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Mathieu Perron, Université du Québec à Trois-Rivières

Ces petits bouts de papier numérotés sont un certificat d’appui et une reconnaissance du gouverneur, tous deux adressés à la veuve Arnaud du faubourg Saint-Laurent à Montréal en février et mars 1769 pour l’obtention d’une licence autorisant le détail des boissons fortes dans son auberge. Ils appartiennent à mon corpus de recherches doctorales qui se consacrent d’une part à l’étude de l’évolution du système de régulation des espaces semi-publics (tavernes, auberges, hôtels, etc.) au Bas-Canada et de l’autre à l’analyse de la sociabilité, de ses représentations et de la diversification des espaces de divertissement au sein de ces espaces.

Récit - Perron
Bibliothèque et Archives Canada, Fonds RG4 B28

Sur le certificat de la veuve Arnaud apparaissent six signatures, en plus de celles « de quatre chefs de famille de bonne réputation et d’une fortune aisée de la paroisse » attestant que « la requérante est d’une bonne réputation, qu’elle est sobre et d’une conversation honnête ». Le tout est corroboré par un témoin tel que requis par l’ordonnance publié par gouverneur de la Province de Québec1. De surcroit, deux voisins ont aussi apposé chacun leur signature, en tant que garants communautaires de la probité d’un espace surveillé par une femme ; une démarche extraordinaire et non requise par les ordonnances.

D’autres papiers sont normalement exigés : 1) un serment d’allégeance à Sa Majesté britannique au coût de 20£; 2) une licence qui se présente sous la forme d’un formulaire imprimé, lui coûtera pour sa part deux shillings payables au secrétaire civil ou à son agent. L’aubergiste doit la conserver et éventuellement l’afficher dans son établissement au cours de l’année où elle demeure valide; 3) un formulaire de reconnaissance signé de la main du gouverneur ou de son représentant local attestant de la validité de la démarche, au coût de deux shillings pour la peine du secrétaire civil ou de son agent. Pour maintenir accrochée son enseigne rouge, la veuve Arnaud devra également demander le concours de deux personnes suffisamment fortunées pour déposer chacune les 2£ en caution chacun garantissant de sa bonne conduite. La veuve Arnaud renouvellera cette procédure quatre années de suite.

Ce système moral et fiscal survivra jusqu’à la première moitié du XIXe siècle, avec quelques adaptations et ajouts de charges comme une somme dédiée à l’entretien des routes par exemple, et des obligations supplémentaires comme les déclarations obligatoires des étrangers de passage. Son étude nous offre ainsi un autre regard sur l’histoire politique, sociale et culturelle du Bas-Canada, mais aussi une occasion d’évaluer, sur l’ensemble du territoire et dans le temps, la présence marquée des femmes dans ce métier, trait distinctif de « l’auberge canadienne » que les voyageurs britanniques soulignent dans leurs récits.

[La présente étude est] une occasion d’évaluer, sur l’ensemble du territoire et dans le temps, la présence marquée des femmes dans ce métier [d'aubergiste], trait distinctif de « l’auberge canadienne » que les voyageurs britanniques soulignent dans leurs récits.

  • 1La Gazette de Québec, 23 février 1768

  • Mathieu Perron
    Université du Québec à Trois-Rivières

    Mathieu Perron est doctorant associé à la Chaire de recherche du Canada en histoire des loisirs et des divertissements de l’Université du Québec à Trois-Rivières. Diplômé au baccalauréat de l’UQÀM et détenteur d’une maîtrise en histoire de l’Université de Sherbrooke, ses intérêts de recherche et ses publications portent sur l’histoire culturelle et sociale de l’alcool au Québec, l’histoire des espaces de sociabilité, leur régulation et les représentations qui y sont attachées.

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