Pierrette Gaudreau
Le prix Acfas Adrien-Pouliot 2016, pour la coopération scientifique avec la France, est remis à Pierrette Gaudreau, professeure titulaire au Département de médecine de l’Université de Montréal.
C’est un fait, notre espérance de vie s’allonge de plus en plus. L’Organisation mondiale de la santé estime qu’en 2050, les personnes âgées de 60 ans et plus constitueront 22 % de la population globale, contre 12 % en 2015. Ce chiffre est autant un signe de progrès qu’un défi : nous vivrons plus vieux, mais vivrons-nous bien? La lauréate, spécialiste des mécanismes du vieillissement et de la longévité, a choisi de consacrer sa vie à l’étude de cette question. Et parce qu’on ne peut s’attaquer seule à un tel dossier, elle a su établir, depuis plusieurs décennies, des initiatives remarquables favorisant l’amplification du réseau scientifique France-Québec dans son domaine, tant en recherche qu’en formation. Elle a ainsi permis l’instauration de partenariats mobilisateurs et durables couvrant de multiples dimensions de la biologie propre à l’hiver de la vie humaine.
Au carrefour des neurosciences et de la cognition, de l’endocrinologie et de la nutrition, les travaux de Pierrette Gaudreau visent à élucider les mécanismes centraux et périphériques, moléculaires et cellulaires, contribuant au vieillissement en bonne santé. En complément, elle s’intéresse à l’identification de biomarqueurs prédictifs de cet état. Avec tous ces travaux, elle s’est taillé une solide réputation dans le domaine de la neuroendocrinologie et de la neurobiologie du vieillissement, en particulier pour ses travaux sur le récepteur du facteur de libération de l’hormone de croissance (GHRH).
L’originalité de sa recherche réside, d’une part, dans l’étude de modèles animaux de vieillissement réussi (bonne santé générale à un âge avancé) ou non réussi (apparition de dysfonctions métaboliques et cognitives ou de tumeurs). D’autre part, sont aussi reconnus comme innovants ses travaux avec des groupes de personnes âgées quant à leur santé neuroendocrinienne, métabolique et cognitive, et portant principalement sur l’impact de la nutrition en tant que déterminant d’un vieillissement réussi.
C’est à partir de 1993 qu’elle établit sa première collaboration franco-québécoise de longue durée. Le partenariat avec le professeur Gérard Morel de l’Institut Pasteur et de l’Université Claude-Bernard de Lyon s’est déployé sur près de deux décennies. La localisation structurale et ultrastructurale du récepteur du GHRH fut au cœur de cet échange. En 1999, elle noue un deuxième partenariat, crucial pour le développement de la recherche en biologie du vieillissement en France et au Québec, avec la professeure Josette Alliot de l’Université Blaise-Pascal à Clermont-Ferrand. Il a engendré l’importation à Montréal de quatre couples de rats de souche LOU (une souche reconnue pour résister aux facteurs causant l’obésité), alors que la colonie était amenée à disparaître après le départ en retraite de la chercheuse française. Cette initiative de Pierrette Gaudreau a permis la poursuite de multiples projets pluridisciplinaires. Elle continue, aujourd’hui encore, à favoriser des projets pérennes entre chercheurs québécois et français.
L’échange établi depuis dix ans avec l’équipe d’Emmanuel Moyse du Laboratoire de physiologie neurovégétative de l’Université Aix-Marseille-3, maintenant à l’Université de Tours, représente quant à lui un exemple de vision structurante de la recherche France-Québec, dont l’impact va bien au-delà des attentes d’une collaboration inter-équipe.
Depuis 2010, Pierrette Gaudreau dirige le Réseau québécois de recherche sur le vieillissement (RQRV), qui compte aujourd’hui quelque 450 membres et dont les études (notamment l’étude NuAge) menées en conjonction avec des équipes françaises ont eu des répercussions internationales. Les collaborations se sont enrichies des échanges avec l’équipe de la docteure Pascale Barberger-Gateau du Centre de Recherche INSERM U897, Université Victor Ségalen, Bordeaux, ou plus récemment avec l’équipe des docteures Blandine Conte et Estelle Pujos-Guillot de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) et de l’Université d’Auvergne, à Clermont-Ferrand.
Depuis 2015, Pierrette Gaudreau collabore avec le professeur Dominique Gauguier du Centre de Recherche des Cordeliers, INSERM et Université Pierre et Marie Curie – Université Paris Descartes. Le but : identifier les marqueurs génomiques responsables de la longévité en bonne santé des rats LOU, en lien avec la cognition et les dysfonctions métaboliques (obésité/diabète de type 2).
Enfin, depuis 2015, une collaboration avec le professeur Étienne Hirsch, directeur de l’Institut thématique multi-organismes neurosciences, sciences cognitives, neurologie et psychiatrie (Paris), est en développement dans le domaine des maladies neurodégénératives et de la modélisation préclinique. Des cohortes de personnes âgées québécoises et françaises participeront à cette recherche.
Au cours de sa carrière, Pierrette Gaudreau a formé de nombreux étudiants chercheurs, québécois comme français, à l’école de la rigueur, de l’engagement et de la passion pour la recherche. Ainsi, ses travaux nourrissent déjà la nouvelle génération de chercheurs. Pour la professeure Gaudreau, manifestement, longévité est aussi synonyme de transmission des savoirs.