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François-Olivier Dorais, Université de Montréal

Publié initialement le 1er novembre 2017]
L'image ci-dessus représente la page couverture du septième numéro de la Revue du Nouvel-Ontario (RNO). Publication interdisciplinaire de langue française portant sur l'Ontario français, cette revue constitue un espace de réflexions et de débats privilégié sur les divers enjeux sociaux, politiques, historiques, culturels et économiques se rapportant à la collectivité franco-ontarienne. Son importance se signale par son rôle central dans la construction du champ des études sur l'Ontario français et, plus largement, dans l'établissement d'un champ réflexif propre à la francophonie ontarienne.

Revue du Nouvel-Ontario, no 7, 1985
Revue du Nouvel-Ontario, no. 7, 1985.

La fondation d'une revue

« Fonder une revue, c'est prendre la parole en tant que groupe intellectuel; c'est la prendre, de plus, comme groupe autonome [...] [S]'y exprime la conscience d'un Nous qui prend la parole dans un milieu donné1 ». Cette citation de l'historienne Andrée Fortin s'applique très bien à la naissance de la RNO. Lancée à Sudbury en 1978 par un groupe d'universitaires francophones de l'Université Laurentienne en collaboration avec l'Institut franco-ontarien et la maison d'édition Prise de parole, cette revue servira de tremplin pour de nouveaux questionnements, de nouvelles idées et de nouvelles façons d'interpréter la collectivité franco-ontarienne afin de pouvoir, en retour, agir sur son destin.

La revue atteste une nouvelle conjonction entre la science et le désir d'affirmation d'une identité proprement franco-ontarienne, désir qui donne aussi à s'exprimer, au même moment, dans un foisonnement littéraire, artistique, musical et théâtral concentré surtout dans la région de Sudbury. La référence au « Nouvel-Ontario » dans le titre, tout comme l'image de la couverture mettant à l'honneur la route 17 ceinturée de paysages forestier et minier, fait d'ailleurs écho à cet ancrage régional particulier, celui du New Ontario, traditionnellement associé au Nord et au Moyen-Nord ontarien. Réactualisé par certains artistes des années 1970, ce terme en vient à prendre une valeur symbolique particulière, celle d'un espace de création où se déploient de nouveaux « possibles » pour la minorité francophone2.

L'Ontario français comme objet d'étude

À l'image des nombreux Franco-Ontariens qui, à la suite de l'éclatement de la vieille référence canadienne-française, cherchent à faire sens de leur propre identité collective, la communauté scientifique francophone de l'Ontario entend elle aussi autonomiser l'Ontario français comme un objet d'étude à part entière, distinct du paradigme de la « société globale » québécoise.

La RNO sera l'un des principaux vecteurs de cette aspiration en abordant, dès ses premières livraisons, une diversité de thématiques allant de l'histoire du syndicalisme à l'histoire de l'économie en Ontario français, en passant par le rôle de l'élite franco-ontarienne, la représentation des Franco-Ontariens dans la culture, le rôle des institutions, l'immersion en milieu scolaire ou encore les droits linguistiques. En ce sens, on peut dire que la revue atteste certaines modalités particulières de production du savoir et de la recherche en milieu minoritaire, où la science, sans pour autant nier sa vocation proprement explicative et son impératif de distanciation, est inévitablement appelée à porter le projet du faire sens de la communauté et de rendre raison de son existence dans la durée. Encore active aujourd'hui, la RNO fêtera son quarantième anniversaire en 2018. Elle demeure toujours l'un des principaux forums scientifiques de l'Ontario français et de la francophonie canadienne3.

Le numéro en image : Pour l'université française en Ontario

L'importance de la RNO se mesure, entre autres, à sa contribution aux grands débats qui ont agité le champ des idées en Ontario français. C'est d'ailleurs dans ses pages que s'affirmera une première parole intellectuelle substantielle sur la question universitaire, alors qu'à compter du début des années 1980, l'enjeu de la création d'une université unilingue française en Ontario suscite un regain d'intérêt. Coiffée d’un titre aussi engagé qu’évocateur, Pour l’université française, cette septième livraison de la revue, parue en 1985, marque un tournant dans la réflexion sur le rapport des Franco-Ontariens à l’institution universitaire. Jean-Pierre Pichette, directeur de la revue et professeur d’ethnologie à l’Université de Sudbury, écrivait en éditorial, confiant, que « l’université française en Ontario n’est plus qu’une question de temps  ».

Cette édition contient d'autres contributions d'experts sur la question, dont une étude historique pionnière de l'historien Gaétan Gervais sur l'enseignement supérieur en Ontario français dans laquelle il démontre en quoi, selon lui, la relative indifférence du gouvernement provincial à l'égard du sort des Franco-Ontariens, avant les années 1960, conjuguée avec son refus de financer l'enseignement confessionnel, avait contribué à barrer à trop de Franco-Ontariens l'accès à l'université. L'ancrage régional de la RNO, à Sudbury, nous rappelle aussi que la majorité des partisans de l'université française proviennent, historiquement, du Nord ontarien, où le bilinguisme institutionnel, au niveau universitaire, n'a pas le même poids historique et symbolique que dans l'Est de la province, notamment à l'Université d'Ottawa, où il s'inscrit dans une tradition établie depuis longtemps. Qu'à cela ne tienne, la revue contribuera, avec d'autres acteurs, à raviver et nourrir les débats entourant l'avenir des études postsecondaires en Ontario français qui continuent, encore de nos jours, à animer l'actualité4

L'importance de la RNO se mesure, entre autres, à sa contribution aux grands débats qui ont agité le champ des idées en Ontario français. C'est d'ailleurs dans ses pages que s'affirmera une première parole intellectuelle substantielle sur la question universitaire, alors qu'à compter du début des années 1980, l'enjeu de la création d'une université unilingue française en Ontario suscite un regain d'intérêt.

  • 1Andrée Fortin, Passage de la modernité. Les intellectuels québécois et leurs revues, Québec, Les Presses de l'Université Laval, 1990, p. 8.
  • 2Sur l'histoire du terme « Nouvel-Ontario », voir Johanne Melançon, « Le Nouvel-Ontario : espace réel, espace imaginé, espace imaginaire », Quebec Studies, n° 46, Fall 2008 / Winter (2009), p. 49-69.
  • 3Pour une analyse approfondie du contenu de la RNO, le lecteur pourra consulter Marie LeBel, Le discours comme patrie : les intellectuels franco-ontariens comme interprétants de la condition historique et identitaire de l'Ontario français, thèse de doctorat (histoire), Québec, Université Laval, 2009.
  • 4Sur l'histoire des débats entourant la question universitaire franco-ontarienne, nous nous permettons de référer le lecteur à Michel Bock et François-Olivier Dorais, « Quelle université pour quelle société? Le débat intellectuel sur la question universitaire en Ontario français depuis les années 1960 », Revue du Nouvel-Ontario, n° 41, 2016, p. 121-195.

  • François-Olivier Dorais
    Université de Montréal

    François-Olivier Dorais termine un doctorat en histoire à l’Université de Montréal. Dans le cadre de ses recherches, il s'intéresse à l'histoire intellectuelle et culturelle des savoirs au Québec et au Canada au XXe siècle, avec un accent particulier sur le savoir historique. Ses intérêts s’étendent également aux francophonies minoritaires du Canada, qu’il étudie dans une perspective d’histoire des idées. Il est notamment l'auteur, aux Presses de l'Université d'Ottawa, de Un historien dans la cité. Gaétan Gervais et l'Ontario français (2016).

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