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Vincent Larivière, Université de Montréal
Des analyses montrent que, dans l’ensemble, les doctorants contribuent à une part non négligeable des activités de recherche des universités québécoises, et que leurs travaux de recherche ont un impact tout aussi élevé que les autres articles universitaires québécois.

Croissance du nombre de doctorants

Les doctorants sont une ressource essentielle à l’avancement des connaissances. Au cours de l’année académique 2012-2013, 50 772 étudiants étaient inscrits dans un programme de doctorat d’une université canadienne (15 354 au Québec) 1, et 6 456 ont diplômé la même année (1 833 au Québec) 2. Ces chiffres augmentent plus rapidement – et sont plus élevés! – que le nombre de professeurs dans les universités canadiennes, qui est passé de 30 399 en 2000-2001 à 41,934 en 2010-2011, soit une augmentation de près de 38 % 3.

Malgré la force du nombre, on sait peu de choses sur l’importance de la recherche effectuée par les doctorants. Alors que beaucoup de travaux se sont intéressés aux facteurs favorisant la réussite d’une thèse de doctorat 4, ou à leur socialisation à la recherche 5 – soit le processus par lesquels ils passent d’étudiants à chercheurs, nous savons peu de choses de la contribution des doctorants à l’avancement des connaissances. En effet, alors qu’historiquement, les doctorants ont été considérés comme un extrant (un « cerveau » produit) du système de la recherche, on devrait plutôt les considérer comme un intrant, une ressource contribuant à la production de nouvelles connaissances pendant leur doctorat.

Basée sur ma propre thèse de doctorat 6, cette chronique vise à fournir quelques données empiriques sur l’importance des doctorants pour le système de la recherche québécois. L’ensemble des étudiants inscrits dans un programme de doctorat d’une université québécoise entre 2000 et 2007 (n=27,393) est considéré. Deux types de contributions sont analysés ici :

  • la proportion des articles universitaires québécois incluant la contribution d’un moins un doctorant;
  • l’impact scientifique des articles comptant au moins un doctorant parmi ses auteurs.

Une contribution essentielle

La FIGURE 1 présente le pourcentage des articles universitaires québécois auxquels au moins un doctorant a contribué, par discipline. On remarque que, pour l’ensemble des disciplines combinées, les doctorants ont participé à 33% des articles universitaires, et que cette proportion varie grandement à travers les disciplines.

Plus spécifiquement, alors que moins de 20% des articles universitaires québécois sont associés aux travaux des doctorants en sciences sociales (12%), humanités (14%), mathématiques (17%) et champs professionnels (18%), ce pourcentage est de près 50% en physique, de 43% en recherche biomédicale, de 39% en chimie de 36% en biologie.

Ainsi, les doctorants contribuent dans une part non négligeable aux articles scientifiques québécois et, avec l’augmentation des cohortes observée au cours des dernières années, cette part est sans doute encore plus importante aujourd’hui qu’elle ne l’était en 2007. Notons également que, dans plus de 90% des cas, les articles des doctorants sont écrits en collaboration, ce qui illustre l’importance de mentors (professeurs, postdoctorants, etc.) dans leur socialisation à la recherche.

 

Un impact supérieur à la moyenne en sciences naturelles

En termes d’impact scientifique – mesuré par les citations reçues, normalisées selon la spécialité dans laquelle ils sont publiés –, la FIGURE 2 montre, toutes disciplines confondues, que les articles des doctorants ont pratiquement autant d’impact que les autres articles du milieu universitaire québécois auxquels ils n’ont pas contribué. Plus spécifiquement, alors que les articles qui comptent au moins un doctorat parmi leurs auteurs obtiennent en moyenne un impact scientifique 26 % supérieur (1,26) à la moyenne mondiale, les autres articles québécois auxquels ils n’ont pas contribués obtiennent un score de 27 % supérieur à la moyenne mondiale.

On observe, tout comme pour la part des articles universitaires québécois, certaines différences entre les disciplines. Les disciplines des sciences naturelles – physique, mathématiques, chimie – où, historiquement, les chercheurs plus jeunes font des contributions plus importantes 7, sont également celles où l’écart positif entre les articles auxquels les doctorants ont contribués et les autres articles universitaires québécois est le plus grand. Étonnamment, on observe une tendance similaire en sciences sociales, malgré le fait que, dans ces disciplines, la « qualité » de la recherche est souvent associée à l’érudition : alors que les articles des doctorants ont un impact supérieur à la moyenne mondiale, les autres articles universitaires québécois ayant un impact inférieur à la moyenne mondiale. À l’opposé, la recherche des doctorants a, en moyenne, moins d’impact que la recherche universitaire québécoise en psychologie, en médecine clinique, en biologie et en sciences de la terre.

Publier, socialiser et « diplômer »

Ces résultats montrent que, dans l’ensemble, les doctorants contribuent à une part non négligeable des activités de recherche des universités québécoises, et que leurs travaux de recherche ont un impact tout aussi élevé que les autres articles universitaires québécois 8. En participant aux tiers des articles universitaires québécois, les doctorants contribuent davantage, en matière de nombres d’articles, que l’ensemble des hôpitaux universitaires de la province pris ensembles, et cinq fois plus que le font les secteurs gouvernementaux et industriels combinés!

Un autre aspect important de la publication d’articles pendant le doctorat est son effet sur la carrière des chercheurs. Nos résultats 9 montrent que, dans tous les domaines, les étudiants qui publient pendant leur doctorat sont plus susceptibles de 1) diplômer et 2) d’être davantage actifs en recherche dans les années suivant leur doctorat. Ces résultats suggèrent que la socialisation à la recherche des doctorants via la publication savante, plus élevée dans les sciences naturelles et médicales (SNM) que dans les sciences sociales et humaines (SSH), a des effets positifs sur leur carrière en recherche.

Cela n’est pas sans implications pour la formation doctorale : les domaines où les étudiants contribuent à davantage d’articles sont, aussi, ceux où les taux de diplomation sont les plus élevés. Par exemple, alors que plus de 50% des doctorants en SNM des cohortes 2000-2002 avaient complété leur programme à la fin de 2007, ce pourcentage était deux fois plus faible en SSH. Bien que nous ne suggérions pas que la formation doctorale en SSH imite celle des SNM – puisque que les deux domaines ont des méthodes et des objets d’études différents et qui, parfois, rendent la collaboration difficile –, il n’en demeure pas moins qu’une meilleure intégration des doctorants dans la dynamique collective de la recherche générerait de meilleurs résultats individuels et collectifs.

Références :


  • Vincent Larivière
    Université de Montréal

    Vincent Larivière est titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les transformations de la communication savante, professeur adjoint à l’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information de l’Université de Montréal, membre régulier du CIRST et directeur scientifique adjoint de l’Observatoire des sciences et des technologies. Ses recherches s’intéressent aux caractéristiques des systèmes de la recherche québécois, canadien et mondial, ainsi qu’à la transformation, dans le monde numérique, des modes de production et de diffusion des connaissances scientifiques et technologiques. Il est titulaire d’un baccalauréat en Science, technologie et société (UQAM), d’une maîtrise en histoire (UQAM) et d’un Ph.D. en sciences de l’information (Université McGill).

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