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  • Colloque 323 : Imaginaires du terrain vague
  • Communication : La construction des copropriétés : journal de terrain

Fuck les condos!

Sur une pancarte au milieu de nulle part, un immense graffiti bariole le portrait d’une famille à la plastique parfaite et aux sourires bien blanchis : « Fuck les condos! ».

Entre un colloque sur l’impulsivité et la psychopathologie, un autre sur la qualité architecturale du Stade olympique de Montréal ou un autre sur la construction biosourcée, le congrès de l’Acfas circule sur tous les territoires de la connaissance. Et même dans ses non lieux.

Dans le colloque de recherche-création Imaginaire du terrain vague, Antoine Boisclair y a présenté son journal de terrain, vague justement. Auteur et poète, il se porte à la défense de ces laissés pour compte. Des friches indéfinissables, en mouvance dans le paysage urbain. Apparaissant et disparaissant au fil des humeurs propriétaires.

Dans cette écriture sur les terrains vagues, le professeur de littérature au Collège Jean-de-Brébeuf, nage en plein docu-fiction où rien n’est vrai, mais rien n’est faux. Puis, il s’est intéressé à du concret, à un lieu singulier, croisé quotidiennement. Un matin, une pancarte s'y était plantée : « Ouverture d’ici un an d’une tour de condos de 38 unités ». Fini le vague.

Le vague utopique

Son récit passe au peigne fin le cycle de vie de ce terrain. De la roulotte promotionnelle, aux consultations publiques en passant par la phase de construction, il se métamorphose en condos fades, absents d'originalité et de beauté. Rien n’est gagné, et on y a perdu des possibles : « Les condos construits depuis quelques années à Montréal sont tous sortis du même moule, anonymes, sans désir ».

Pour Antoine Boisclair, un terrain vague, c’est pourtant une réserve de quelque chose : « C’est l’endroit où l’on peut se réinventer, une utopie ». En reprenant l’idée de Michel Foucault, l’auteur les associe à une hétérotopie, la représentation d’un idéal irréel, mais pourtant localisable. Comme la mort dans le cimetière, le terrain vague est une utopie qui n’existe pas alors qu’on peut le pointer sur la carte.

Un non lieu

Lors de la construction d’une tour de condos, le terrain vague passe du lieu au non-lieu. Antoine Boisclair remarque que, de la première pelletée de terre au dernier coup de Windex, malgré l’énergie déployée on a remplacé le vague par le rien. Défini par l’anthropologue français, Marc Augé, le lieu, c’est l’endroit qui est habité par une histoire et une identité. À l’opposé, le non-lieu est impersonnel et sans identité. Pour Antoine Boisclair, les non-lieux sont partout en ville, même au Starbucks.

Les tours de condos vides à Montréal sont nombreuses, particulièrement au centre-ville. Elles sont lieux de spéculation pour investisseurs étrangers équilibrant un lointain portefeuille. Non-lieu par excellence, ils patientent, lingots d’or, dormant debout, attendant la prise de valeur pour fins de profit aximum, aux fins de rien.

L’auteur, Antoine Boisclair, finit sa tirade sur l’envahissement des terrains vagues par les condos avec un sourire en coin : « Il se peut qu’un jour je m’habitue à ce nouveau paysage. Las de pelleter mon entrée de garage et cherchant un appartement fonctionnel, je me laisserais peut-être tenter par un condo. Je pourrais habiter ce non-lieu, je pourrais lui donner une âme. Et qui sait lui donner un sens? »


  • Aurélie Lagueux Beloin
    Journaliste

    Aurélie Lagueux-Beloin est étudiante en journalisme à l’Université de Montréal. Titulaire d’un baccalauréat en biologie de l’Université du Québec à Rimouski, elle s’intéresse à la science pour comprendre ce qui l’entoure et partager ses découvertes. En plus de se joindre à l’équipe du magazine Découvrir, le temps du congrès, elle anime une émission de vulgarisation scientifique hebdomadaire sur les ondes de CISM 89,3FM

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