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Germana Barata , Université d'État de Campinas, Brésil

L’état de la communication scientifique, dans tout pays, va de pair avec le développement de sa science et de sa technologie. Au Brésil, c’est à la fin des années 1990 que ces dernières atteignent leur maturité et leur reconnaissance internationale. Dans cette lancée, on assistera à une hausse des investissements et au développement des politiques en matière de communication scientifique. Aujourd’hui, il est temps d’aller plus loin et de renforcer, entre autres, les collaborations nationales et internationales. [NDLR : Douze textes, en provenance de dix pays, composent le présent dossier. Ces textes seront réunis dans un document PDF]

Barata

 

Les balbutiements

Avant l’avènement des universités ou des instituts de recherche au Brésil, la communication scientifique est limitée aux amateurs de science. Le champ commence vraiment à se transformer, à se professionnaliser, avec les premiers cours de communication scientifique dans les années 1970 : Université de São Paulo (1972), Université Méthodiste de São Paulo (1978) et Coordination pour l’Amélioration de l’Enseignement Supérieur (1982) (Oliveira, 2002; Caldas et Macedo, 2009). Beaucoup des pionniers issus de ces formations contribueront par la suite au progrès du domaine.

Les années 1980 sont marquées par un boom dans la couverture médiatique, par exemple dans la production de magazines et de programmes télévisés scientifique. Plus précisément, ce décollage se produit à partir de 1985, à la fin de l’interminable régime militaire, dans la période dite « de redémocratisation ».

La nouvelle direction politique se révélera soucieuse de l’intérêt public, faisant ainsi écho aux besoins d’ouverture du milieu scientifique. La croissance de la production scientifique à la fin des années 1990 entraìne une forte vague d’investissements gouvernementaux et institutionnels. De 1981 à 2005, la production brésilienne passe de 33,2 à 46,6 % en Amérique latine, et au niveau mondial de 0,42 % à 1,75 % (Almeida et Guimarães, 2013). Les études supérieures, en place depuis le milieu des années 1960, y jouent un rôle-clé.

La Fondation de la recherche de l’État de São Paulo (Fundação de Amparo à Pesquisa do Estado de São Paulo – FAPESP), principal organisme de financement du pays, lance en 1999 un programme de bourses en communication scientifique et un magazine de vulgarisation scientifique, Pesquisa Fapesp. Le mouvement se répercute un peu partout au pays. L’objectif est de rendre plus visible une science appuyée par les investissements publics (FAPESP, 1999). De son côté, l’Université d’État de Campinas (UNICAMP) implante  une formation spécialisée en 1999, et, un an plus tard, l’Université de São Paulo met à jour sa formation de 1992, consolidant ainsi une offre de plus en plus cohérente.

Au niveau fédéral, une étape importante est franchie en 2004 avec la création du Département de la popularisation et de la diffusion de la science et de la technologie (DEPDI) au ministère de la Science et de la Technologie, et l’avènement de la Semaine nationale de la science et de la technologie. Le gouvernement lance aussi un grand nombre d’offres publiques pour enrichir la pratique et la recherche en communication scientifique. Se dessine alors un mouvement politique d’inclusion sociale duquel la communication scientifique tire visiblement profit.

À partir de 2002, on assiste à une augmentation du nombre de thèses, de mémoires et de travaux scientifiques traitant de communication scientifique, et ce, au sein de plusieurs disciplines, tout particulièrement l’éducation et la communication1. La première maîtrise en communication scientifique, créée en 2008 par l’UNICAMP, voit son 100e mémoire publié en mars 2017. Une deuxième maîtrise est initiée en 2016, à Fiocruz.

Au niveau international, cependant, seule une petite part de cette grande production trouve le chemin des principales revues de communication scientifique, dont quelques copublications avec des chercheurs étrangers2 La barrière de la langue, la tradition de publication nationale et de faibles collaborations internationales expliqueraient cette situation.

En 2012, le Répertoire national des chercheurs (Plataforma Lattes), avec plus de 4,5 millions de personnes enregistrées, ajoute un onglet : Travaux en éducation et en vulgarisation. On crée également une bourse pour les chercheurs en communication scientifique, reconnaissant et légitimant ce champ bien que la pratique de la communication scientifique n’ait toujours pas d’effet sur l’avancement de la carrière des scientifiques.

Des niches pour les communicateurs scientifiques

Force indéniable de changements, Internet et les médias sociaux procurent une plus grande visibilité aux institutions et aux scientifiques. D’importantes fondations de recherche et des universités publient en ligne des revues scientifiques3 (Barata et coll., 2014), des journaux, des blogues, etc.

Les points de presse, les sites web, les médias sociaux et toutes les données d’interaction (téléchargements, partages, likes, tweets, commentaires, etc.) produisent une série d’indicateurs alternatifs4 documentant les interactions entre les publics et les contenus scientifiques. Les revues brésiliennes, voyant ces retombées – dont l’impact à l’international –, les intègrent désormais dans leur « portefeuille » de communication. La base de données nationale la plus importante, SciELO (Scientific Electronic Library Online), a déterminé, par ailleurs, en juillet 2015 que l’utilisation des médias sociaux et des blogues serait désormais obligatoire pour les publications qu’elle indexe.

L’expérience des moyens numériques, des médias sociaux et des blogues transforme les publications scientifiques : plus de propositions d’articles, plus de téléchargements, meilleurs contacts avec les pairs réviseurs, lectorat élargi. Comme les revues brésiliennes sont majoritairement en libre accès, se dessine une formidable opportunité d’augmenter le partage du contenu scientifique, d’atteindre rapidement les acteurs sociaux, de recueillir des commentaires et de valoriser les savoirs du pays. Alperin (2015) a montré que la moitié des 700 000 téléchargements quotidiens d’articles à SciELO proviennent de non-experts.

Les pratiques « d’engagement en ligne » facilitent donc l’intégration de la communication scientifique au travail des scientifiques. Les blogues scientifiques continuent de se multiplier, mais plus lentement. Il existe également une initiative collective de Science Vlogs Brasil (blogues en format vidéo) sur YouTube, soit 30 chaînes réalisées principalement par des étudiants de troisième cycle et des journalistes scientifiques. En un an, les vlogues ont attiré des millions de vues et sont devenus un média scientifique pertinent.

Les défis à venir

Le Brésil a désormais atteint la capacité de développer son savoir-faire en termes de communication scientifique. Les prochaines étapes? D’abord consolider et élargir les enquêtes nationales. Jusqu’à présent, seule la perception publique de la science a été analysée régulièrement (1989, 2004, 2006, 2010, 2015).

Par ailleurs, le rétablissement de l’Association brésilienne de journalisme scientifique (ABJC) ou la création d’une nouvelle organisation permettraient d’unir les forces aux fins de partage des ressources et d’interventions politiques. Ce dernier besoin est devenu encore plus critique depuis que le Département de vulgarisation des sciences a cessé ses activités, sous prétexte de réaménagements ministériels visant à réduire les dépenses. La profonde crise économique que traverse le Brésil, avec ses coupes massives en science et technologie, implique que la communauté doit veiller aux acquis des 20 dernières années.

Les indicateurs issus des altmetrics sont une occasion de rendre la communication « partie intégrante » de la production scientifique. Les communicateurs scientifiques doivent encourager les revues de leur domaine à favoriser l’accès libre aux articles. Davantage de projets de recherche, aussi, devraient considérer les médias sociaux (vlogue, blogue, etc.) comme des outils pertinents du dialogue « science et société », et comme moyens de réseauter avec la communauté mondiale des communicateurs, tout en incluant les acteurs non scientifiques dans la mêlée.

Finalement, parce que son histoire est riche et que le savoir-faire à partager est important, le champ de la  communication scientifique brésilien doit maintenant se déployer à l’international. Pour le moment, ses collaborations sont plus modestes que ses capacités. La communauté internationale, pour sa part, doit être consciente que des pays sont sous-représentés, les États-Unis et le Royaume-Uni étant les principaux contributeurs. Une représentation plus variée de la pratique et de la recherche en communication scientifique au Brésil catalyserait, sans aucun doute, tout le domaine.

Références

  1. Almeida, E.C.E, et J.A. Guimarães. « Brazil’s growing production of scientific articles—how are we doing with review articles and other qualitative indicators? », Scientometrics, 2013. DOI 10.1007/s11192-013-0967-y
  2. Alperin, J.P. The Public Impact of Latin America’s Approach to Open Access. Doctoral Dissertation, Stanford University, USA, 2015.
  3. Barata, G.F., R. Cunha, S. Pallone et C. Vogt (2014). « ComCiência online magazine: 15 years investing on training and on scientific culture », Proceeding of the 13th Public Communication of Science and Technology (PCST), Salvador (BA), Brazil.
  4. Caldas, G., et M. Macedo (1999). « Experiências em jornalismo científico «, Pesquisa Fapesp, vol. 47, Outubro.
  5. Fapesp – São Paulo Research Foundation (1999). Editorial. « O nascimento de uma revista », Pesquisa Fapesp, vol. 47. http://revistapesquisa.fapesp.br/1999/10/01/o-nascimento-de-uma-revista/ [consulté le 21 février 2017].
  6. Oliveira, F. (2002). Jornalismo científico, São Paulo, Brazil, Contexto.
  • 1G. Barata, M. G. Caldas, T. Gascoigne (article soumis).
  • 2Ibid.
  • 3Quelques exemples : Minas Faz Ciência, Bahia Ciência, Pesquisa Rio, Unesp Ciência, UFSC Ciência, Amazonas Faz Ciência, Revista Pré-Univesp, Darcy and A3.
  • 4Ces altmetrics sont déjà adoptés par Web of Science, Scopus – deux des plus prestigieuses bases de données de revues scientfiques – ainsi que par des revues à haut facteur d’impact comme Nature, Plos One et The Lancet. Impact Story, pour sa part, fournit aux scientifiques des outils pour vérifier l’impact social de leurs travaux.

  • Germana Barata
    Université d'État de Campinas, Brésil

    Germana Barata est chercheuse en communication scientifique au Laboratoire d'études avancées en journalisme (Labjor) du Centre pour le développement de la créativité (Nudecri) de l'Université d'État de Campinas (UNICAMP) au Brésil. Elle est aussi professeure invitée à l'Université Simon Fraser du Canada. Elle est titulaire d'une maîtrise et d'un doctorat en histoire de la science de l'Université de São Paulo et d'un productivity research fellow of science communication du Conseil national de développement de la science de la technologie du Brésil (CNPq). En communication scientifique, elle est spécialiste des médias sociaux et des altmetrics comme modes d’évaluation des revues scientifiques brésiliennes. Elle enseigne au programme de maîtrise en communication scientifique et au programme de journalisme scientifique du Labjor. Elle est aussi blogueuse à Ciência em Revista.
    •    http://www.blogs.ea2.unicamp.br/pt_BR/blog/category/ciencia-em-revista/
    •    Facebook.com/germana.barata
    •    @germanabarata
    •    germana@unicamp.br ou Gfbarata@sfu.ca

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