Béatrice Moyen-Sylvestre
Le prix Acfas IRSST – Santé et sécurité du travail – Maîtrise est remis à Béatrice Moyen-Sylvestre, de l’Université de Montréal.
La répétition d'efforts, même sous de faibles charges, crée de la fatigue musculaire. Celle-ci favorise le développement de troubles musculosquelettiques aussi appelés TMS. Ces troubles affectent de nombreux-ses- travailleur-ses-s, tout particulièrement quand ils apparaissent dans la région de l’épaule. Or, le corps compense pour les muscles fatigués en modifiant sa succession de micromouvements. La détection de telles modifications contribuerait à de meilleures interventions de prévention de TMS, et donc à l’amélioration de la sécurité au travail. Avec son projet, la lauréate veut déterminer les biomarqueurs du mouvement. De plus, en utilisant des instruments de mesure portatifs, elle ouvrira la porte aux études de TMS directement sur le lieu de travail.
Pour effectuer sa recherche, la lauréate utilise des instruments de mesure qui détectent le contenu fréquentiel, c’est-à-dire la nature, des mouvements. C’est cette même technologie qui permet aux téléphones cellulaires de détecter les types de mouvements, pour les applications d’assistance sportive notamment. La lauréate s’appuie sur l'hypothèse que les biomarqueurs cinématiques (les caractéristiques de l’accélération du mouvement) de variation du contenu fréquentiel ainsi enregistrés seront fortement corrélés à la perte de force maximale et au niveau d'effort perçu pendant la tâche de pointage répétitif. Ils permettront dès lors de détecter la fatigue musculaire pendant la tâche simulée de travail.
Avec ce projet, la lauréate cherche à identifier le meilleur indicateur, parmi ces biomarqueurs basés sur l'accélérométrie, témoignant de la fatigue des travailleurs sur le terrain.
Cette étude portera sur vingt travailleurs, employés par l’entreprise partenaire, un commerce de détail accomplissant chaque jour des tâches manuelles d’assemblage de produits à faible poids de manière répétitive, depuis au moins 6 mois (ratio homme-femme de 1:1), sans historique de TMS au membre supérieur. Ils réaliseront des tâches répétitives de travail du membre supérieur sans charge lourde. La lauréate mesurera alors la cinématique de ce mouvement. Afin de cibler les biomarqueurs cinématiques, les participants devront effectuer, dans un contexte de travail normal, une tâche de fatigue standardisée. Cette dernière consistera en des flexions/extensions du bras en pointant alternativement entre deux cibles. Chaque minute, les travailleurs indiqueront leur perception de l'effort sur l'échelle CR10 de Borg, qui permet de mesurer l’effort lors d’un exercice physique. Ils réaliseront une contraction maximale isométrique, c’est-à-dire sans déplacement articulaire, afin de suivre la diminution de force maximale. La tâche prendra fin lorsque les travailleurs ne pourront plus maintenir le mouvement requis ou lorsque leur perception de l'effort dépassera 8/10 sur l'échelle CR10 de Borg.
La grande nouveauté qu’apporte la lauréate est d’utiliser un protocole passant par des appareils de mesures portatifs. Cette étude contraste avec celles effectuées laboratoire, puisqu’elle permet d’étudier les mouvements musculaires directement sur le lieu de travail. Grâce à l'identification du biomarqueur d’accélérométrie le plus susceptible d'indiquer la présence de fatigue musculaire, il deviendra possible de mieux évaluer l'exposition au risque de TMS au membre supérieur lors de différentes activités de travail afin d'être mieux outillé pour leur prévention.
C’est cette nouvelle approche de l’analyse de troubles musculosquelettiques en milieu de travail que vient encourager le présent prix.