université de Montréal)
Si le deuil représente une période de transition, dans quelle activité la personne en deuil peut-elle s'engager pour passer à travers cette étape? Certaines personnes endeuillées semblent intuitivement attirées par la création d'archive. Dans le cas où le défunt a laissé un testament, l'organisation et la redistribution de ses biens est établie à partir de ce document. Je m'intéresserai ici au cas où il n'y a pas de testament, où celui en deuil se sent contraint d'organiser les objets appartenant -ou associés- au défunt et donc de constituer une archive. Ma recherche concerne plus spécifiquement le cas de mon frère, un artiste décédé il y a plus de cinq ans. Il a laissé un corpus, jamais exposé ou publié. J'explorerai les questions suivantes : Est-ce que le travail de constitution d'archive peut libérer quelqu'un de son deuil ? Est-ce possible d'incorporer l'archive dans un processus créatif propre au survivant ? Dans le cas du suicide, est-ce un deuil différent, est-ce qu'il existe une urgence plus prononcée pour créer l'archive du défunt ? A partir de textes portant sur le deuil et la représentation d'un défunt (Barthes) ou sur le processus de deuil (Freud, Derrida), j'aborderai mon expérience avec les œuvres artistiques de mon frère et comment la constitution de son archive devient un travail de collaboration. Ce processus sera présenté dans un essai visuel où les images cinématographiques de mon frère seront accompagnées d'autre matériel d'archives.
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Plénière
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Synthèse