Prix Acfas André-Laurendeau 2012 - sciences humaines
« Il est paradoxal de “présenter” ce chercheur tant il s’impose comme l’une des figures les plus marquantes de la philosophie actuelle », dit de lui la professeure Marlène Zarader, membre de l’Institut de France. Cela est d’autant plus remarquable quand on sait le poids de la tradition de la philosophie allemande au sein de laquelle le lauréat s’est d’abord illustré par ses livres fondamentaux sur Kant et Heidegger.
Au pays des Leibniz, Kant, Hegel, Nietzsche, Weber, Husserl, et Gadamer, Jean Grondin est depuis longtemps reconnu comme une sommité.
Né en 1955, Jean Grondin a fait des études de philosophie à l’Université de Montréal avant d’obtenir son doctorat en Allemagne. Une bourse de la Fondation Humboldt lui a permis de retourner en Allemagne en 1988 pour y poursuivre des recherches postdoctorales qui l’ont amené à présenter sa propre conception de l’herméneutique dans son ouvrage célèbre L’universalité de l’herméneutique (1991), traduit en pas moins de quinze langues. Outre la philosophie allemande et l’herméneutique, M. Grondin s’est imposé comme une autorité dans des domaines cruciaux de la philosophie comme la métaphysique et la philosophie de la religion.
L’herméneutique est un grand courant de pensée qui fut lancé par Hans-Georg Gadamer et Paul Ricœur, que le lauréat a bien connus, et qui s’intéresse aux questions de l’interprétation des textes, des œuvres d’art, de l’histoire et de l’existence elle-même, questions qui sont vitales pour l’ensemble des sciences humaines et où l’apport des philosophes est indispensable.
Si la communauté philosophique doit tant à Jean Grondin, soulignent à bon droit ses pairs, c’est en raison de sa conception originale de l’herméneutique, dont il est aujourd’hui l’un des plus illustres représentants et qu’il a su appliquer à la question du sens de l’existence (notamment dans son essai Du sens de la vie). Il fut aussi l’un des premiers à faire connaître l’œuvre de Gadamer. Pour le dire simplement, Jean Grondin est internationalement reconnu comme le plus grand spécialiste de la pensée de Gadamer, dont il fut l’élève, l’interprète le plus autorisé, le traducteur et le biographe.
Le professeur Grondin s’est vu remettre les prix Killam et Léon-Gérin ainsi que deux doctorats honorifiques en Argentine : le premier en 2008 par l’Universidad del Norte Santo Tomas Aquino; le second, en 2011, par l’Universidad de Santiago del Estero. Ces dernières distinctions témoignent d’un aspect très particulier des collaborations internationales du lauréat : outre l’Allemagne, qui lui a remis le prix Konrad-Adenauer en 2011, et la France, où il sera titulaire invité de la Chaire de métaphysique Étienne Gilson en 2013, Jean Grondin privilégie les pays en voie de développement – il a volontiers accepté d’enseigner en Argentine, au Salvador et à Haïti – tout comme les nations en voie de démocratisation. C’est ainsi qu’il fut deux fois professeur invité dans une université de Biélorussie, mise sur pied par la Fondation Soros pour y promouvoir la liberté de pensée, avant que cette université ne soit fermée manu militari par le régime au pouvoir.
Dans ses nombreux écrits, publiés et traduits par les meilleurs éditeurs d’Europe et d’Amérique, Jean Grondin s’est efforcé de redécouvrir la cohérence de l’expérience humaine du sens. Il s’élève contre les prophètes du non-sens et de l’irrationalisme en rappelant comment ces prophéties présupposent elles-mêmes l’évidence du sens et la capacité qu’a notre raison de le comprendre. À l’encontre de tous ceux qui prônent le dépassement de la métaphysique, il ne craint pas d’en tirer des conséquences métaphysiques qui nous laissent espérer que l’homme est autre chose qu’une « passion inutile » (Sartre). Il croit en la possibilité qu’a l’homme de surmonter le non-sens et de goûter les sens de la vie.
À lire aussi :
- "Le chercheur et les prix", par Jean Grondin, dans Découvrir, le magazine numérique de l'Acfas
- "Ces idées qui font le monde", entretien du quotidien Le Devoir avec le lauréat