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L’ADRIQ n’a l’intention de prêcher ni pour un secteur, ni pour une discipline, ni pour une science pure ou une science appliquée. Nous voulons plutôt penser en termes de système, d’équilibre et d’interactions efficaces. Nous croyons fermement que les sociétés qui trouveront ce juste équilibre entre des réalités qui touchent au court terme et au long terme, au savoir et au savoir-faire, se porteront mieux tant du côté social qu’économique.

La Stratégie québécoise de la recherche et de l’innovation (SQRI) 2010-2013 prenant fin cette année, l’Association pour le développement de la recherche et de l’innovation du Québec (ADRIQ), tout comme l’Acfas, a été mandatée pour conduire une consultation publique auprès des acteurs de la recherche.  Les secteurs consultés par l’ADRIQ sont principalement ceux de la recherche industrielle et de l’innovation, lesquelles sont  souvent reliées à la recherche appliquée.

L’ADRIQ a invité  plus de 60 organismes ciblés à présenter un mémoire sur les thèmes suivants :

  • le rôle de la recherche publique et privée

  • les enjeux et priorités de la nouvelle SQRI

  • le positionnement international

  • le dispositif de liaison, de valorisation et de transfert en matière de recherche et d’innovation québécoises

  • la culture de l’innovation

  • le soutien à l’innovation dans les entreprises

  • les grandes priorités sectorielles

DÉCOUVRIR : L’ADRIQ est actuellement en pleine consultation. Quelles sont les grandes étapes du processus?

Jean-Louis Legault : Présentement, on échange avec les joueurs principaux du milieu et on lit les mémoires déjà soumis, que ceux-ci aient été présentés en réponse à une invitation ou non. Viendra ensuite le temps de la priorisation des enjeux et des recommandations. Pour le moment, on est en mode d'écoute profonde et active.

On demande aux individus et aux groupes consultés d’être structurés dans leur approche. On veut qu’ils nous soumettent leurs propositions prioritaires, et que celles-ci soient justifiées. Plus cette justification sera forte, plus il nous sera facile d'effectuer notre travail de représentation.

Pour le gouvernement, cette stratégie va se traduire en mesures et en budgets, en actions bien concrètes. On pense que c’est là où se situe notre rôle d’influence. Nos recommandations doivent être basées sur la réalité des PME, des grandes entreprises, et aussi des universités, des centres de recherche et des organismes de médiation. Il faut en arriver à des recommandations solides et, surtout, fondées sur des éléments rationnels et non pas émotifs.

On le sait, les fonds pouvant être consentis en recherche et innovation ne sont pas illimités. L’idée première est de ne pas semer les ressources à tout vent. Il faut  rechercher les effets structurants. On essaiera de le faire en tenant compte de tous les secteurs et de toutes les disciplines, et, idéalement, en faisant ressortir les lignes de convergence d'actions qui pourront répondre aux besoins de plusieurs secteurs et disciplines.

DÉCOUVRIR : Vous essayez donc d’avoir une vision globale de l’ensemble du système de recherche et d’innovation?

Jean-Louis Legault : Notre conseil d'administration, il y a deux ans, a fait un bon exercice de réflexion. On a regardé ce que l'ADRIQ avait fait, mais surtout ce que l'ADRIQ devrait faire à l’avenir. On a réalisé que l’Association avait parfois privilégié des secteurs particuliers, mais que dans l’ensemble nous étions surtout des généralistes. Nous avons réaffirmé cette vocation.

Nous sommes une association centrée sur le développement de l’innovation technologique et la recherche en entreprise, et ce, dans une approche transversale, multisectorielle et multidisciplinaire. L’innovation organisationnelle n’est pas exclue de l’équation, mais ce n’est pas ce qui nous caractérise.

Notre nature généraliste, tout comme celle de l’Acfas d’ailleurs, se prête bien à la présente consultation. Nous espérons contribuer à ce que les relations entre le milieu de la recherche et le milieu de l’industrie soient des plus productives.

En fait, l’ADRIQ n’a l’intention de prêcher ni pour un secteur, ni pour une discipline, ni pour une science pure ou une science appliquée. Nous voulons plutôt penser en termes de système, d’équilibre et d’interactions efficaces. Nous croyons fermement que les sociétés qui trouveront ce juste équilibre entre des réalités qui touchent au court terme et au long terme, au savoir et au savoir-faire, se porteront mieux tant du côté social qu’économique.DÉCOUVRIR : Voilà tout un défi...Jean-Louis Legault : Je connais bien cette réalité pour l’avoir vécue. J’ai eu à gérer simultanément des équipes de recherche, d’ingénierie d’application, de production et de vente. Quand on y sentait la complicité, quand on voyait que les joueurs avaient bien intégré qu’ils faisaient partie d’un tout, c'était le bonheur! Un tout où l’on respecte le rôle de chacun. Ceci doit aussi être bien compris par le gestionnaire; on ne motive pas un chercheur de la même façon qu’on encadre un ingénieur d’application, ou un vendeur au cœur de la réalité du marché.

Il est intéressant de reporter cette vision à l’échelle d’une communauté. Les sociétés qui sont fortes ont des réseaux forts, qui se respectent, tout en acceptant que ça tiraille un peu. En effet, celles qui réussissent l’arrimage entre leurs actifs de connaissances et de compétences, d'un côté, et les besoins du marché, de l'autre, seront celles qui auront  les meilleurs retours pour leur société. On parle ici du bien-être de la population, de richesse collective.

Dans un sens large, on peut dire que l’on veut s’assurer d'être non seulement des investisseurs dans le savoir, mais aussi de bons utilisateurs du savoir.

DÉCOUVRIR : Ce lien entre production des connaissances et développement des marchés demande, entre autres, un passage par l’innovation. Quand on note que les présidents-directeurs généraux canadiens placent l’innovation au 7e rang des priorités, alors que leurs homologues à l’échelle mondiale la situent au premier rang, on voit là une bonne piste pour la prochaine SQRI!

Jean-Louis Legault : C’est clair que le Canada, y compris le Québec, maintient un retard sur l’investissement en recherche-innovation. On n’a pas encore goûté à la pleine valeur d’une innovation bien structurée, bien intégrée… Les entreprises bougent un peu avec l’air du temps, appliquant tel ou tel programme à la mode, faisant des essais de courte durée. C’est souvent parce qu’elles n’ont pas nécessairement prévu tout le cycle de l’innovation.

L’un des quatre axes de notre association, l'axe « AGIR », vise justement à travailler à l’amélioration de la capacité de gestion de l’innovation par les PME. Le réseau-conseil en technologie et en innovation (RCTI) est d’ailleurs maintenant intégré à notre équipe, ce qui nous permet d'aller sur le terrain pour agir concrètement en ce sens.

On essaie de donner le goût aux PME québécoises de passer en mode d’innovation planifiée. Les grandes entreprises ont compris ça, elles ne sont plus à convaincre. Les PME sont prises dans le court terme, avec parfois des objectifs de survie pour les prochains six mois. De leur côté, les grandes entreprises ont avantage à gagner de l’agilité, force naturelle des PME.

Michel Langelier : Quand on donne, par exemple, une subvention à une PME, on peut essayer de voir si elle a bien intégré le cycle d’innovation à l’intérieur de sa prise de décision. En faisant cela, tout simplement, on vient de l’aider à mieux innover. Ainsi, peut-être qu’avec le même dollar reçu, les processus seront modifiés tout en participant à l’accélération.

DÉCOUVRIR : Elles ont donc besoin d’aide pour intégrer l’idée même d’innovation.

Jean-Louis Legault : Quand je me suis lancé en affaires en 1983, tu lançais ton entreprise et tu appelais un comptable que tu revoyais à la fin de l’année. Aujourd’hui, dans un contexte mondialisé, avec toutes les réglementations, aucune entreprise ne se risque sans plan d’affaires.

La culture de gestion financière et organisationnelle prend davantage d’essor au sein des PME québécoises. Mais le volet recherche et innovation n’est pas là, ou il est mal intégré, alors que c’est devenu essentiel. C’est une réelle faiblesse.

Michel Langelier : Paradoxalement, la commercialisation est au cœur des préoccupations des gens que l'on consulte. Cela se perçoit très clairement dans ce que nous avons entendu à ce jour.

Les chercheurs tout comme les entrepreneurs sont très intéressés au « comment » on peut accélérer le cycle pour transformer leurs « créations » en produits commercialisables.

Je peux tout de suite vous dire que l’aspect de connexion au marché, même pour les chercheurs, devrait être retenu comme une priorité. On parle parfois de deux mondes, mais là se trouve un grand point de convergence.

Jean-Louis Legault : Il y a aussi le souci de viser plus juste. C’est certain qu’un chercheur se caractérise par un côté créatif très affirmé. Il faut protéger cet espace, respecter le temps propre à cette démarche, mais il faut qu’il y ait une connexion plus rapide vers la commercialisation. Et ce désir de connecter doit venir des deux côtés.

La bonne nouvelle, c'est que l’on sent partout les efforts. Les universités se rapprochent de l’industrie, l’industrie veut vraiment mieux connaitre les capacités et les contraintes des chercheurs. Les médiateurs, tels les organismes de valorisation, multiplient leurs efforts pour construire et maintenir ces ponts. Les deux milieux se sont beaucoup rapprochés, il s’agit maintenant de continuer sur ces avancées et d'améliorer notre efficacité de système.

Michel Langelier : Autre similarité qui semble se dessiner entre les milieux de la recherche et les entreprises : le désir d’attirer les « meilleurs » en provenance d’autres pays. Ces « compétences » externes permettent de consolider les réseaux internationaux qui, encore une fois, aideront à l’accélération de toute la question de la commercialisation. Il sera intéressant à cet effet de voir ce qui ressortira de la consultation réalisée par l’Acfas dans le milieu universitaire, par exemple.

J’ai eu la chance de travailler dans ce milieu sur une stratégie internationale et c’était la même dynamique : comment attirer les meilleurs cerveaux et comment se mettre en réseau. Dans le cadre du processus de consultation, je pense qu’il y a des pistes communes très intéressantes qui vont se dessiner.

 

DÉCOUVRIR : Du côté financement, que voyez-vous émerger?

Michel Langelier : Les gens parlent beaucoup de la difficulté d’accéder à du capital de risque pouvant appuyer cette accélération vers la commercialisation.

Jean-Louis Legault : Il est vrai que le capital de risque québécois est peut-être un peu impatient. Un investissement de nature scientifique est une bête unique. Il faut bien appréhender ce risque particulier, prévoir les étapes critiques et puis foncer. De leur côté, les entreprises doivent donner l’heure juste aux investisseurs, ne rien cacher de leurs craintes et de leurs défis, tout en les considérant et en les traitant comme des partenaires.

Michel Langelier : Il y a un constat général, je pense, c’est qu’on est condamnés à innover. Pour ça, il faut être compétitifs. Pour être compétitifs, il faut accélérer davantage les processus menant à la commercialisation. La vitesse est un avantage compétitif. Pensons à la question de la lourdeur, sur le plan des processus administratifs ou de l’accès à des crédits d’impôt, par exemple. Il faut voir comment on peut alléger le système tout en préservant une excellente reddition de comptes. Il faut aussi voir comment la collaboration avec le milieu universitaire peut être accélérée et s’intégrer au sein de la chaîne de valeurs.

Jean-Louis Legault : On sait que dans tout processus, et ce n’est pas pour mal faire, il y a en général une bonne portion d’inefficacité dans des cycles ou dans des actions concertées. Il faut travailler à réduire cette inefficacité.

Michel Langelier : On n’a pas beaucoup droit à l’erreur face à une compétition devenue réellement globale et féroce. Il faut trouver des façons de se démarquer. Un des mémoires suggère, par exemple, d’intégrer la pensée « design » dans le processus d’innovation : non seulement le produit doit être fonctionnel et technologiquement au point, mais il peut être aussi ergonomique et élégant. On a peut-être là quelque chose d’extrêmement porteur, et qui peut permettre au Québec de se démarquer à l’international, de créer une réelle image de marque.

L’idée d’accélérer les processus d’innovation de manière durable, c'est aussi regarder ce qui coûte peu en termes monétaires tout en se révélant payant en termes d'avantages compétitifs. C’est ça qui fait la force et la qualité d’une stratégie.

Jean-Louis Legault : Les Québécois sont performants pour ce qui concerne une portion du cycle d’innovation  : ils sont inventifs, « patenteux ». Mais sans une considération de mise en marché, ce dynamisme perd beaucoup de sa puissance. Donc, il faut mélanger notre côté ingénieux à une créativité du côté de la mise en marché.

Michel Langelier : Aussi, il faut innover dans le sens du développement durable.  Smart and green, comme disent les anglophones.

DÉCOUVRIR : Quelles sont les dernières étapes avant le dépôt de votre rapport?

Michel Langelier : On a déjà reçu plus de 30 mémoires, d’autres sont à venir. Plusieurs incluent les représentations de plusieurs groupes travaillant dans des secteurs ou disciplines semblables. On aura donc un bon effort de synthèse à faire afin de faire ressortir les gestes structurants. Puis, après cette étape, nous rencontrerons l’Acfas afin de relever les lignes de convergence entre les résultats des deux consultations.

Jean-Louis Legault : Cette stratégie québécoise de recherche et d’innovation, il faut la voir comme un grand plan d’action pour l’ensemble de la société, parce que la recherche et l’innovation jouent un rôle fondamental dans la capacité de cette dernière à réussir dans un monde globalisé.


  • Jean-Louis Legault
    ADRIQ
    Présentation de Jean-Louis Legault et de Michel LangelierJean-Louis LEGAULTRécipiendaire d’un hommage à la Chambre des communes du Canada en 2010, Jean-Louis Legault possède plus de 25 ans d’expérience à titre d’entrepreneur et de gestionnaire. Diplômé en électronique, il a bonifié ses compétences en se dotant d’acquis dans les domaines de la vente, de la gestion et de l’administration professionnelle. Son leadership mobilisateur s’affirme par sa présence dans les domaines de la croissance et du développement économique au Québec. Possédant des aptitudes en médiation et en relations internationales, M. Legault est reconnu pour sa rigueur et sa capacité à anticiper les besoins afin de mettre de l’avant des solutions innovantes. Il s’est vu remettre la médaille de l’Assemblée nationale en 2006 pour son implication bénévole dans la communauté. Motivé par sa passion de contribuer activement à l’enrichissement social et économique du Québec, il accepta en 2010 la direction de l’Association pour le développement de la recherche et de l’innovation du Québec (ADRIQ) à titre de PDG.Michel LANGELIERMichel Langelier est titulaire d’un MBA ainsi que d’une maîtrise en administration des sports de l’Université d’Ottawa. Il compte plus de 25 ans d’expérience comme gestionnaire à des postes de haute direction. Il a organisé plusieurs événements d’envergure internationale et a siégé au sein de nombreux conseils d’administration. M. Langelier a agi comme conseiller senior en accompagnant des dirigeants d’entreprises dans leurs processus de planification stratégique et de développement des affaires. Coach professionnel depuis plus de 30 ans, il a aussi été chargé de cours pour la Faculté des sciences de la santé de l’Université d’Ottawa, en plus d’enseigner la gestion de projet au Centre de perfectionnement des cadres de la Fonction publique. Il est maître-formateur et, à ce titre, a élaboré de nombreux programmes de formation et de mentorat, dont celui destiné aux agents et agentes d’administration de l’Université d’Ottawa. M. Langelier occupe le poste de directeur des opérations à l’ADRIQ depuis avril 2012. Propos recueillis par Johanne Lebel, rédactrice en chef

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