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Ha-Loan Phan - Concours de vulgarisation - 2010
Lauréate

Ha-Loan Phan

UdeM - Université de Montréal

L’opossum Monodelphis domestica, un modèle qui marche

Source : Laboratoire du Dr Cabana et du Dr Pflieger
Opposum adulte

L’exploration de l’environnement, la quête de nourriture, la fuite face à un prédateur et la recherche de partenaires sexuels dépendent d’une fonction primordiale chez les animaux comme chez les humains : la capacité de se déplacer ou locomotion. Parmi les recherches qui s’intéressent à cette fonction, il y a celles qui ciblent le développement du système nerveux locomoteur. Habituellement, les recherches en neurobiologie développementale chez les mammifères utilisent le rat ou la souris comme modèles d’expérimentation. Cependant, une espèce exotique gagne en popularité comme modèle d’étude de la locomotion : il s’agit d’un marsupial, l’opossum Monodelphis domestica. Des réponses thérapeutiques aux lésions de la moelle épinière pourraient émerger de ces travaux.

De petits prématurés

L’opossum Monodelphis domestica comme tous les marsupiaux, kangourou ou koala, naît dans un état très immature, après une gestation d’une quinzaine de jours. Il complète sa maturation hors de l’utérus, sur le ventre de sa mère, accroché à l’une des tétines. Cette naissance précoce de l’opossum permet l’observation d’événements qui se produisent in utero chez les mammifères placentaires, ce qui en fait un modèle de choix pour l’étude du développement de la locomotion.

L’opossum adulte ressemble à un petit rat au pelage gris foncé, il mesure une dizaine de centimètres et peut peser jusqu’à 200 grammes. Il s’élève facilement en captivité, se reproduit tout au long de l’année et peut engendrer entre 2 et 4 portées de 4 à 12 petits chacune par an. Cette espèce d’opossum est dite « généralisée » : elle ne présente pas de spécialisation motrice surdéveloppant les membres antérieurs (comme le koala, animal grimpeur) ou les membres postérieurs (comme le kangourou, animal sauteur). Son mode de locomotion est donc comparable à celui des mammifères quadrupèdes tels que le rat ou la souris.Le degré de développement du nouveau-né correspond à celui d’un rat ou d’une souris in utero d’environ 14 jours après conception. Chez ces derniers, il est difficile d’établir des liens entre le développement des centres nerveux moteurs localisés dans la moelle épinière et les mouvements locomoteurs associés puisque ceux-ci sont cachés au sein de l’utérus maternel. Ainsi, pour l’opossum, il n’est pas nécessaire de sacrifier la mère gestante, car les petits naissent immatures!Un nouveau-né mesure 1 cm et pèse 100 mg; sa peau rose est dépourvue de poils, ses yeux et ses oreilles sont encore fermés. Le voyage de l’orifice urogénital maternel jusqu’à une tétine est une étape décisive. Ce déplacement de quelques centimètres relève de l’exploit pour un nouveau-né, et si à l’arrivée l’opossum ne parvient pas à fusionner sa bouche à une tétine, il meurt! Une fois bien accroché, il y demeure pendant les trois premières semaines de sa vie. À la naissance, ses membres antérieurs griffus sont assez développés pour lui permettre de se hisser le long du ventre de la mère à l’aide de mouvements rythmiques et alternés. En revanche, les membres postérieurs sont peu développés : ce sont des petits « moignons » immobiles sans articulation ni orteil. Ils ne bougeront que deux semaines après la naissance. C’est l’immaturité relative des membres de l’opossum à la naissance que les chercheurs exploitent lorsqu’ils étudient le système moteur. En effet, si cette immaturité est visible de l’extérieur, elle l’est aussi au niveau du système nerveux qui orchestre les mouvements : c’est le cas des centres moteurs situés dans la moelle épinière.

De l’opossum à l’humain

L’étude des comportements locomoteurs de Monodelphis domestica montre que pour parvenir à une locomotion mature et fonctionnelle, l’animal doit acquérir successivement la maturité du système musculo-squelettique, le soutien adéquat par ses membres et enfin, une coordination des membres orchestrée par le système nerveux. Chez l’humain, ces étapes sont similaires. Bien que nos membres postérieurs soient plus développés que ceux de l’opossum à la naissance, nous aussi avons marché à quatre pattes!Outre des expériences relatives aux lésions de la moelle épinière et à la récupération des fonctions motrices, des études utilisant l’opossum en tant que modèle ont permis avec succès de décrire le développement de la machinerie nerveuse qui contrôle la locomotion. À ce jour, nous comprenons mieux chez l’opossum comment s’établissent les synapses (connexions neuronales) ainsi que les voies qui relient le cerveau à la moelle épinière et régulent les centres moteurs localisés dans la moelle épinière, comme le système de l’équilibre. Enfin, les données acquises chez l’opossum concordent avec celles obtenues chez le rat et la souris… L’opossum est donc bel et bien un modèle qui marche!