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Myriam Robichaud et Jean-François Saint-Onge, Université Concordia et Université de Montréal
Il y a le vert forêt et le vert urbain. Les deux renvoient au végétal, mais annoncent des teintes bien différentes. Alors que le premier vert dégage pureté et pérennité, le deuxième s’affirme de manière inusitée et évolutive. Défini par le système complexe qu’est la ville, le vert urbain se déploie sous diverses formes selon ses multiples fonctions. Couleur durable, aux vertus régénératrices, il favorise la vie au sein des grands habitats de pierre et de métal.

La ville est sous pression, encore bien loin de l’équilibre socio-environnemental : îlots de chaleur, gestion des eaux défaillante, pollution de l’air et des sols, mal-être physique et « social ». Les problèmes sont multiples, mais une réponse – le verdissement – peut largement contribuer à en résoudre plusieurs.

Des solutions pratiques existent déjà: les toits verts, la phytoremédiation, les réseaux verts et l'agriculture urbaine. Certaines sont scientifiquement mûres, d’autres en cours d’expérimentation mais toutes sont en attente d’une plus grande volonté sociopolitique. 

TOITS VERTS

Les avantages des toits verts sont désormais connus, bien quantifiés et qualifiés : réduction des îlots de chaleur, assainissement de l’air, baisse de la consommation énergétique des bâtiments, isolation acoustique et gestion du ruissellement, pour ne nommer que ceux-là. Selon une étude canadienne, si  6 p. 100 des toitures torontoises étaient chapeautées de vert, la température baisserait de un degré. Au Québec, les recherches et expérimentations menées ces dernières années ont permis de démontrer clairement l’efficacité de cette technologie au sein de notre climat nordique. Comment maintenant faire tomber en sol fertile les recherches cumulées sur les tablettes?

Pratiquer la théorie

Le premier toit vert montréalais installé sur un bâtiment résidentiel existant a été réalisé par le Centre d’écologie urbaine dans le quartier Milton-Parc, à l’été 2005. Ce projet pilote visait à démontrer concrètement la viabilité environnementale, technique et économique d’un tel toit. « La technologie est très bien documentée, le défi consiste à convaincre les décideurs, souligne Owen Rose, architecte accrédité LEED , spécialiste en toiture verte et président du CA du Centre d’écologie urbaine de Montréal. En proposant un projet modèle, nous voulions rendre visible quelque chose qui ne l’était pas. » À la suite, un rapport public intitulé  Projet-pilote de toit vert, décrivant de façon détaillée le procédé d’installation du toit, a permis de valoriser une recherche bien documentée.

Cependant, verdir la flotte résidentielle de Montréal n’est pas réaliste à court terme. Celle-ci étant constituée en majorité de bâtiments à toits plats à ossature de bois, d’importantes rénovations structurales sont nécessaires pour supporter le dispositif.

Les efforts sont concentrés vers les constructions neuves afin que le toit vert devienne la norme dans ce secteur. Les bâtiments publics sont la première cible, puisque l’intégration d’un toit vert aux projets immobiliers d’envergure représente un pourcentage minime des coûts. C’est dans cette perspective que le Centre d’écologie urbaine de Montréal, en collaboration avec le GRIP-UQAM, a lancé son troisième rapport : Toitures végétales. Implantation des toits verts en milieu institutionnel. Le toit vert végétal de l'UQAM sert ici d'étude de cas.

D’après M. Rose, « le public est sensibilisé, mais il faut continuer à batailler, car généralement le toit vert est le premier élément à prendre le bord en cas de dépassement de coûts. Si l’on veut être sérieux, la réglementation doit obliger les constructeurs à inclure dans tout nouveau bâtiment une structure permettant d’accueillir un toit vert. De cette manière, même si le budget ne permet pas le déploiement immédiat du système, la toiture sera équipée pour l’accueillir. » Actuellement, la certification LEED constitue un premier élément tangible qui permet d’encourager ce virage.

 

Des plantes assoiffées

L’organisme Vivre en ville, le regroupement québécois pour le développement urbain, rural et villageois viable, a recueilli des résultats fort encourageants sur le rôle des toits verts dans l’absorption des eaux pluviales. En effet, la toiture expérimentale installée sur le Centre culture et environnement Frédéric Back à Québec a démontré que le substrat végétal aménagé permettait d’absorber annuellement jusqu’à 99 p. 100 des eaux de pluie. 

New York, Chicago et Toronto ont mis en place des subventions et des cadres réglementaires pour les toits verts afin de réduire la pression sur les réseaux de traitement des eaux usées. L’architecte Owen Rose avance que la métropole québécoise aurait tout avantage à suivre ces exemples en dépit des millions investis dans de nouvelles infrastructures de béton pour le recueillement des eaux.

Passer l'hiver

Parallèlement, le Centre d’écologie urbaine de Montréal, en partenariat avec le Conseil national de recherche du Canada (CNRC) et l’École de technologie supérieure (ETS), mène des analyses sur son propre toit. Grâce à un système de captation de températures échelonné sur quatre saisons, l’équipe souhaite traduire les données recueillies dans un langage numérique intégrable aux logiciels de calcul d’efficacité énergétique employés actuellement par les ingénieurs. Ces études permettront de quantifier les économies réalisables et stimuleront le marché des toits verts en attribuant une rentabilité à l’emploi de cette technologie.

  • Problématique : îlôt de chaleur. L’îlot de chaleur est une manifestation climatique strictement urbaine, caractérisée par une augmentation substantielle de la température ambiante et surfacique, de l’ordre de 5 et 10 °C respectivement, par rapport au milieu naturel adjacent. Deux facteurs importants contribuent à sa formation : les activités anthropiques et la nature des surfaces. D’un côté, les circulations motorisées et les activités industrielles : frottement des pneus sur le bitume, émission de gaz, etc. De l’autre, l’asphalte ou le béton absorbent et conservent la chaleur des activités urbaines ou celle d’Hélios. L’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal estime que ces îlots ont provoqué plus de 100 décès en deux jours lors des canicules de 1987, 1994 et 2002. Les changements climatiques amplifieront ce phénomène urbain, qui pourrait faire monter la température de 13 °C d’ici 2050, selon Pierre Gosselin de l’Institut national de santé publique du Québec.
  • Solution : le verdissement urbain. Les végétaux utilisent une grande portion du rayonnement solaire pour effectuer la photosynthèse et réfléchissent le surplus pour éviter une évapotranspiration excessive. En période estivale, un arbre mature puise du sol plus de 450 litres d’eau quotidiennement, pour les rejeter dans l’air sous forme de vapeur d’eau. Cette brumatisation naturelle contribue au rafraîchissement de l’air. À ce taux, un seul arbre produit un effet de refroidissement comparable à cinq climatiseurs fonctionnant 20 heures par jour! Les plantes grimpantes peuvent également diminuer de 50 p. 100 les fluctuations quotidiennes de température des surfaces verticales.

PHYTOREMÉDIATION

On estime qu'au Canada 30 000 sites contaminés sont réhabilitables. À Montréal, on en compte plus de 300. La majorité de ces terrains désaffectés longent les cours d’eau, entraînant une contamination à la fois terrestre et aquatique. Parmi les solutions de régénération, la phytoremédiation est de plus en plus considérée, voire appliquée.

Potentiel et limites

Dans l’univers de la décontamination, la phytoremédiation serait l’approche du dépollueur paresseux, et patient... L’idée est de mettre les plantes au boulot pour extraire ou dégrader les polluants terrestres ou aquatiques, pour redonner à ces sites une vigueur écobiologique. Selon l’urbaniste Gérard Beaudet, professeur à l’Université de Montréal, « la phytoremédiation est moins énergivore que la plupart des procédés physicochimiques, en plus de contribuer directement au grand projet de verdissement urbain : réduction des îlots de chaleur, qualité de l’air, bien-être physique ».

Depuis environ 25 ans, des recherches sont réalisées aux États-Unis, en Grande Bretagne et dans les pays scandinaves. Au Québec, c’est l’Institut de recherche en biologie végétale de l’Université de Montréal qui fait avancer le dossier. Côté sol, on retrouve le chercheur Michel Labrecque et côté eau, Jacques Brisson.

« Je travaille sur la phytorédiation depuis déjà plus de 10 ans, souligne Michel Labrecque, chef de division du développement scientifique et de la recherche au Jardin botanique. Nous sommes les pionniers au Québec et, à vrai dire, encore les seuls. Nos travaux intéressent de plus en plus les entreprises, mais il est très difficile de les amener dans cette voie parce que le rythme lent des plantes les impatiente : il faut de 12 à 15 ans pour nettoyer un site contenant des métaux lourds. C'est peu à l’échelle des institutions publiques, mais pour le privé, cela se rélèle irréalisable si l’objectif est de vendre le terrain après décontamination ».

L’équipe du Pr Labrecque s'intéresse, entre autres, à la décontamination de sols pollués par des composés organiques toxiques comme des résidus pétroliers, des BPC et des HAP. « Dans cette situation, on compte sur les végétaux soit pour dégrader (phytodégradation), soir pout volatiliser (phytovolatilisation) les composés indésirables. L'activité de dégradation se fait généralement dans la rhizosphère, soit la zone où se retrouvent la majorité des racines. Elle s'effectue à la suite de la sécrétion d'exudats racinaires ou de l'activité de micro-organismes présent dans cette couche de sol, ou encore, de l'action combinée de ces deux phénomènes », précise le chercheur.

Quant aux composés inorganiques (métaux, métalloïdes ou radionucléides), parce que non biodégradables, ils sont absorbés par la plante mais y demeurent. Il faut alors éliminer cette biomasse contaminée. Cependant comme le souligne Michel Labrecque, « il n’y a rien de comparable entre nettoyer des tonnes de terre et se débarrasser des plantes qu’on aura réduites en quelques kilos de cendres ».

« Nous en sommes encore au stade du balbutiement quand à l’exploitation du potentiel de la phytoremédiation, poursuit-il, et beaucoup de recherches restent à faire. Les plantes ont des caractéristiques dissemblables; certaines préfèrent le zinc au cuivre, et la plupart ne veulent rien savoir du plomb. Il faut aussi tenir compte des sols : les plantes poussent moins bien dans les sols compacts et mal drainés, qui distinguent souvent les anciens sites industriels. préférant généralement un sol léger à un sol argileux. La collaboration plantes/micro-organimes est aussi à étudier. Une de mes étudiantes examine présentement l’association mychorizienne entre les plantes, en l'occurence des saules et un champignon mycorhysien du genre Glomus ».

Par ailleurs, les chercheurs ont travaillé avec les plantes hyperaccumulatrices, spécialisées pour emmagasiner des quantités de métaux 100 fois élevées que des plantes « normales ». Ils ont, entre autres, expérimenté le traitement d'un site contaminé avec la moutarde indienne (Brassica juncea), reconnue pour ne faire qu'une bouchée du plomb. À l’échelle mondiale, on connait déjà plusieurs centaines de bonnes accumulatrices, chacune ayant son terrain et ses associés préférés. Michel Labrecque aimerait organiser des missions de recherche afin d'identifier des plantes ayant évolué naturellement sur des terrains riches en métaux, comme les sites de serpentines que l'on trouve au MOnt-Albert en Gaspésie.

 

Les marais filtrants

La décontamination par végétaux interposés peut s’appliquer aussi au traitement des eaux usées, par l’aménagement de marais filtrants. Jacques Brisson, professeur au Département de biologie de l’Université de Montréal et à l’IRBV, soutient que ces marais sont très efficaces sous notre climat. À Montréal, un premier système, intégré au site de la Biosphère, fait l'objet d'un suivi scientifique depuis son ouverture en 1995. Le projet pilote est une réussite. L’épuration des matières organiques et des composés azotés est adéquate, et le système requiert très peu d’entretien. De plus, cette technologie est moins coûteuse que les procédés mécanisés conventionnels et présente une longévité accrue.

De plus en plus répandus aux États-Unis, les marais filtrants tardent à se multiplier au Québec. Cela s’explique, entre autres, par une législation conservatrice : l’infiltration autonome des eaux usées domestiques est interdite par réglementation de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), en dépit de l’efficacité prouvée du système.

L’architecte Owen Rose signale que ces dispositifs écologiques s’inscrivent dans une démarche paysagère durable alliant l’utile à l’esthétique; leur intégration au site permet de créer un paysage inusité, en relation directe avec le bâtiment et ses occupants. Il faut circuler autour de la Biosphère pour s’en convaincre : difficile d’imaginer que l’on se trouve dans une zone d’épuration!  « La Ville aurait aussi un intérêt économique à permettre l’intégration de marais filtrants aux nouveaux projets publics, puisque cela allégerait les pressions exercées sur ses réseaux », poursuit l’architecte.

  • Problématique : pollution de l'air. À l'hiver 2008, la métropole a connu 48 jours de smog. L’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal estime qu’en 2002, sur l’île, 1540 décès prématurés ont été causés par une exposition aux contaminants atmosphériques. Pollution des sols aussi : plus de deux siècles d’activités industrielles et commerciales intenses ont contaminé de nombreux terrains urbanisés.
  • Solution : planter des arbres. De manière naturelle, en étant là tout simplement, ou réquisitionnés pour agir comme usines dépolluantes, les végétaux viennent une fois de plus à la rescousse. Ils captent les principales particules et poussières qui contribuent à la contamination atmosphérique et à la formation de smog. Les résultats sont éloquents : une rue bordée d’arbres affiche une concentration de particules en suspension par litre d’air jusqu’à quatre fois inférieure à une autre dépourvue de ces grandes plantes ligneuses. Les végétaux représentent aussi d’importants puits de carbone, avec une biomasse constituée à 20 p. 100 de cet élément. Ils le séquestrent, grâce au mécanisme de photosynthèse. En plus d’absorber le carbone, celle-ci permet le rejet de quantités importantes d’oxygène dans l’atmosphère. Selon une étude torontoise, un arbre mature pourrait fournir la ration quotidienne en oxygène pour quatre personnes.

RÉSEAUX VERTS

À l’image d’une grande toile déployée sur la ville, le concept de réseau vert consiste à aménager des circuits végétaux pour faciliter les circulations piétonne, cycliste ou animale. On refait des liens pour calquer la dynamique des écosystèmes naturels. Au Québec, les urbanistes s’intéressent depuis une trentaine d’années à cette forme de restructuration du territoire.

Échelle territoriale

Autoroutes, voies ferrées, corridors industriels désaffectés et rives sont les premiers espaces, parce que continus, qu’on doit se réapproprier, commente Gérard Beaudet. Le réaménagement des berges du canal Lachine à Montréal, la renaturalisation des rives de la rivière Saint-Charles à Québec et le projet Cité des rivières de Sherbrooke illustrent cette approche. Avec peu de moyens, ces longues « bandes » deviennent des parcs linéaires et permettent l’interconnexion avec des espaces verts dispersés.

L’aménagement écologique des abords autoroutiers présente également des potentialités économiques et visuelles. Michel Labrecque de l’IRBV étudie l’efficacité du mur coupe-son en saule. Même en hiver, la masse de terre et de branches en dormance conserve une capacité antibruit supérieure à celle des murs en béton traditionnels. Ces écrans végétaux offrent aussi un corridor de circulation pour la faune.

Échelle urbaine

Depuis 1992, SOVERDI, la Société de verdissement du Montréal métropolitain, appuie plusieurs projets, dont le verdissement de ruelles et la création « d’îlots de fraîcheur » qui permettent de tracer peu à peu cette trame végétale. Puisque les terrains résidentiels accueillent près de 50  p. 100 de la végétation urbaine, l’engagement citoyen est essentiel. « Sensibilisés, les citoyens s’engagent assez aisément dans le  verdissement de leur quartier », soutient Pierre Bélec, membre administrateur de la Société. Par une approche multidisciplinaire et une collaboration avec les organismes en place et les arrondissements, SOVERDI fournit le soutien technique et la formation nécessaires à la mise en place de projets, lesquels ont engendré jusqu’ici la plantation de plus d’un million et demi d’arbres et arbustes divers.

 

Échelle humaine

La reconnaissance des qualités esthétiques et fonctionnelles du monde végétal, qu’elle soit planifiée ou spontanée, est essentielle à la constitution d’un tel réseau. Ingénieur horticole et enseignant à l'École nationale supérieure du paysage de Paris, Gilles Clément milite pour la protection des sites naturels affranchis et repense l’esthétisme de la flore urbaine. Il est l’auteur du concept de « tiers-paysage », défini comme « la somme des espaces où l’homme abandonne l’évolution du paysage à la seule nature ». Le paysage qu’il défend concerne « les délaissés urbains ou ruraux, les espaces de transition, les bords de route, rives, talus de voies ferrées, etc. ». Ce jardinier influent soutient que tout type d’espace vert doit être valorisé et respecté. Dans cette lignée, les « prairies fleuries », qui sont en réalité des pelouses non tondues, sont de plus en plus présentes au sein du maillage urbain européen. Ici l’être humain ne domine plus la nature, mais constitue l’un de ses éléments.

  • Problématique : La ville imperméable. En moyenne, près de 80 p. 100 des surfaces urbaines refusent d’absorber l’eau de pluie qui ruisselle et converge inutilement vers les réseaux d’aqueduc tout en cumulant au passage une multitude de polluants : particules, huiles, graisses, métaux lourds, pesticides, plastiques et détritus divers. La gestion de ces eaux est onéreuse et écologiquement désastreuse. Le coût du traitement des eaux usées se chiffre pour la métropole québécoise à 475 000 $ quotidiennement, mais il  peut grimper à 1 425 000 $ lors de précipitations abondantes à cause de l’arrivée massive d’eau de ruissellement non absorbée. De plus, au centre de la ville de Montréal, l’eau pluviale étant mélangée aux eaux sanitaires non traitées, le tout prend le chemin du fleuve quand il y a débordement. Ces épisodes de « surverse » entraînent des modifications subites des milieux aquatiques et provoquent un enrichissement en substance nutritive, suivi de formation d’algues bleues et de contamination bactérienne. Selon le Centre d’écologie urbaine de Montréal, il y aurait eu plus de 80 « surverses » en 2002.
  • Solution : le verdissement pour réduire le ruissellement. D’une part, les parties aériennes des arbres interceptent une quantité importante des eaux de pluie et allègent la charge d’eau s’accumulant au sol. D'autre part, les racines améliorent le degré d’absorption du sol. Enfin, partout où la surface est perméable, donc végétale, les plantes s’empressent de boire autant d’eau… que les égouts n’auront pas! Un toit vert, par exemple, absorbe jusqu’à 90 p. 100 de l’eau qu’il reçoit.

AGRICULTURE URBAINE

S’il est clair que le verdissement urbain présente de multiples avantages  environnementaux et économiques, il devient, quand il prend la forme de l’agriculture urbaine, une activité de socialisation tout en contribuant à la qualité esthétique du paysage.

Paysage comestible

En raison de la définition diamétralement opposée de ses deux parties, la notion d’agriculture urbaine semble tenir du paradoxe. C’est à renverser cette vision que Vikram Bhatt s’attaque. Son but : légitimer cette pratique. Selon ce professeur de l’École d’architecture de l’Université McGill, il est d’abord important de reconnaître que les plantes destinées à l’alimentation ont des qualités esthétiques indéniables. C’est d’ailleurs dans cette perspective que s’inscrit le projet Paysage comestible, qu’il mène depuis quelques années. Son groupe de recherche propose un nouveau rapport avec les plantes : une relation fondée sur les impacts visuels, sociaux et physiques associés à la production de nourriture en milieu urbain.

Les réflexions de Gérard Beaudet rejoignent cette vision. Selon lui, on doit accepter que l’agriculture soit un vecteur de requalification des paysages métropolitains en alliant fonction productive et dimension paysagère. SOVERDI, par exemple, participe activement au développement des paysages mangeables. Par l’entremise des projets Des fruits à portée de mains et Îlots de fraîcheur Milton/Parc et St-Stanislas, l’organisme a mis en terre plus 270 arbres et arbustes fruitiers.

Produire localement

L’urbaniste Gérard Beaudet propose de valoriser les grands espaces agricoles déstructurés du territoire métropolitain, situés dans l’est de Montréal, en les transformant en petites unités de production végétales ou animales. De multiples agriculteurs urbains pourraient, par exemple, cultiver des fruits et des légumes marginaux, ou encore élever de petits animaux. Ces espaces demeureraient ouverts au public à travers une offre d’activités éducatives ou récréatives. Bref, une approche multisectorielle basée sur une imbrication de fonctions socioéconomiques compatibles. À titre d’exemple, il suggérait de joindre à la vocation récréotouristique du parc national d’Oka, l’exploitation économique des vergers. Ceux-ci sont malheureusement peu à peu transformés en zone de développement résidentiel.

Pas de potager sans jardinier

Derrière chaque potager se cache la constance d’un jardinier. Pour Ismaël Hautecœur, architecte paysagiste et philosophe au sein d’Alternatives, une organisation non gouvernementale de solidarité et de développement international, le rapport qu’entretiennent les humains entre eux par végétaux interposés est un aspect fondamental de l’agriculture urbaine.

Alternatives soutient des projets de verdissement pris en charge par les citoyens et propose un jardinage accessible à tous. L’équipe a développé,  entre autres, un bac hydroponique facilement appropriable et reproductible, qu’il caractérise avec humour d’idiot proof. Cette technique hors sol procure une grande autonomie aux plantes grâce à un apport constant en eau et oxygène. Mobile et adaptable, aucun environnement urbain ne peut lui échapper, sols contaminés ou bétonnés compris. Alternatives dit concevoir des « agents multiplicateurs » et non des produits à mettre en marché.

L’un des laboratoires à ciel ouvert d’Ismaël Hautecœur et de ses collaborateurs se trouve sur le campus de l’Université McGill, devant la bibliothèque Macdonald-Stewart. Ce « potager-vitrine » permet aux citadins – souvent très mal informés au sujet de l’agriculture, note l’architecte-paysagiste – de se faire les dents. Le fruit de leur travail permet d’approvisionner les cuisines de Santropol Roulant, une popote intergénérationnelle qui livre des repas aux personnes âgées ou en perte d’autonomie. L’agriculture urbaine comme productrice de racines sociocommunautaires...

 

Notes :

  • Les 4 illustrations sont de Jean-François Saint-Onge.

  • Myriam Robichaud et Jean-François Saint-Onge
    Université Concordia et Université de Montréal

    Myriam Robichaud, génie du bâtiment et architecture
    Jean-François Saint-Onge, architecture

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