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Renaud Manuguerra, Journaliste
Au Québec, les meilleures conditions pour la séquestration du CO2 se retrouvent dans la vallée du St-Laurent, comme à Bécancour ou à Sorel.

[Colloque 217 - La séquestration du carbone : solutions pour réduire et compenser nos émissions de CO2 dans l’atmosphère]

Selon l’Agence internationale de l’énergie, le stockage dans des formations géologiques du gaz carbonique émis par des usines pourrait jouer un rôle important pour diminuer les émissions de ce gaz à effet de serre. À travers le monde, huit installations industrielles envoient déjà sous terre plutôt que dans l'atmosphère le CO2 qu’elles produisent, selon le bilan présenté au congrès par Jean-Philibert Moutenet, agent de recherche à la Chaire de recherche sur la séquestration géologique du dioxyde de carbone, à l’INRS-Eau, Terre et Environnement, à Québec. Quatorze projets expérimentaux ont aussi démarré, sur quatre continents. Avec son immense territoire, le Québec pourrait-il lui aussi investir dans cette technologie pour gagner du temps dans la course contre la montre climatique?

C’est à cette question que Félix-Antoine Comeau, agent de recherche pour la Chaire, a tenté d’apporter des éléments de réponses lors du colloque organisé par le titulaire, le professeur Michel Malo. Selon les chercheurs de l’INRS, le Québec possède non seulement une expertise enviable dans ce domaine, mais aussi un sous-sol idéal pour la séquestration du CO2.

Cacher le CO2 sous le tapis?

La géologie des basses terres du Saint-Laurent, qui s’étirent de la Montérégie jusqu’à Québec, est bien connue, suite à l’exploration gazière de la dernière décennie. « Selon nos analyses, la capacité théorique de stockage dans cette région pourrait varier entre 4 000 et un million de tonnes de CO2 par km², selon la proportion de roches poreuses possédant la capacité d’agir comme réservoir », explique Félix-Antoine Comeau. « Les grands émetteurs québécois de gaz carbonique, comme les alumineries et les raffineries, pourraient y entreposer leurs émissions pour les 40 à 400 prochaines années, selon les différents scénarios. »

«Le CO2 capté à la sortie des cheminées d’usine ne peut être stocké sous terre que là où la formation géologique s’y prête».

Le CO2 capté à la sortie des cheminées d’usine ne peut être stocké sous terre que là où la formation géologique s’y prête. « Il doit être enfoui à plus de 500 mètres de profondeur, là où la pression très élevée va le faire passer en phase supercritique, c’est-à-dire dans un état où il est dense comme un liquide tout en se comportant comme un gaz », précise le chercheur. À partir de 800 mètres de profondeur, une tonne de CO2 n’occupe plus qu’un volume de 1 à 2 mètres cube. Il faut aussi une bonne couche de roche imperméable en surface pour s’assurer que le gaz ne pourra pas remonter et ressortir. « Au Québec, les meilleures conditions pour la séquestration du CO2 se retrouvent dans la vallée du St-Laurent, comme à Bécancour ou à Sorel. »

Importer le gaz ou exporter les idées?

Suite au débat sur les gaz de schiste, les chercheurs doivent s’attendre à beaucoup de résistance de la part de la population de ces régions. Mais Félix-Antoine Comeau se fait rassurant. « À cette profondeur, il y a déjà de l’eau non potable, extrêmement salée. Le CO2 pourrait s’y dissoudre ou réagir avec de la roche pour se minéraliser, explique le chercheur. Cette eau n’est en contact avec aucune nappe phréatique, et aucun hydrologue n’a jamais observé une contamination de l’eau potable ou de remontée d’eau salée dans les sols québécois. C’est donc sans risque, mais la population reste ultimement maître de sa région. »

Le Québec compte peu d’industries émettant d’importantes quantités de gaz carbonique, principalement grâce à son hydroélectricité. Pourrait-il enfouir dans son sous-sol du CO2 venant d’ailleurs? « Le transport du gaz serait probablement trop coûteux », croit Félix-Antoine Comeau. En revanche, l’expertise développée au Québec pourrait être fort utile pour faciliter le démarrage de projets ailleurs dans le monde, là où les conditions géologiques ressemblent à celles du Saint-Laurent.

Récemment, le taux de CO2 dans l'atmosphère terrestre a dépassé le seuil des 400 ppm, jamais atteint depuis plus de 2,5 millions d’années. À ce rythme-là, des solutions comme la séquestration souterraine du gaz carbonique, qui peuvent nous sembler incongrues, seront peut-être vitales pour acheter le temps nécessaire pour sortir de notre dépendance aux combustibles fossiles.


  • Renaud Manuguerra
    Journaliste
    Présentation de l’auteur :Renaud Manuguerra est finissant au certificat en journalisme à l’Université de Montréal mais son attrait pour la science remonte à loin car il complète aussi présentement son doctorat en sciences biomédicales à la même université. Son intérêt pour la communication scientifique l’a mené à écrire pour le Quartier Libre mais son expérience à l’Acfas est sa première véritable occasion de faire de la vulgarisation.

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