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Sandrine Bourque, Stagiaire en journalisme scientifique
Le 20 septembre 2011, l'Enquête québécoise sur des conditions de travail, d'emploi et de santé et de sécurité du travail a suscité une vive réaction du milieu patronal, dont les représentants ont rejeté les conclusions, les qualifiant de biaisées. Récit d’une controverse qui cache de grands enjeux.

9 mai 2012, 80e Congrès de l'Acfas  Président du comité organisateur de l’EQCOTESST et spécialiste en santé du travail, Michel Vézina participait à un symposium sur l’imposant rapport. Une occasion de présenter l’approche, la méthodologie et les observations de cette étude complexe qui a été victime d’une mauvaise presse dès sa sortie publique.

L’objectif de l’enquête allait bien au-delà du traditionnel bilan factuel : « Il était avant tout question de mesurer les liens entre les conditions de travail et d’emploi, d’une part, et la santé et la sécurité au travail (SST), d’autre part, afin d’identifier les mécanismes de prévention qui doivent être mis de l’avant par le gouvernement », explique Michel Vézina.

Une triple analyse des conditions de travail

Les auteurs du rapport ont orienté leurs recherches autour de trois points centraux : la santé psychologique des travailleurs, les accidents de travail et les troubles musculo-squelettiques (TMS); la pathologie qui fait particulièrement « objet » d’indemnités à la CSST.

La dimension psychologique du travail, pour sa part, touche autant à la conciliation entre travail et vie personnelle qu’au harcèlement psychologique et aux lésions psychiques, des réalités difficiles à quantifier en raison de leur nature perceptive.

Des conclusions éclairantes

Premier rapport à fournir des données aussi complètes sur les conditions de travail au Québec, l’EQCOTESST a permis d’identifier et de quantifier d’importants problèmes auxquels sont confrontés les travailleurs et travailleuses. L’étude révèle notamment que les conditions de travail sont plus précaires chez les travailleurs de 15 à 24 ans; ces salariés ont, entre autres, un faible niveau de scolarité et un revenu d’emploi inférieur à 20 000 $ par année. De plus, près du tiers des travailleurs, soit près de 1,3 million de personnes, vivraient une forme d’insécurité reliée à leur emploi ou leur milieu de travail.

Enfin, les conclusions de la recherche révèlent que les hommes sont plus souvent exposés à des accidents physiques avec arrêt de travail, tandis que les femmes, elles, sont plus susceptibles d’être victimes de malaises d‘ordre psychosocial – détresse psychologique, surcharge de travail, faible soutien social et lésions psychiques résultant d’un harcèlement psychologique ou sexuel, par exemple. Ces données permettront de mieux cibler la prévention des maladies professionnelles.

Dénigrement instantané

Dans un communiqué de presse diffusé au lendemain de la publication du rapport, le Conseil du patronat du Québec reprochait à l’étude de comporter « des lacunes suffisamment importantes pour semer un doute quant à la fiabilité scientifique de l'ensemble du document. » Pourtant, dans le même communiqué, le Conseil du patronat avouait que « la méthodologie employée pour réaliser le sondage à la base de l'EQCOTESST semble avoir été appliquée rigoureusement et paraît correspondre aux normes et aux standards de ce type d'enquête. » Comment expliquer alors cette réaction hostile aux conclusions de la recherche?

« L’intention des représentants patronaux était politique : ils ne cherchaient qu’à attaquer la crédibilité de nos travaux », résume Michel Vézina. « D’une part, ça les inquiétait d’un point de vue économique – les conclusions soulevées par le rapport auraient nécessité un certain investissement en prévention et une réorganisation du travail au sein des entreprises. D’autre part, l’idée de répéter l’exercice tous les cinq ans – la loi de la SST exige la tenue d’un état des faits sur la santé des travailleurs à cette fréquence – ne les enthousiasmait sans doute pas ».

Les organisations patronales ont également reproché aux chercheurs de n’avoir interrogé que des travailleurs, ce que Michel Vézina qualifie d’absurde : « Nous avons reçu une commande du ministère du Travail, celle de faire un rapport à partir du point de vue des salariés. Nous avons donc orienté l’enquête selon les directives que l’on nous avait données. Ça n’est pas de la mauvaise foi de notre part ».

Commandée par le ministère du Travail du Québec, l’enquête visait à questionner la façon dont le travail est organisé dans les différents secteurs, en plus de dresser un portrait de l’évolution de la qualité des emplois à l’échelle de la province. Le rapport, qui compte près de 1000 pages, est le fruit d’une coopération échelonnée de 2007 à 2010 entre une dizaine d'auteurs et de nombreux collaborateurs provenant d’universités et d’organismes gouvernementaux. 


  • Sandrine Bourque
    Stagiaire en journalisme scientifique

    Étudiante en communication, politique et société à l’UQAM, Sandrine Bourque a signé plusieurs articles dans des journaux étudiants au cours de ses études au Cégep du Vieux-Montréal. Elle a fait ses premiers pas dans le milieu du journalisme à Radio Centre-Ville, la radio multilingue de Montréal, où elle a animé durant l’été 2010 un magazine d’actualité hebdomadaire, Planète Montréal.

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