Le prix ACFAS Michel-Jurdant ex aequo 2017, qui récompense un ou une scientifique s’étant particulièrement démarqué-e en sciences environnementales, est remis à Marc Amyot, professeur titulaire au Département de sciences biologiques à l’Université de Montréal.
Entrevue vidéo avec le lauréat au 73e Gala de l'ACFAS.
L’environnement est en pleine mutation. Aux changements climatiques s’ajoutent l’industrialisation des territoires nordiques, peu accessibles jusqu’à tout récemment. Ainsi, les métaux issus des activités minières nordiques, ou provenant de la combustion du charbon en Asie, se retrouvent de plus en plus dans le Grand Nord, et se glissent dans les écosystèmes fragilisés, avec des conséquences encore peu connues. C’est dans ces enjeux pressants, et ce à l’échelle mondiale, que s’inscrivent les travaux du lauréat. Et pour y répondre, il soutient qu’il faut « sortir du laboratoire » et adopter une vision holistique et interdisciplinaire, qui requiert un travail collaboratif, avec les étudiants comme les collaborateurs. Ses approches sont issues tant de la géochimie, de la santé publique que de l'écologie, et il les applique à l’échelle des éprouvettes comme à celle de l'écosystème entier.
Lors de son doctorat à l’Université d’York il y a 25 ans, Marc Amyot amorce ses recherches par l’étude de la photoréduction (réduction par la lumière) du mercure en milieu aquatique, une étape clé du cycle de ce polluant qui permet de comprendre son mouvement entre l’atmosphère et l’eau. Cet effet de la lumière sur différentes formes de mercure est alors bien sous-estimé, et il travaille plusieurs années à en établir l’importance autant dans nos lacs, dans les zones côtières océaniques, dans les écosystèmes de l’Extrême Arctique que dans la neige. Le fruit des travaux de son équipe aide alors à mieux prévoir le cycle du mercure à différentes échelles spatiales. Au niveau nordique, son équipe tente de comprendre comment la fonte du pergélisol augmentera la mobilité du mercure. Il a d’ailleurs récemment établi que la multitude de petits étangs créés par cette fonte forment souvent de petits réacteurs microbiologiques qui transforment le mercure en sa forme la plus neurotoxique. En partenariat avec de grandes équipes, il participe à de vastes expériences à l’échelle d’écosystèmes manipulés qui permettent d’établir l’effet d’une baisse des émissions humaines de mercure sur la santé de nos lacs.
Ses recherches le mènent jusque dans nos assiettes, alors qu’il utilise des approches de digestion humaine simulée afin de comprendre comment l’on peut diminuer notre exposition aux contaminants contenus dans nos poissons, en modifiant la façon de les préparer. Son équipe montre ainsi que la cuisson de la nourriture et la co-ingestion d’aliments riches en phytoéléments diminuent de façon notable la bioaccessibilité du mercure. Dans ce contexte, le chercheur envisage l’adaptation éventuelle, après validation in vivo, des guides gouvernementaux afin de permettre aux citoyens de tirer tous les avantages nutritionnels de l’inclusion de poissons dans leur diète. Aussi, ses travaux visent à mieux comprendre comment le microbiome gastro-intestinal des Inuits et des Caucasiens peut affecter l’exposition aux métaux, en partenariat avec ses collègues génomistes.
Si le mercure est le « fil conducteur » de sa carrière, ses intérêts de recherche ne s’y limitent pas. Ainsi, il s’est donné comme mission de comprendre comment les éléments de terres rares circulent dans les réseaux alimentaires, à l’aube de la mise en exploitation de plusieurs mines. Ces métaux sont très en demande dans les domaines des nouvelles technologies, de l’électrification des transports et de la génération d’électricité éolienne, et leur destin environnemental est trop peu connu. Son équipe et lui travaillent également à trouver des solutions à la contamination de l’environnement, en développant des approches novatrices et écologiques en remédiation de sols contaminés en milieu nordique.
Fortement investi dans le transfert de connaissances, le lauréat jouit d’une reconnaissance internationale. Depuis 1998, il participe à METAALICUS, un projet multinational de dépollution des milieux impactés par l’activité humaine. Il est aussi cofondateur du réseau international sur la qualité de l’eau G3-H20 avec des chercheurs suisses et belges. Le lauréat s’est également investi à titre de directeur thématique dans le réseau COMERN (Collaborative Mercury Research Network), un des premiers réseaux stratégiques subventionnés pas le CRSNG. Actuellement, il dirige le réseau CRSNG FONCER Mine de Savoir, qui vise la formation d’étudiants de tous les cycles dans le domaine du développement durable dans l’industrie minière. Depuis 2015 il est titulaire de la Chaire de recherche du Canada (niveau 1) en écotoxicologie et changements mondiaux.
À l’Université de Montréal, il a travaillé à la création d’un baccalauréat en microbiologie conjoint de la Faculté des arts et des sciences et de la Faculté de médecine, favorisant l’émergence d’un axe en microbiologie environnementale, un domaine d’avenir incontournable en sciences de l’environnement. Dans la même veine, il s’est investi dans la mise sur pied du premier diplôme de cycles supérieurs en environnement et développement durable de l’université, et a été l’un des directeurs de ce programme. Son dévouement dans son travail d’administrateur universitaire lui a d’ailleurs valu le Prix Inspiration du Recteur de l’Université de Montréal en 2015.