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" L’attrait principal de la réalité virtuelle en neuropsychologie, c’est de fusionner le meilleur de deux mondes, c’est-à-dire le « réel » des habitudes de vie et la standardisation de la mesure dans un contexte de laboratoire ", Frédéric Banville.

 

 

[Colloque 620 : Innover en santé à l’ère du numérique]

Imaginez une consultation médicale sous forme de « jeu » thérapeutique, dans lequel le patient est complètement immergé. Dans cet environnement virtuel, on lui demande alors d’effectuer des tâches quotidiennes, afin d’identifier des troubles cognitifs ou encore afin de l’aider dans une phase de réadaptation. Rencontre avec le neuropsychologue Frédéric Banville, spécialiste en réalité virtuelle thérapeutique.

Isabelle Neveu : Commençons simplement, comment définissez-vous la neuropsychologie?

Frédéric Banville : Cette science s’intéresse aux relations entre le cerveau et les comportements. Le neuropsychologue cherche donc à identifier les profils comportementaux et cognitifs consécutifs aux lésions cérébrales, acquises ou innées.

Isabelle Neveu : Qu’entendez-vous par déficits cognitifs?

Frédéric Banville : Ce sont des dysfonctionnements liés aux fonctions mentales supérieures. Qu’il soit question de l’attention, de la mémoire ou de l’organisation, par exemple.

L’attention s’illustre par la capacité de « focuser » sur la route quand on conduit, par exemple. La mémoire, pour sa part, est considérée sous toutes ses formes : les souvenirs de ce qu’on a vécu, de qui on est, ou du rendez-vous de l’après-midi. Quant à l’organisation, c’est ce qui nous permet de structurer nos tâches. Quand on cuisine, on bat les œufs avant d’ajouter la farine, et on ne met pas les œufs dans la farine.

Ce sont donc des compétences cognitives qui nous permettent d’être autonome et fonctionnel, de travailler de manière sécuritaire et de socialiser.

«Les déficits cognitifs sont des dysfonctionnements liés aux fonctions mentales supérieures. Qu’il soit question de l’attention, de la mémoire ou de l’organisation, par exemple», précise Frédéric Banville.

Isabelle Neveu : Dans quelles circonstances déterminez-vous une pathologie de ce type chez un patient?

Frédéric Banville : Nos outils sont « calibrés » pour déterminer où se situe un individu à l’intérieur d’un spectre de capacités lorsqu’il est comparée à la population dite normale. Quand une personne se situe dans une zone problématique, le neuropsychologue intervient. Par exemple, lorsqu’une personne n’arrive pas à porter attention aux détails quand elle conduit une automobile, ou lorsqu’un jeune enfant, agité à l’école, développe des troubles d’apprentissages.

Isabelle Neveu : Comment alors la réalité virtuelle peut-elle faciliter une intervention auprès de ces personnes?

Frédéric Banville : L’attrait principal de la réalité virtuelle en neuropsychologie, c’est de fusionner le meilleur de deux mondes, c’est-à-dire le « réel » des habitudes de vie et la standardisation de la mesure dans un contexte de laboratoire. Cette dernière permet d’avoir des outils fidèles et valides. Aussi, il faut noter que la réalisation de tâches dans l’environnement virtuel est plus motivante pour les individus que les tests conventionnels. Ainsi, les enfants, les adultes et même les personnes âgées voient plus d’attrait à utiliser la réalité virtuelle.

Isabelle Neveu : Avez-vous un exemple concret de tests conventionnels?

Frédéric Banville : Si je teste la mémoire d’un individu, je lui répète 15 mots, une fois, deux fois, trois fois… et je lui demande de les retenir. Après la cinquième répétition, il y a une insatisfaction qui peut s’installer chez la personne, parce que la tâche n’est pas stimulante. Avec la réalité virtuelle, cela devient un « jeu sérieux ». On crée un jeu du quotidien, dans lequel on expose la personne à différents problèmes « réels », et on lui demande de les résoudre par elle-même.

Un autre avantage de la réalité virtuelle est qu’elle est sécuritaire. Par exemple, je peux entraîner en toute quiétude une personne partiellement paralysée à traverser une rue, dont le trafic est très intense... sur écran.

Isabelle Neveu : Cette méthode s’avère-t-elle aussi efficace que les approches les plus couramment utilisées?

Frédéric Banville : Tout à fait. J’ai réalisé une revue des écrits à ce sujet et, dans l’ensemble des études l’efficacité a été prouvée, autant au niveau de l’évaluation de certaines fonctions qu’au niveau de la réadaptation. En fait, avec le virtuel, on facilite la généralisation, c’est-à-dire que la personne applique à d’autres situations les acquis faits dans l’environnement virtuel. Et, en pratiquant des activités de la vie de tous les jours, on donne une meilleure chance à la personne de transférer ce qu’elle a appris dans sa réalité.

Isabelle Neveu : Pouvez-vous nous présenter le projet d’environnement virtuel réalisé conjointement entre le Centre et de développement en imagerie numérique (CDRIN) et l’UQAR?

Frédéric Banville : Le VMT (Virtual Multitasking Test) est un environnement virtuel qui prend la forme d’un appartement. Cela nous permet de voir comment la personne réalise un ensemble de tâches dans un milieu « naturel », c’est-à-dire la manière dont elle s’organise et gère les priorités. En ce moment, nous terminons l’étape de développement et de validation. Il s’en suivra une phase de démonstration, afin de montrer la pertinence clinique du VMT. Nous sommes aussi à formaliser une équipe de recherche pour travailler sur cet environnement. Elle sera constituée de chercheurs de l’Université d’Angers, de l’Université de Montréal, de l’UQO, de l’UQTR de l’UQAR et du CDRIN.

 

Isabelle Neveu : Quelles sont les visées à long terme du projet?

Frédéric Banville : Nous désirons que le VMT soit utilisé par les cliniciens afin qu’il puisse faire une différence, par exemple, auprès des accidentés de la route, des individus qui ont subi un AVC (accident vasculaire cérébral) ou des personnes vieillissantes qui se situent à des stades précoces de démence. Même les gens souffrant de troubles psychiatriques, comme la schizophrénie, pourraient être appelés à utiliser le VMT. En effet, il serait possible de les entrainer à affronter leurs hallucinations ou à être fonctionnels au quotidien.

«Même les gens souffrant de schizophrénie, pourraient être appelés à utiliser cet environnement virturel. En effet, il serait possible de les entrainer à affronter leurs hallucinations ou à être fonctionnels au quotidien», souligne le chercheur.

Isabelle Neveu : Les jeunes et les personnes âgées ne doivent pas réagir de la même manière dans cet environnement?

Frédéric Banville : En effet, il existe une différence significative entre les deux groupes. Les plus âgés passent plus de temps dans la phase d’apprentissage, puisque l’environnement technologique leur est moins familier. On remarque que les « jeunes âgés » — ceux âgés de 65 à 70 ans — sont un peu plus à l’aise que les personnes de près de 80 ans, avec qui il devient ardu d’utiliser la réalité virtuelle.

Toutefois, je suis convaincu que les jeunes d’aujourd’hui, qui seront les vieux de demain, n’auront pas cette difficulté reliée à l’utilisation de la technologie. Ce ne sera donc plus la difficulté à utiliser l’environnement virtuel qui ressortira, mais l’effet réel du vieillissement.

Isabelle Neveu : Donc, peut-on en conclure qu’il est pertinent de travailler sur ce type d’outil à l’heure actuelle, puisqu’il pourrait s’avérer très utile aux générations futures?

Frédéric Banville : Oui. Ce sera un outil fort pertinent pour les aider à conserver plus longtemps leurs capacités intellectuelles et leurs fonctions mentales supérieures.


  • Isabelle Neveu
    Présentation de l’auteureIsabelle Neveu est étudiante en journalisme à l’Université du Québec à Montréal. Passionnée par les communications et le métier de journaliste, elle s’implique au sein du Journal des citoyens, un journal communautaire dans la région des Laurentides, depuis qu’elle est âgée de 11 ans. Interpellée par le domaine des sciences, elle se joint à l’équipe de Découvrir le temps du 83e congrès de l’Acfas.

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