Informations générales
Événement : 81e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 600 - Colloques multisectoriels
Description :Les travaux ethnologiques ont mis en lumière divers rites pour faciliter le passage à l’âge adulte. Dans nos sociétés, ces rites anciens n’ont plus cours. Toutefois, nombre de comportements adolescents peuvent être vus comme des formes rituelles inédites pour entrer dans la vie adulte. Chaque jeune cherche à se mettre au monde à sa manière. En fait, la culture juvénile reformule, à sa manière, les grands thèmes anthropo-logiques inhérents à la condition humaine. Pour comprendre les conduites des jeunes, on doit d’abord savoir comment ils décodent et négocient les contraintes des adultes, comment ils construisent leurs propres codes et leurs propres rituels afin d’affirmer leur identité. Même derrière des conduites apparemment chaotiques, on peut repérer l’envie d’exister et d’être reconnu. L’enjeu de la reconnaissance demeure un thème récurrent dans les théories sur les jeunes.
Pour ce colloque, nous désirons rassembler des collaborateurs de divers champs des sciences humaines et sociales qui s’intéressent aux conduites adolescentes. La perspective rituelle est privilégiée. L’adolescence est l’âge des transformations accélérées du corps. Le jeune acquiert lentement une maturité sexuelle qui le propulse dans les interactions sociales. À cet égard, plusieurs formes de ritualisation des transformations corporelles seront prises en compte : sexualisation précoce chez les jeunes filles, virilisation des jeunes garçons, tatouage, piercing et conduites à risque, etc. L’adolescence est l’âge des découvertes et de l’expérimentation de soi. Plusieurs pratiques rituelles suivent les voies de l’initiation. En fait, nous désirons ouvrir ce colloque à toutes les problématiques qui touchent les rites à l’adolescence : rites scolaires, bal de finissants, rites de premières fois, rites alimentaires, rites sportifs, rites de consommation de produits toxiques, rites sexuels, rites religieux, rites avec l’usage de l’Internet, rites de lecture, rites et imaginaire, rites et cinéma, etc.
Date :- Denis Jeffrey (Université Laval)
- David Harvengt (Université Laval)
Programme
Mot de bienvenue
-
Les rites sociaux pour comprendre l'adolescenceDenis Jeffrey (Université Laval)
L'adolescence peut être conçue comme cette période de transition entre l'enfance et la vie adulte. Cette transition peut être plus ou moins longue selon les sociétés et les époques. Elle n'est donc pas uniquement déterminée par des transformations physiologiques et psychologiques du jeune humain. Elle est également le produit de représentations sociales. Celles-ci touchent notamment aux images que nous nous faisons de nous-mêmes, des autres et du monde. Ce que nous nommons, avec Balandier, Ordre symbolique. Elles constituent donc les assises de l'identité. Les nombreuses ritualisations observées à l'adolescence nous instruisent sur leurs diverses manières et stratégies pour construire leur identité et la rendre visible.
Représentations du corps
-
L'adolescence : un cycle de vie en mutation à l'heure du brouillage des « pass'âges »Myriam Bahuaud (Université Michel de Montaigne - Bordeaux 3), Agnès PECOLO (Université Michel de Montaigne - Bordeaux 3)
L'adolescence est en travaux. A sa base (pré-adolescence) comme à son sommet (post-adolescence), de nouvelles catégories sociales d'âge prennent forme prouvant, s'il le fallait encore, que l'adolescence n'est pas un âge ou des bornes d'âge. Mais en sort-on un jour ? Le concept d'adulescent ou la thèse d'une infantilisation adulte sèment le doute et interroge une société imprégnée de jeunisme, nostalgique et régressive. L'autonomie, valeur phare d'une société individualiste, favorise par ailleurs les rites entre pairs plus que les contraintes des pères. Comment être et ne plus être un ado dans une société qui bouscule les rapports d'altérité et d'antériorité ?
Dans cette contribution, nous nous centrons, à partir d'un corpus de spots publicitaires, sur la manière dont la publicité, prise comme révélatrice de tendances, jongle aujourd'hui avec ce brouillage des cycles de vie et de la transmission, et participe de ce fait à la confusion des frontières.
-
Rites de féminisation à l'adolescence : une mise au monde via les cultes de la beautéAnne-Marie Melançon (Université Laval)
Nous présenterons nos travaux portant sur les cultes de la beauté féminine. Nous nous intéressons à la construction du sentiment de féminité des adolescentes à travers les symboles cultes véhiculés par les médias de masse. Nous avons repris la typologie classique des trois grands archétypes du féminin (la femme asexuée, la mère et la femme érotisée) pour explorer les symboles et les pratiques associées à la beauté féminine. Nos analyses montrent que l'univers symbolique de la beauté féminine se composent de contradictions et de paradoxes. Par exemple, le refus de la sexualisation (anorexie, hantise du poil, purification du corps), en lien avec l'excès de sexualisation (dévoilement du corps, sexualité précoce, séduction). Comment les adolescentes naviguent-elles dans cette mer symbolique? Comment arrivent-elles à réconcilier les images contradictoires d'une beauté pure et impure à la fois?
-
Pratiques vestimentaires sexuées et épistémologie du point de vue : une leçon instructiveCaroline Caron (UQO - Université du Québec en Outaouais)
Au tournant des années 2000, la mode sexy a eu un écho particulièrement retentissant au Québec et dans plusieurs pays occidentaux. La polémique a beaucoup insisté sur le caractère offensant de la mise en marché de vêtements révélateurs ciblant des clientèles adolescentes et pré-adolescentes. Dans cette controverse, le point de vue des premières intéressées a toutefois été largement occulté. Cette présentation repose sur une recherche menée auprès d'adolescentes québécoises francophones à partir d'une épistémologie du point de vue (Harding, 1987). Cette posture théorique, contrairement à l'approche courante consistant à douter de l'authenticité et de la crédibilité des savoirs situés des jeunes, accorde une valeur épistémique aux significations investies par ces derniers dans leurs pratiques vestimentaires. Les données recueillies lors d'entrevues et de groupes de discussion procurent un nouvel éclairage sur le phénomène de la mode sexy. En outre, ils débusquent le caractère fallacieux du décodage monosémique que les adultes en position d'autorité ont réussi à imposer sur ce style vestimentaire.
-
Pause
Transcendance
-
Rites de passage dans quatre écoles juives de Montréal : la transmission d'une tradition et de l'attachement à la communauté à travers l'éducationSivane Hirsch (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)
Sans minimiser la fonction religieuse d'un rituel, il importe de considérer également son rôle social. Dans le monde juif, divers rituels gardent une place importante dans la vie communautaire, même parmi ceux qui ne laissent plus la religion rythmer leur quotidien. C'est le cas notamment de certaines fêtes (le Nouvel An, Yom Kipour, Pâques) et des rituels de passage (La circoncision, la Bat/Bar Mitszva et le mariage). Ces derniers sont célébrés par une grande majorité des Juifs qui marquent ainsi leur appartenance à la communauté. Dans cette présentation, nous nous intéresserons plus particulièrement aux rituels qui marquent l'adolescence. À la Bat / Bar mitszva et les nombreuses préparations qui les précèdent s'ajoutent de nouveaux rituels qui tentent de traduire la réalité contemporaine de la communauté juive en diaspora et veulent marquer l'attachement de celle-ci à l'État d'Israël. À partir d'une observation dans quatre écoles juives à Montréal, nous réfléchirons à la place qu'ils occupent dans l'éducation juive contemporaine dans le contexte québécois.
-
L'Église, les jeunes et les ritesÂngelo Cardita (Université Laval)
Deux questions se posent à l'Église catholique, aujourd'hui : la « question des jeunes », qui correspond au problème de la communication de la foi aux nouvelles générations, et la « question rituelle », qui pose le problème de l'ancrage de la foi dans l'événement fondateur. Dans cette communication, nous essayerons un rapprochement dialectique des deux questions. Si la « question rituelle », posée à l'intérieur de l'Église catholique par le Mouvement Liturgique dès le début du siècle dernier, possède des éléments de réponse à la « question des jeunes », l'inverse n'est pas moins vrai et les expériences rituelles des jeunes peuvent ouvrir des chemins nouveaux à l'expérience liturgique chrétienne. La référence aux transformations rituelles lors de la rencontre de l'Église avec les jeunes, ainsi que l'attention aux appropriations subjectives et personnalisées des rites par les jeunes dans la postmodernité, donneront corps à notre exposé.
-
Mouvement étudiant québécois et mythe du pouvoir. L'énigme du Sphinx et l'entrée en sociétéPierre-W. Boudreault (Aucune institution d'attache)
-
Dîner
Devenir adulte
-
Le bal de finissants : beaucoup de bruit pour peu de sens ?David Harvengt (Université Laval)
En 2013, Devenir adulte, pour les jeunes, ne semble plus un parcours aussi linéaire que pour les générations qui les ont précédé. Ce passage éclaté est plus que jamais une affaire individuelle et les rituels qui le marquent ne sont plus nécessairement partagés par tous. Pourtant, certains rites collectifs perdurent chez les adolescents et même gagnent en vigueur. C'est le cas notamment du bal de finissants. Le bal de finissants fait la manchette chaque année dans les médias : le coût économique, la sécurité des jeunes et le sens du bal pour les adolescents y sont souvent abordés. Le bal répond sans aucun doute à certains besoins chez les adolescents : on y trouve un appel du pied à une reconnaissance sociale et une mise en scène de soi et du groupe, par exemple. Mais quels sens, collectif et individuel, prend ce bal aujourd'hui ? Joue-t-il un rôle dans ce devenir adulte ou n'est-il qu'un peu de poudre aux yeux ? En définitive, le bal de finissants est-il un rite de passage vers le devenir adulte ?
-
Se faire chevalier, en 2013 : un parcours initiatique dans le milieu de la reconstitution historiqueIsabelle Landry (Université Laval)
Les reconstitutions historiques du Moyen Âge sont l'occasion, pour les participants, de faire revivre une période de l'histoire tout autant que de se confronter au présent. L'une des formes de reconstitution qui a cours au Québec concerne plus spécifiquement le tournoi médiéval, dans lequel la figure du chevalier est centrale. Celui-ci est un personnage à part, combattant au service de son seigneur; il mène une vie orientée sur des valeurs importantes comme la prouesse, la loyauté et la prodigalité. Pour les participants, s'approprier la chevalerie et le chevalier, c'est intégrer les images aussi diverses que riches construites par des siècles de littérature. En nous basant sur une enquête de terrain, nous expliciterons ce cheminement, qui passe généralement par une initiation aux valeurs chevaleresques et le service dû à un chevalier mentor, mais surtout par l'apprentissage des armes. Au terme de cet apprentissage, les nouveaux chevaliers ont l'occasion de participer à un certain nombre de tournois, qu'il s'agisse de joutes sportives ou de ce que l'on pourrait qualifier de « joute extrême », qui sont des étapes vers la reconnaissance dans le milieu de la reconstitution. Dans tous les cas, sont valorisés le dépassement de soi, la bravoure et la fraternité, qui constituent des repères importants pour nombre de jeunes contemporains.
-
Ritualiser la mort d'un ami lorsqu'on est jeuneMartin Julier-Costes (Centre Marc Bloch)
Construire la mémoire d'un ami décédé implique de le rendre présent malgré son absence. Cette opération symbolique invite à questionner les supports de la parole et du corps à partir desquels une mémoire va pouvoir être construite. Forme paroxystique de l'absence, la mort crée un vide qui doit être comblé, d'autant plus lorsqu'elle concerne des jeunes entre 18 et 30 ans décédés brutalement (suicides, accidents, maladies). Cet article vise à mettre en lumière les pratiques des jeunes pour rendre présent l'être absent. Nous voulons ici expliquer comment ces pratiques contribuent à construire la mémoire de l'ami défunt.
-
La caméra numérique : objet rituel de l'adolescent hypermoderne
La communication suivante montrera comment les usages sociaux de la caméra numérique répondent à deux nécessités anthropologiques chez les adolescents et les adolescentes contemporains. D'une part, ces usages participent du marquage symbolique de l'autonomisation. La caméra est un outil rituel qui facilite la production de marqueurs symbolisant la sortie de l'enfance, la mise en scène des transformations corporelles délibérées, et la revendication d'une mémoire personnelle de soi et de sa famille. D'autre part, ces usages participent de la ritualisation des interactions juvéniles. Ainsi de nouveaux rituels d'interaction et de séduction médiatisés par la caméra numérique apparaissent parmi les jeunes générations. Dans ce contexte, les technologies de l'image et de la communication semblent proposer de nouvelles conditions propices à la réinvention de rituels répondant à des nécessités anthropologiques propre au « passage » adolescent en répondant aux questions : Comment signifier que je suis autonome ? Comment entrer en contact avec l'autre ?
-
Pause
Pratiques du risque
-
Les problèmes de jeux de hasard et d'argent à l'adolescence : dépendance ou exploration de conduites à risque ?Annie Gendron (École nationale de police du Québec)
Une proportion supérieure d'adolescents présentent des problèmes de jeux de hasard et d'argent (JHA) comparativement aux adultes (Disckon et al., 2008). Certains expliquent ce phénomène par la nature exploratoire des conduites à risque à l'adolescence (Splevins et al., 2010) alors que d'autres pointent la présence de facteurs de risque (Vitaro et al., 2007). Cette communication propose une réflexion sur les habitudes de JHA à l'adolescence en lien avec certaines problématiques associées. Il sera question de regarder les différences sexuelles et l'influence de facteurs (impulsivité, détresse psychologique et consommation de substances psychoactives (SPA)) sur la sévérité des habitudes de JHA. Les travaux ont été menés auprès de 1870 élèves québécois du secondaire âgés entre 14 et 18 ans. Les principaux résultats pointent vers l'idée que les comportements de JHA à l'adolescence, lorsqu'ils sont sévères, s'inscrivent surtout dans le cadre d'un mode de vie déviant où la consommation de SPA occupe un rôle prédominant.
-
La consommation de tabac, de cannabis et d'alcool fort au cours de l'adolescence comme rituel dans la construction identitaireImaine Sahed (EHESS - École des hautes études en sciences sociales)
La communication que nous proposons s'intéresse aux conduites de consommation de tabac, de cannabis et d'alcool fort au cours de l'adolescence. Nous avons mené 42
entretiens biographiques auprès de lycéens vivant en France. Nous avions interrogé l'évolution de consommation de ces substances psycho actives. L'analyse du corpus
des entretiens nous a permis de démontrer que l'usage de ces produits s'inscrit dans le projet d'une émancipation identitaire individualisée. En consommant ces produits
pourtant interdits par les parents, ou dévalorisés par la société, les adolescents ont le sentiment de se construire librement et manière autonome. C'est sur l'arrière plan d'un
mouvement social d'émancipation individuelle, de fabrication personnelle de soi née dans les années 1960 (J. C Kaufmann, 2004) que nous posons la problématique des
pratiques de consommations comme une forme d'individualisation chez l'adolescent. Au cours de cette présentation, il s'agira de démontrer comment ce projet d'individualisation
s‘est imposé dans notre étude et dans quelle mesure l'usage de substances psychoactives ritualise et concrétise le projet d'individualisation et de reconnaissance ide son
identité individuelle. -
Les formes ludiques radicales : jeux, violences, rites ?Yan Bour (UNS - Université Nice Sophia Antipolis)
Cette communication part d'un phénomène bien connu en France sous le nom de « nouveaux jeux dangereux et violents » des adolescents. Elle se veut une réflexion sur les repères de sens partagés dans la sociabilité lors des récréations. C'est à l'appui d'une ethnographie en collège que nous montrerons en quoi ces « formes du partage » participent de et à un dispositif de prévention qui, dans un souci de sécurité, invite à contrôler, normaliser, interdire le jeu en milieu scolaire ; faisant glisser ces conduites au rang des nouvelles déviances juvéniles et des problèmes de santé publique. S'agit-il de conduites à risques, de violences scolaires, de rites de passage entre pairs ? Nous parlerons ici de formes ludiques radicales pour montrer en quoi ces répliques adaptatives et tactiques d'existence permettent de continuer de jouer entre pairs dans la cour, de se jouer de l'ennui, déjouer les interdits, rejouer d'autres expériences et, par là, coopérer et se subjectiver…