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Morgane Lemasson, Université Laval
Le cerveau adulte, un organe dépourvu de faculté régénératrice? Détrompez-vous! Ce dogme, qui a persisté pendant près de 100 ans, s’est effondré dans les années 1990. Aujourd’hui, le renouvellement des neurones dans le cerveau mature, la neurogenèse adulte, a été décelé chez de nombreuses espèces, y compris chez l’Homo sapiens.

C’est un véritable convoi de neurones qui traverse notre cerveau chaque jour! En prendre les commandes pour le diriger vers les zones cérébrales endommagées, voilà le défi que s’était fixé une équipe du Centre de recherche Université Laval Robert-Giffard, dirigée par le Dr Armen Saghatelyan. Mission accomplie!

De jeunes neurones pour un cerveau âgé

Le cerveau adulte, un organe dépourvu de faculté régénératrice? Détrompez-vous! Ce dogme, qui a persisté pendant près de 100 ans, s’est effondré dans les années 1990. Aujourd’hui, le renouvellement des neurones dans le cerveau mature, la neurogenèse adulte, a été décelé chez de nombreuses espèces, y compris chez l’Homo sapiens. Loin d’être mineure, la découverte de cette plasticité neuronale constitue un réel espoir thérapeutique pour les traumatismes cérébraux et les maladies neurodégénératives, telles les maladies de Parkinson, d’Alzheimer et d’Huntington. Encore faut-il comprendre les processus qui y sont associés...

La transhumance neuronale

Chez l’adulte, beaucoup de régions cérébrales ont la faculté intrinsèque de produire de jeunes neurones, ou neuroblastes, mais seule la région postérieure du cerveau en fournit en continu. Contrairement aux autres neurones, qui sont plus casaniers, ces neuroblastes vont s’engager, juste après leur naissance, dans un important voyage qui les conduira jusqu’à leur destination finale. C’est la plus longue migration jamais observée dans le cerveau adulte! Accolées les unes aux autres, ces cellules nerveuses immatures, longues de quelques micromètres, parcourent presque un tiers du cerveau en suivant une route extrêmement précise et sinueuse : le chemin de migration rostral (CMR). Plusieurs jours de transhumance leur seront nécessaires pour rejoindre les régions antérieures du cerveau, où elles pourront enfin se transformer en neurones matures et exercer leur fonction.

Vidéo I : Migration neuronale

Des techniques d’imagerie très sophistiquées ont permis à l’équipe du Dr Armen Saghatelyan d’enregistrer cette migration neuronale en temps réel. Regardez bien la vidéo I : le flux de neurones en mouvance nous apparaît comme une véritable autoroute aux heures de pointe, sur laquelle les voitures foncent, avancent, s’arrêtent et redémarrent au gré des embouteillages. Prêtez attention au neuroblaste marqué d’un point jaune et observez ce déplacement de type saltatoire, où se succèdent phase de déplacement et phase d’immobilité.

Vidéo II : Migration neuronale longeant les rails vasculaires

En combinant des études de biologie moléculaire, d’imagerie et de biologie cellulaire, Marina Snapyan, quelques collègues et moi avons démontré pour la première fois que les nouveaux neurones se déplacent en longeant les vaisseaux sanguins, soit selon un mode vasophilique. Comme nous le montre la vidéo II, les neuroblastes (en vert) suivent scrupuleusement le chemin tracé par les vaisseaux sanguins (en rouge) durant leur migration.

Vidéo III : Migration neuronale suivant le guide BDNF

Les vaisseaux ne sont pas uniquement un substrat physique. Ils synthétisent en continu un facteur de croissance, appelé BDNF, qui guide pas à pas le déplacement cellulaire. Si on enlève le BDNF du milieu en le capturant à l’aide d’une forme tronquée de son récepteur (TrkB-Fc), on perturbe considérablement la migration. La vidéo III parle d’elle-même! En condition normale (durant les 25 premières minutes – voir le minutage en haut à gauche), les neuroblastes (en blanc) avancent normalement en alternant successivement des périodes de migration (ronds verts) et des phases stationnaires (ronds rouges). En présence de la protéine TrkB-Fc (quand TrkB-Fc apparait au minutage en haut à gauche) et donc en l’absence de BDNF, tout change et l’on voit alors nos neurones s’immobiliser.

La neurogenèse adulte au service du cerveau malade

Accidents vasculaires cérébraux, maladie d’Alzheimer, maladie de Parkinson, ce ne sont là que quelques-unes des pathologies qui résultent d’une perte massive et irréversible de neurones, et pour lesquelles il n’existe aujourd’hui aucun traitement. La possibilité de réorienter la migration neuronale dans le cerveau adulte, et par là même d’augmenter l’apport de néo-neurones dans les régions lésées, pourrait offrir de nouveaux horizons médicaux concernant les atteintes cérébrales.

Après avoir décrit précisément les mécanismes qui contrôlent la migration neuronale dans le cerveau adulte, l’équipe du Dr Saghatelyan a injecté du BDNF dans le striatum, structure adjacente au chemin de migration rostral, qui ne contient généralement aucune cellule en migration. Les neuroblastes se sont alors détournés de leur chemin de migration normal et se sont dirigés vers le site d’injection. Le BDNF a mené le convoi en dehors des sentiers battus!

L’utilisation de la neurogenèse adulte comme stratégie thérapeutique représente un enjeu essentiel en santé publique. La maîtrise combinée de la thérapie génique, pour déterminer le type de neurones engendrés, et de la thérapie cellulaire, pour guider les nouveaux neurones vers une région cérébrale lésée, constitue aujourd’hui, incontestablement, un défi majeur pour les chercheurs du 21e siècle. Et déjà, un nouveau pas vient d’être franchi!


  • Morgane Lemasson
    Université Laval

    Morgane Lemasson est détentrice d’un doctorat de neurosciences de l’Université de Paris VI. En 2005, elle se joint au laboratoire du Dr Armen Saghatelyan à l’Institut universitaire en santé mentale de Québec afin d’y effectuer un premier post-doctorat sur les mécanismes de migration neuronale chez l’adulte; travail qui a fait l’objet d’une publication en coauteur avec Marina Snapyan (The Journal of Neuroscience, avril 2009, 1;29 (13) : 4172-88). Travaillant présentement au laboratoire du Dr Martin Beaulieu, Morgane Lemasson réalise une étude sur les maladies mentales et l’effet des antidépresseurs sur le cerveau.

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