Au Québec, le titre d’art-thérapeute n’est toujours pas protégé et reconnu. Cependant, les avancées récentes des neurosciences pourraient radicalement changer la donne.
[Colloque 606 - Art, créativité et mieux-être : avancées et défis de la recherche en thérapies par les arts – 12 et 13 mai]
Ils ont souvent un usage limité de la langue parlée en raison de leur âge, de leur ethnie, de leur diversité culturelle, d’incapacité physique ou mentale (autisme, Alzheimer…), ou lorsqu’ils doivent faire face à des émotions intenses, (abus sexuels, stress post-traumatique, cancer….). Tel est le genre de patients souvent pris en charge par un art-thérapeute.
L’art-thérapie en question
L’art-thérapie consiste à évaluer, aux moyens de différentes formes artistiques (arts visuels, musique, théâtre, etc.), le fonctionnement psychologique, et à effectuer des plans d’intervention et de traitements. L’objectif étant de rétablir la santé mentale mais aussi la créativité.
Cette discipline existe officiellement depuis les années 1930 même si elle n'est pas très répandue en Europe. Dans la majorité des pays anglo-saxons, l’art-thérapie est une profession régulée par l’État. À Montréal, elle a été intégrée et développée par Marie Revai dans les années 1960. Toutefois, au Québec, le titre d’art-thérapeute n’est toujours pas protégé et reconnu.
Cependant, les avancées récentes des neurosciences pourraient radicalement changer la donne. Car la mise en évidence des processus implicite et explicite du cerveau apporte des arguments aux arts-thérapeutes, et notamment à Johanne Hamel, professeure en art-thérapie spécialisée en arts visuels à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, pour expliquer scientifiquement ce qu’ils ont pratiqué intuitivement.
L’implicite et explicite
Les chercheurs ont longtemps divisé le cerveau en deux structures distinctes : les hémisphères gauche et droit. À chacune de ces parties, des tâches spécifiques étaient attribuées : la logique, la parole, l’intellect, l’analytique et l’écriture pour le cerveau gauche. Et pour le droit, l’artistique, le spirituel, l’émotif, l’intuitif et le symbolique.
Aujourd’hui, on conçoit davantage le cerveau en termes de systèmes interconnectés. Dans l’exécution d’une tâche particulière, les deux hémisphères sont sollicités à des degrés divers. Le gauche correspond à un mode dit explicite, auquel on associe le rationnel, le conscient, le verbal. Le mode de l’hémisphère droit est implicite, et se réfère à l’expérientiel, l’inconscient, le non verbal.
En voie de reconnaissance…
Les recherches actuelles en neurosciences démontrent que les souvenirs traumatisants restent bloqués dans les régions inconscientes du cerveau : dans certain cas de trouble dissociatif comme l’état de stress post-traumatique, le verbal ne suffit pas à traiter l’intégralité des symptômes et le recours au mode implicite devient une nécessité.
Selon l’expérience de Johanne Hamel, la stimulation simultanée des aires somatosensorielles et/ou visuelles et des aires motrices, trace un chemin vers les mémoires implicites, c'est-à-dire vers l’inconscient, en le réveillant. Or, les chemins neurologiques empruntés en art-thérapie, lors de la réalisation d’une image, sont les aires visuelles, kinesthésiques et motrices.
De fait, les art-thérapeutes ont un accès privilégié à ce mode : ce qui ne peut-être dit peut être explicité de façon non-verbale au travers du dessin ou de la peinture. Par exemple, une expérience réalisée dans les années 1990 confirme l’hypothèse selon laquelle dessiner les cauchemars ne retraumatise pas le patient, à l'inverse du langage écrit.
Pour les art-thérapeutes, la discipline a reçu des validations scientifiques. En revanche, l’Office des professions du Québec ne reconnaît pas cette pratique comme étant d’ordre psychothérapeutique. Un point sur lequel Johanne Hamel et un Comité de l’Association des art-thérapeutes du Québec se proposent d’entrer en pourparlers avec l’Office des professions du Québec dès que possible.
Source :
- Hamel, J. (2008) Cours de deuxième cycle, L’art comme médecine, Département des sciences du développement humain et social, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue.
- Rébecca Barbier
Journaliste
Rébecca Barbier est journaliste et vulgarisatrice. Elle détient une maîtrise en arts et sciences de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ainsi qu’une maîtrise en métiers du texte et de l’image de l’Université Paris 13 Nord. Ayant fait ses premières armes au sein des services de presse des Éditions Flammarion et du Muséum national d’histoire naturelle de Paris, elle se perfectionne aujourd’hui, au Québec, en effectuant un stage à l’Acfas et continue ainsi d’évoluer dans un milieu qui la passionne : la culture scientifique.
Tanya Graham est étudiante en géographie, au deuxième cycle à l’Université Concordia.
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