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Marie-Christine Bouillon, Stagiaire en journalisme scientifique
Qu’est-ce qui fait rire les Québécois? Pourquoi l’humour absurde est si populaire? Le clown a-t-il sa place en milieu hospitalier et auprès des personnes en fin de vie? Voilà autant de questions auxquelles le colloque L’humour, reflet de la société, organisé par l’Observatoire de l’humour (OH), a tenté de répondre.

10 mai 2012, 80e Congrès de l'Acfas – « L’humour dit quelque chose du monde dans lequel on vit », a affirmé d’entrée de jeu Stéphane Bureau, invité à livrer un discours pour lancer la journée. Il a expliqué que cette pratique était essentielle à la vie en société et qu’elle existait depuis bien longtemps.

Le fou du roi de l’époque médiévale devait faire rire à l’aide de satires inspirées du quotidien. Aujourd’hui, les hôtes des talk-shows américains de fin de soirée ont un peu la même tâche parce que « ce qui fait rire à 11 h le soir, c’est le nerf de la guerre », a relevé celui qui a été correspondant pour La Presse et TVA à Washington.

L’humour permet de dire « haut et fort ce que tout le monde pense tout bas », a renchéri Robert Aird, diplômé en Histoire à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et professeur de l’Histoire du comique à l’École Nationale de l’humour. Au fil du temps, l’humour québécois a laissé une trace, une couleur. Une des raisons de la création de l’OH est de mieux « comprendre la place de l’humour dans la société », a-t-il expliqué. Les quatre fonctions principales de l’organisme sont l’archivage de données (spectacles, monologues, textes, etc.), la recherche de ce qui se fait et s’est fait dans le passé, la diffusion des résultats de cette recherche ainsi que l’organisation de cette diffusion.

Popularité de l’humour absurde

Dans les archives de l’OH se trouve l’histoire d’un étrange duo qui a fait son apparition sur la scène québécoise au début des années 2000. Vêtus de brun de la barbe aux chaussettes, les Denis Drolet racontent des histoires sans queue ni tête. Ils se sont fait connaître grâce à leur première chanson, Fantastique, qui tournait alors sur toutes les radios et dans laquelle on pouvait entendre des phrases comme « Y'a des feux d'artifice, ça sent le dentifrice » ou « On peut masser la rue avec des cigares aux choux ». Pour eux, le succès est au rendez-vous, surtout auprès des adolescents et des jeunes adultes.

Simon Papineau a tenté d’expliquer le phénomène dans sa maîtrise Le sens de l’humour absurde. Selon lui, au Québec, « l’humour absurde fait contrepoids à l’engagement politique ». Ainsi, dans la décennie 80, l’humour politique était très populaire puisque la question référendaire était sur toutes les lèvres. Puis, plus le temps passait et moins les gens en parlaient. Résultat : l’humour absurde est venu combler le vide.

Si aujourd’hui, les Chick’nSwell, Bruno Blanchet et autre Jean-Thomas Jobin, sont aussi populaires auprès de la jeune génération, c’est parce que « pour nous, tout est possible, on a beaucoup de liberté, ce n’est pas comme nos grands-parents. Mon hypothèse c’est que la mort devient, pour nous, tellement absurde que le vide devient l’explication de sens, avance Simon Papineau. Le punch devient l’absence de punch. »

« L’humour rose »

Un autre type d’humour s’est approprié les scènes des bars et des salles de spectacles dans les dernières décennies au Québec : l’humour féminin. Pourtant, on ne parle que très peu de ces femmes qui osent s’aventurer en territoire « masculin ». C’est pourquoi Lucie Joubert et Catherine Skidds de l’Université d’Ottawa ont décidé de créer un site Internet qui serait un portail dédié aux humoristes féminines. La CLEF (Comment L’Esprit vient aux Femmes), actuellement en construction, répertoriera le travail de ces femmes, que ce soit des spectacles ou des écrits, et proposera des réflexions sur cette pratique par le biais d’un blogue.

Lucie Joubert a raconté que la place des femmes en humour est récente. En effet, au 18e siècle, une femme ne devait pas rire en public « puisque sa bouche s’ouvrait et le rire devenait quelque chose d’érotique ». C’est dans l’hilarité qu’elle a conclu sa présentation en disant : « Alors je vous annonce, mesdames, que lorsque nous rions, nous sommes cochonnes… ce qui veut dire que Catherine et moi, nous travaillons à un site porno. »

Le clown, « miroir déformant »

Comme pour venir appuyer les dires de Mmes Joubert et Skidds, ce sont trois femmes qui sont venues discuter du travail des clowns en milieu hospitalier. Delphine Cezard, Marine Duffau et Florence Vinit portent toutes le nez rouge depuis longtemps, en plus de faire des recherches universitaires sur le sujet.

Dans les mains d’un clown, « une télécommande devient un téléphone et la fenêtre d’une chambre d’hôpital, une porte de sécheuse », a expliqué Marine Duffau. En utilisant l’humour, « le clown change la perception de l’ordinaire » et donne un éclairage nouveau sur le quotidien.

La présence de l’Auguste dans les hôpitaux n’est pas toujours bienvenue. « C’est un constant combat pour prouver leur utilité que livrent les artistes aux professionnels de la santé, a confié Delphine Cezard. Pourtant, ils permettent un recul sur la situation de souffrance », ce qui peut être très libérateur pour les enfants malades.

Et lorsque cette souffrance n’a pour seule issue que la mort, le clown peut aussi accorder un certain répit à l’enfant comme à ses proches. Florence Vinit, cofondatrice de l’organisme Dr Clown relève qu’il est relativement nouveau que les clowns aient accès aux chambres de soins palliatifs et de fin de vie.

D’une certaine façon, l’humour au seuil de la mort arrête le temps. « L’ici et maintenant l’emporte sur tout le reste parce que le clown est dans le présent. L’avenir est totalement absent, donc on évite de penser à la mort. »


  • Marie-Christine Bouillon
    Stagiaire en journalisme scientifique

    Issue du domaine culturel, le journalisme est pour Marie-Christine Bouillon une deuxième carrière. En 2007, elle termine un baccalauréat multidisciplinaire en théâtre, création littéraire, cinéma et musique, à l’Université Laval. Après quelques années à cumuler les contrats d’animatrice, de gestionnaire d’événements et de comédienne, elle décide de retourner aux études. Dès le premier trimestre, elle est séduite par le métier de journaliste. Bien qu’au départ elle envisageait couvrir les arts et spectacles, elle s’est aperçue que ce métier avait beaucoup plus à offrir, trouvant dans cette profession une utilité à sa soif de savoir. C’est donc avec grand plaisir qu’elle se me joint à l’Équipe Relève média pour ce 80e Congrès de l’Acfas.

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