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Ha-Loan Phan, Wikimédia Canada

Qu’est-ce que vulgariser les sciences? Comment rendre attrayants des travaux de recherche auprès de différents publics? Comment traduire avec originalité des concepts et des données complexes issus de la philosophie, des neurosciences, de la physique ou des sciences biologiques? Et pourquoi est-ce important de les rendre accessibles?

Les réponses à ces questions se trouvent dans les pages de Racontez-moi... 30 ans de vulgarisation scientifique, un ouvrage recensant 30 histoires de recherche étonnantes, créées et revisitées par des récipiendaires du Concours de vulgarisation de la recherche de l’Acfas depuis 1993.

Découvrez en préface ce billet d'Ha-Loan Phan, lauréate de la 18e édition, qui témoigne ici de la contribution de la vulgarisation au sein d'un parcours scientifique.

Ha-Loan Phan
Ha-Loan Phan, lauréate de la 18e édition du Concours de vulgarisation de la recherche de l'Acfas, en 2010 / Crédits photo : Philippe Massé

Avide de transmettre ma passion des opossums, je me suis moi-même prêtée au défi du Concours de vulgarisation de la recherche en 2010. Je me souviens du sentiment de fierté qui m’habitait en déposant mon texte, alors que j’étais sur le point de terminer ma maîtrise en sciences biologiques sur le développement du système nerveux des mammifères. Ma recherche portait plus précisément sur les mécanismes intervenant dans la locomotion, soit l’action de se déplacer, des opossums. Le jeu de mots choisi pour titrer mon texte - L’opossum Monodelphis domestica, un modèle qui marche - m’apportait une satisfaction difficile à décrire. J’avais l’impression de résumer deux ans d’études en une simple phrase provoquant le sourire par sa qualité douteuse. Depuis cette expérience, ma curiosité pour la communication scientifique ne m’a jamais quittée. Comment communiquer habilement un message complexe, de manière intéressante, à un public hétérogène composé de néophytes et de spécialistes? Cela s’apprend-il dans les livres, sur les bancs d’école, sur Internet, au travail? Ou bien est-ce en communiquant que l’on devient communicateur·trice·s? Pour répondre à ces questions, je n’ai cessé de voguer entre l’action et une démarche réflexive.

Durant les années qui ont suivi, j’ai consolidé mon penchant naturel pour le transfert de connaissances et j’ai cherché à soigner ma langue, toujours à la conquête du mot juste et heureux. C’est un jeu grisant pour peu que l’on y porte une attention particulière. J’ai saisi de nombreuses occasions d’apprendre et d’enseigner la communication, notamment à l’emploi de l’Acfas, entre le service-conseil en communication au congrès, les multiples formations offertes à la relève en recherche, la réédition du Guide pratique de vulgarisation scientifique de Sophie Malavoy, et enfin, le lancement de la plateforme RaccourSci, « le chemin le plus court » vers une communication scientifique efficace, en français. Je remercie mes interlocuteur·trice·s, mes collègues des corps professoral et étudiant, qui m’ont donné leurs rétroactions ou se sont prêtés aux miennes. Vous êtes une source d’inspiration quotidienne. Je salue tout particulièrement le travail d’un pilier de l’Acfas, l’inlassable Johanne Lebel, rédactrice en chef du Magazine de l’Acfas, véritable mousquetaire des mots avec qui j’ai le plaisir d’escarmoucher régulièrement.

Comment communiquer habilement un message complexe, de manière intéressante, à un public hétérogène composé de néophytes et de spécialistes? Cela s’apprend-il dans les livres, sur les bancs d’école, sur Internet, au travail? Ou bien est-ce en communiquant que l’on devient communicateur·trice·s? Pour répondre à ces questions, je n’ai cessé de voguer entre l’action et une démarche réflexive.

Assembler les mots en récits

Dénicher et assembler les mots les plus précis et les plus jolis pour relayer ses idées de la façon la plus brillante possible, en français, est un travail qui s’apparente à l’orfèvrerie. Les productions qui suivent constituent des bijoux qui reflètent chacun un aspect de la grande Histoire de la recherche scientifique et qui, j’espère, sauront vous éblouir.

Couverture Racontez-moi
Couverture de la publication Racontez-moi... 30 ans de vulgarisation scientifique / Illustration : Martin Patenaude-Monette.

Lecteur·trice·s, laissez-vous transporter dans le temps et dans l’espace : il y a 4 milliards et 560 millions d’années, à Saint-Robert-de-Sorel au Québec, à dos de météorite, à la biosphère de Calakmul au Mexique, sur les ailes du sarcoramphe roi ou encore à bord du sous-marin robotisé Tiburon, à 3 kilomètres sous l’eau, au large de la Californie… Avec le recul, certaines de ces idées n’ont pas pris une ride, au contraire. D’autres étudiant·e·s ont pris la relève dans les différents laboratoires et poursuivent ce travail artisanal qui se transmet de génération en génération. Mais que sont devenus les auteur·trice·s de ces textes? Professeur·e·s, professionnel·le·s de la recherche, administrateur·trice·s… Certaines personnes en ont même fait un métier : vulgarisateur·trice·s ou journalistes scientifiques. Dans tous les cas, j’ai la certitude que l’expérience du concours les a inspirés dans leurs différentes pratiques. Les personnes qui s’expriment clairement et agréablement nous exaltent, que ce soit au détour d’un discours, d’un cours, d’un rapport de recherche ou en écoutant les informations.

Pourquoi vouloir vulgariser sa recherche? Au-delà du défi créatif, vous participez à la conversation sciences et société. Celle-ci nous enrichit collectivement. Depuis 100 ans maintenant, l’Acfas participe à cette conversation et à la transmission des savoirs en français sous de multiples formes. En tant qu’acteur·trice·s de la recherche, il est de notre devoir d’expliquer notre travail aux divers publics, par transparence, pour bâtir des liens de confiance, mais aussi pour s’éclairer mutuellement. À titre de citoyen·ne·s au courant des avancées scientifiques, nous sommes plus averti·e·s pour nous manifester et pour agir sur des enjeux de société qui nous concernent, de l’écologie forestière aux changements rapides en informatique.

Pourquoi vouloir vulgariser sa recherche? Au-delà du défi créatif, vous participez à la conversation sciences et société. [...] En tant qu’acteur·trice·s de la recherche, il est de notre devoir d’expliquer notre travail aux divers publics, par transparence, pour bâtir des liens de confiance, mais aussi pour s’éclairer mutuellement.

Vulgariser, c’est déplier et contextualiser un sujet complexe pour l’exprimer de manière simple, claire et à la portée de tout le monde, avec une émotion, une couleur et des images qui le rend unique. Toutes les occasions sont propices pour laisser sa trace! En plus du Concours de vulgarisation de la recherche, vous pourriez choisir de créer votre chaîne de vidéos de vulgarisation, participer au concours Ma thèse en 180 secondes, ou encore, contribuer à l’encyclopédie libre Wikipédia. N’hésitez plus! À vos plumes, à vos caméras et à vos magnétophones!

Bonne lecture!

Ha-Loan Phan
Présidente de Wikimédia Canada

 


 

Sa proposition en 2010

L’opossum Monodelphis domestica, un modèle qui marche

L’exploration de l’environnement, la quête de nourriture, la fuite face à un prédateur et la recherche de partenaires sexuels dépendent d’une fonction primordiale chez les animaux comme chez les humains : la capacité de se déplacer ou locomotion. Parmi les recherches qui s’intéressent à cette fonction, on trouve celles qui ciblent le développement du système nerveux locomoteur. Habituellement, les travaux en neurobiologie développementale chez les mammifères utilisent le rat ou la souris comme modèles d’expérimentation. Cependant, une espèce exotique gagne en popularité comme modèle d’étude de la locomotion : il s’agit d’un marsupial, l’opossum Monodelphis domestica. Des réponses thérapeutiques aux lésions de la moelle épinière pourraient émerger de ces travaux.

De petits prématurés

L’opossum M. domestica, comme tous les marsupiaux – kangourous ou koalas –, naît dans un état très immature, après une gestation d’une quinzaine de jours. Il complète sa maturation
hors de l’utérus, sur le ventre de sa mère, accroché à l’une des tétines. Cette naissance précoce de l’opossum permet l’observation d’événements qui se produisent in utero chez les mammifères placentaires, ce qui en fait un modèle de choix pour l’étude du développement de la locomotion.

L’opossum adulte ressemble à un petit rat au pelage gris foncé, il mesure une dizaine de centimètres et peut peser jusqu’à 200 g. Il s’élève facilement en captivité, se reproduit tout au long de l’année et peut engendrer entre 2 et 4 portées de 4 à 12 petits chacune par an. Cette espèce d’opossum est dite « généralisée » : elle ne présente pas de spécialisation motrice surdéveloppant les membres antérieurs (comme le koala, animal grimpeur) ou les membres postérieurs (comme le kangourou, animal sauteur). Son mode de locomotion est donc comparable à celui des mammifères quadrupèdes, tels que le rat ou la souris.

Le degré de développement du nouveau-né correspond à celui d’un rat ou d’une souris in utero d’environ 14 jours après conception. Chez ces derniers, il est difficile d’établir des liens entre le développement des centres nerveux moteurs localisés dans la moelle épinière et les mouvements locomoteurs associés, puisque ceux-ci sont cachés au sein de l’utérus maternel. Ainsi, pour l’opossum, il n’est pas nécessaire de sacrifier la mère gestante, car les petits naissent immatures!

Un nouveau-né mesure 1 cm et pèse 100 mg; sa peau rose est dépourvue de poils, ses yeux et ses oreilles sont encore fermés. Le voyage de l’orifice urogénital maternel jusqu’à une tétine est une étape décisive. Ce déplacement de quelques centimètres relève de l’exploit pour un nouveau-né, et si à l’arrivée l’opossum ne parvient pas à fusionner sa bouche à une tétine, il meurt. Une fois bien accroché, donc, le nouveau-né demeure là pendant les trois premières semaines de sa vie. À la naissance, ses membres antérieurs griffus sont assez développés pour qu’il puisse se hisser le long du ventre de la mère à l’aide de mouvements rythmiques et alternés. En revanche, les membres postérieurs sont peu développés : ce sont des petits « moignons » immobiles sans articulations ni orteils. Ils ne bougeront que deux semaines après la naissance. C’est l’immaturité relative des membres de l’opossum à la naissance que les chercheur·euse·s exploitent au moment d’étudier le système moteur. En effet, si cette immaturité est visible de l’extérieur, elle l’est aussi sur le plan du système nerveux qui orchestre les mouvements : c’est le cas des centres moteurs situés dans la moelle épinière.

De l’opossum à l’humain

L’étude des comportements de M. domestica montre que pour parvenir à une locomotion mature et fonctionnelle, l’animal doit acquérir successivement la maturité du système musculosquelettique, le soutien adéquat par ses membres, et enfin, une coordination des membres orchestrée par le système nerveux. Chez l’humain, ces étapes sont similaires. Bien que nos membres postérieurs soient plus développés que ceux de l’opossum à la naissance, nous aussi avons marché à quatre pattes!

Outre des expériences relatives aux lésions de la moelle épinière et à la récupération des fonctions motrices, des études utilisant l’opossum en tant que modèle ont permis avec succès de décrire le développement de la machinerie nerveuse qui contrôle la locomotion. À ce jour, nous comprenons mieux chez l’opossum comment s’établissent les synapses (connexions neuronales) ainsi que les voies qui relient le cerveau à la moelle épinière et régulent les centres moteurs localisés dans la moelle épinière, tel le système de l’équilibre. Enfin, les données acquises chez l’opossum concordent avec celles obtenues chez le rat et la souris… L’opossum est donc bel et bien un modèle qui marche!


  • Ha-Loan Phan
    Wikimédia Canada

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