Srecko Brlek
Voilà presque trois décennies qu’il vogue entre mathématiques discrètes et informatique théorique, qu’il navigue entre la France et le Québec. La combinatoire des mots n’a plus de secret pour lui, la coopération scientifique avec l’Hexagone non plus. Ces allées et venues du lauréat sont non seulement productives en termes de recherches, mais aussi très structurantes en termes de développement de réseaux et de laboratoires.
Dans les années 1980, le lauréat réalise son doctorat à l’Université de Bordeaux 1. Sa thèse porte sur la complexité des chaînes d'opérations dans les monoïdes, un domaine bien précis des mathématiques lié au champ de l’analyse combinatoire. Cette branche des mathématiques sert à dénombrer et à ordonner toutes les combinaisons possibles des éléments constitutifs d'un ensemble. La combinatoire étudie différentes configurations de « collections » d'objets qui interagissent entre eux; ces objets peuvent être des mots, des nombres, des graphes, etc. La combinatoire peut s’appliquer au calcul de probabilités, et joue en informatique théorique un rôle fondamental ayant des applications directes utilisées dans la vie de tous les jours : écrans graphiques, communications électroniques, son audio et image vidéo, etc.Après son doctorat, en 1989, Srĕcko Brlek devient professeur à l’Université du Québec à Montréal. Et tout naturellement, il entretiendra des liens étroits avec les chercheurs qu’il a connus à Bordeaux.
Ce faisant, dès son arrivée à l’UQÀM, le chercheur a joué un rôle primordial dans le rapprochement du Laboratoire de Combinatoire et d’Informatique de Montréal (LaCIM) et du Laboratoire bordelais de recherche en informatique (LaBRI), une unité associée au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), à l’Université Bordeaux 1, à l’Institut Polytechnique de Bordeaux, et à l’Université Bordeaux Segalen. Cette collaboration intense et pérenne, s’est d’abord concentrée au domaine de la combinatoire énumérative. Elle s’est progressivement étendue à d’autres spécialités, dont la modélisation et la vérification des systèmes de télécommunications. Puis, grâce au soutien du CNRS, cette association couvrira, de 1996 à 2007, de nombreux aspects des mathématiques et de l’informatique : combinatoire énumérative, applications à l’informatique fondamentale, calcul formel en arithmétique et combinatoire, etc. Elle s’est aussi traduite par des publications communes, des mémoires et thèses, ou encore la tenue de réunions et ateliers scientifiques internationaux fondamentaux, sans compter les colloques.
Srečko Brlek a grandement contribué à bâtir la réputation internationale du LaCIM en matière de combinatoire classique et énumérative, en développant entre autre les liens entre la combinatoire des mots et la géométrie digitale. Les recherches du laboratoire se regroupent autour de quatre axes : l'algèbre, la combinatoire, l'informatique mathématique et la bioinformatique. Le lauréat a été le directeur de ce laboratoire de 2005 à 2008, et en est de nouveau le directeur jusqu’en 2017, ainsi que l’un des éditeurs scientifiques.
L’une des forces du lauréat est sa capacité à détecter les meilleurs étudiants en les initiant très tôt à la recherche via des séminaires qu’il sait animer avec une grande générosité. De fait, il a toujours été soucieux de former une relève francophone en informatique et en mathématique. Favorisant les doctorats en cotutelle entre le Québec et la France, il a beaucoup encouragé ses étudiants à poursuivre leurs études outre Atlantique. Inversement, sur les 35 étudiants de cycles supérieurs ou stagiaires postdoctoraux qu’il a dirigés, bon nombre sont français.
Enfin, Srĕcko Brlek a réussi à structurer toute cette dynamique de recherche franco-canadienne en menant deux projets d’envergure internationale, au CNRS, qui verront le jour en 2011, un exploit :
- Un Laboratoire international associé (LIA), soit le laboratoire international franco-québécois de recherche en combinatoire (LIRCO);
- Une Unité mixte internationale (UMI), soit le Centre de recherches mathématiques (UMI-CRM).
Un LIA est un « laboratoire sans murs » qui associe des équipes d’un laboratoire affilié au CNRS et d’un laboratoire d’un autre pays. Le LIRCO fait partie des onze LIA lancés mondialement par l’Institut des sciences de l’information et de leurs interactions. C’est donc une consécration, à la fois pour le LaCIM et pour le LaBRI, mais aussi pour le lauréat qui en assure la codirection avec Jean-Christophe Aval du LaBRI. Une UMI est le plus haut niveau de reconnaissance internationale du CNRS. L’UMI-CRM est la 25e unité de ce type du CNRS, toutes disciplines confondues. Le Canada en compte quatre, dont trois au Québec. Ces deux projets, l’un présenté à l’Institut en charge de l’informatique, l’autre, à celui en charge des mathématiques, ont pu voir le jour grâce à la polyvalence de Srĕcko Brlek, à l’interface des deux disciplines.