On reste un peu bouche bée face au curriculum de ce spécialiste du cinéma muet! Non sans raison. Chef de file des études cinématographiques, ce « découvreur » a l’art d’aller chercher dans les archives « le » film ou « le » document qui apportera un nouvel éclairage sur l’histoire du cinéma. Mais le lauréat n’est pas seulement l’historien des premières formes de cinéma; il est aussi un analyste reconnu de la manière dont le silence des pionniers nous parle. Plus récemment encore, il s’est intéressé à la « crise » que connaît le cinéma en raison de son passage au numérique.
C’est vers la fin des années 1970 qu’André Gaudreault entame ses recherches sur le cinéma. Or, à cette époque, ce champ d’études est quasi inexistant au Québec. Il poursuivra alors ses travaux en France pour obtenir, en 1983, un doctorat en études théâtrales et cinématographiques, de l’Université Paris 3. De retour au Québec, il participe activement, tant par ses recherches scientifiques que par les diverses structures qu’il a montées, à établir le cinéma comme un champ d’études incontournable.
Ses contributions sur le plan des connaissances sont considérables. Il a notamment été, avec Tom Gunning, à l’origine du concept de « cinéma des attractions », qui a révolutionné notre compréhension de l’histoire du cinéma des premiers temps en définissant un régime discursif autre que celui de la narration devenu prédominant par la suite.
Reconnu pour ses qualités de rassembleur, André Gaudreault accorde une grande importance à la collaboration entre chercheurs. En témoigne la composition des équipes de recherche des nombreux projets qu’il a menés ou auxquels il a participé, dont plusieurs ont permis la mise en valeur et le rayonnement du patrimoine cinématographique québécois : par exemple, les sites Le cinéma au Québec au temps du muet 1896-1930 et Le cinéma au Québec au temps du parlant 1930-1952, ou encore La filmographie des « vues » tournées au Québec au temps du muet, qui a mené à la création d’un moteur de recherche répertoriant les séries ou films tournés partiellement ou entièrement au Québec.
André Gaudreault est aussi auteur ou coauteur de nombreux articles et ouvrages majeurs dont on peut citer Du littéraire au filmique. Système du récit, paru en 1988 et salué unanimement par ses pairs, ou encore Le récit cinématographique, un ouvrage fondamental de narratologie. Il n’est plus étonnant de retrouver nombre de ses textes dans les anthologies en études cinématographiques et en communication, publiés et traduits dans le monde entier. En outre, leurs vertus pédagogiques obtiennent une reconnaissance internationale.
Œuvrant à l’Université de Montréal depuis 1991, le professeur a travaillé pendant plusieurs années sur les liens entre la narratologie littéraire et le cinéma. Il a ainsi créé avec deux collègues de son université le Centre de recherche sur l’intermédialité, premier centre au Canada consacré aux rapports intermédiatiques et à leurs implications historiques, sociologiques, culturelles et politiques.
L’engagement interdisciplinaire d’André Gaudreault l’a mené à fonder et diriger plusieurs instances de recherche fédératrices et internationales, dont DOMITOR (Association internationale pour le développement de la recherche sur le cinéma des premiers temps), le GRAFICS (Groupe de recherche sur l’avènement et la formation des institutions cinématographique et scénique), l’un des premiers groupes de recherche sur le cinéma fondé au Québec, subventionné depuis 1994 par le FRQSC (Fonds de recherche du Québec - Société et culture), et l’Observatoire du cinéma au Québec. Il agit aussi à titre de directeur de la revue spécialisée en études cinématographiques la plus importante au Canada, Cinémas. De plus, André Gaudreault a récemment été élu fellow de la Société royale du Canada. L’élection à la Société royale du Canada constitue le plus grand honneur qui puisse être accordé à un universitaire qui travaille dans les domaines des arts, des lettres et des sciences.
À la fois professeur, pédagogue et chercheur prolifique, il a dirigé ou codirigé 31 étudiants à la maîtrise et 16 étudiants au doctorat, dont des thèses au département de littérature comparée. Il est par ailleurs à l’origine de la création, en 2007 à l’Université de Montréal, du premier programme de doctorat en études cinématographiques offert au Canada.