Informations générales
Événement : 84e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 300 - Lettres, arts et sciences humaines
Description :Si le phénomène religieux continue d’évoluer dans des sphères qui lui étaient propres, il se maintient également là où on pensait le voir disparaître et rejaillit là où on ne l’attendait pas : milieux artistiques, entreprises de tendance, établissements de santé, médias, système scolaire, monde politique, débats féministes et arène juridique. Pour cette raison, les manifestations du religieux suscitent parfois des incompréhensions, voire des tensions entre des systèmes de valeurs perçus ou présentés comme concurrents, et entrent dans les débats publics par le biais des arènes médiatique et politique. Ces points de contact contribuent à transformer, en retour, le religieux. En effet, celui-ci se nourrit et se transforme à partir de ses interactions avec la sphère séculière, qu’il s’agisse d’objets, d’individus ou de lieux, mais aussi de l’État, du droit et de régulations propres aux sociétés de consommation. L’« activité religieuse en train de se faire » procède dès lors de la confrontation circonstancielle du religieux avec ces éléments. Le fait religieux n’est jamais un donné, mais plutôt un produit qui peut se définir ou dont l’existence peut être remise en cause à tous moments. Dans ce contexte, on assiste aujourd’hui à un paradoxe : alors même que la présence de champs traditionnels du savoir universitaire, comme la théologie ou l’exégèse, paraît menacée au sein des universités, une compréhension scientifique globale du religieux est plus que jamais nécessaire. En effet, si la complexification du champ religieux bouleverse toujours plus les frontières des champs disciplinaires, elle en souligne aussi la complémentarité. Le colloque vise donc à répondre aux questions suivantes : quels sont les nouveaux lieux d’émergence et d’expression du religieux? Dans quelle mesure les savoirs universitaires permettent-ils d’en saisir les déplacements? Quels enjeux épistémologiques implique l’analyse interdisciplinaire du phénomène religieux contemporain?
Dates :- David Koussens (UdeS - Université de Sherbrooke)
- Corentine Navennec (UdeS - Université de Sherbrooke)
- Jean-Philippe Perreault (Université Laval)
Programme
Ouverture du colloque
L'analyse scientifique du religieux : nouveaux enjeux épistémologiques (Partie 1)
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Enjeux institutionnels et scientifiques dans l'étude du religieux au Québec : bilan et prospectiveCatherine Foisy (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Devant la conjoncture contemporaine de l'étude du religieux au Québec, notamment marquée par des transformations institutionnelles et scientifiques majeures, il s'avère pertinent de proposer un bilan de son déploiement depuis près de cinquante ans (Larouche et Ménard, 2001). Tout en reconnaissant le rôle matriciel joué par le catholicisme dans l'élaboration des sciences des religions au Québec (Mager et Cantin, 2010; Warren, 2014; Meunier, 2015), cette communication s'attardera à circonscrire les grandes étapes de structuration de la pratique des sciences des religions au Québec comme champ disciplinaire spécifique et autonome.
Il s'agira d'abord d'exposer les contextes d'émergence et de développement propres aux diverses institutions impliquées dans les sciences des religions. Par la suite, et suivant une logique d'étude de cas, une analyse sera proposée de l'évolution scientifique et institutionnelle du Département de sciences des religions de l'UQÀM, depuis sa fondation jusqu'à aujourd'hui. Enfin, en reprenant le tableau brossé précédemment, il sera possible de dresser un portrait institutionnel et scientifique d'ensemble de la situation actuelle de l'étude du religieux au Québec.
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L'horizon ouvert de l'étude du religieuxRaymond Lemieux (Université Laval)
Alors que les questions politico-religieuses prennent de plus en plus l'avant-scène des dynamiques de conflit entre les peuples et au sein des États eux-mêmes, les lieux d'étude de la religion sont mis en précarité. De quoi cela fait-il symptôme?
Au vingtième siècle, cette étude s'est attachée à analyser l'effondrement apparent des structures traditionnelles d'encadrement des communautés humaines qu'assuraient les religions. Elle a aussi multiplié les hypothèses concernant les retours et ébullitions de religiosité éclatée. Sans renier cette voie, toujours féconde même si menacée d'épuisement, on peut poser la question autrement : l'effondrement ne viendrait-il pas du de la fragilisation des communautés elles-mêmes, incapables de produire du sens commun? Dans cette perspective, nous tenterons de mieux saisir comment les régulations marchandes du monde, désormais hégémoniques et globalisées, structurent la logique même des perceptions disponibles du monde, y compris sur le plan moral, religieux ou spirituel.
Bref, des modes inédits de régulation du désir et de l'action humaine s'imposent. Quels sont- ils? Comment se déploient-ils? Comment transforment-ils le «religieux» lui-même? Quelles fonctions lui assignent-ils? Peut-on envisager, à partir de ces questions, des chantiers originaux pour l'étude du religieux?
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Quelles réflexions sur la religion?Solange Lefebvre (UdeM - Université de Montréal)
Les transformations universitaires, en Europe comme au Canada, mettent à mal les sciences humaines. La théologie n'est pas épargnée, voire même les sciences des religions comme discipline. La religion ne devrait-elle qu'être qu'un objet disséminé dans l'éventail des disciplines ou doit-elle conserver un champ spécialisé? La théologie doit-elle être renvoyée aux écoles de foi privées ou élaborée dans un dialogue scientifique et critique avec les autres disciplines universitaires? Derrière ces questions se profilent des tendances dominantes orientant les savoirs vers l'utilité technique et la professionnalisation.
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Le théologien nu devant la liturgieÂngelo Cardita (Université Laval)
Une compréhension rituelle de la liturgie est aujourd'hui vouée à un double échec : d'un point de vue théologique, on travaillerait avec une « réduction »; d'un point de vue socio-anthropologique, on ferait référence à une réalité « dépassée ». Dans cette communication, je plaiderai pour une approche où ni la théologie défend Dieu, ni les sciences humaines renient sa « présence » comme interlocuteur et acteur à l'œuvre dans les dispositifs croyants. L'apologie théologique ne diffère pas de l'idéologie socio-anthropologique. Au contraire, les deux positions se nourrissent et se confirment mutuellement et ainsi elles faussent les réalités qu'elles-mêmes désirent affirmer. La preuve se trouve dans une considération du rite religieux en amont de toute apologétique théologique ainsi que de toute réduction anthropologique. « In its own right », le rite religieux semble confirmer l'hérésie d'un Dieu « trop humain » ainsi que la vision réactionnaire d'un être humain structurellement et profondément « dépendent ». Devant un tel paradoxe « théo-antropologique », l'anthropologue, le psychologue, le sociologue sont sûrement dans l'inconfort, mais le théologien s'y retrouve complétement nu. En même temps, un tel paradoxe semble être le seul critère capable d'ouvrir un chemin au cœur du pluralisme et des conflits des interprétations conduisant vers une compréhension de la dimension religieuse de l'expérience humaine – même là où l'on ne s'y attendrait pas…
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Période de questions
Dîner
L'analyse scientifique du religieux : nouveaux enjeux épistémologiques (Partie 2)
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Le théologal où on ne l'attend pas : nouveaux enjeux pour la recherche théologiqueMarc Dumas (UdeS - Université de Sherbrooke)
L'analyse interdisciplinaire du phénomène religieux permet de mieux décrire les lieux d'émergence du religieux aujourd'hui. D'une société relativement homogène qui avait ses lieux pour exprimer le religieux (credo, textes sacrés, rites, symboles, communautés de foi, etc.), nous vivons aujourd'hui les conséquences du processus de sécularisation : dé-traditionalisation en christianisme, recherches tous azimuts de sens et de spiritualités, pluralisation des propositions issues des traditions religieuses, accommodations à la société matérialiste et de consommation, etc. Il y a des pèlerins et des convertis; il y a aussi des analphabètes du religieux et d'autres qui s'enlisent dans des croyances destructrices, aliénantes et violentes qui défigurent les traditions religieuses...
Dans ce contexte effervescent, la pratique théologique est menacée de délitement. Mon objectif est d'explorer ce que les théologiens/nes entreprennent pour traquer le théologal au cœur des déplacements et bouleversements du religieux. À travers les propositions de Tillich (théologie de la culture), De Certeau (Fable mystique) ou encore Gisel (mise en scène de la théologie en société), qui me serviront de catalyseur pour préciser les enjeux de la recherche théologique en modernité avancée, je souligne l'apport critique de la perspective théologique face aux phénomènes religieux contemporains, et par conséquent plaide pour un dialogue interdisciplinaire inclusif du caractère théologal du religieux.
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Islam et sciences humaines : de la réticence académique à l'incompréhension socialeMohamed Ourya (UdeS - Université de Sherbrooke)
Qu'est-ce que l'islam ? Une question vague et déroutante, comme le pourraient être aussi les réponses. Il est tantôt perçu comme une religion, tantôt comme une hérésie. Il est perçu aussi comme une idéologie pourvoyeuse de violence, un système de droit fondé sur les peines corporelles ou un bloc géopolitique homogène, en dépit des guerres interminables en son sein depuis son aube. Ces difficultés de représenter l'islam en Occident, en dépit de sa présence devenue séculaire sur son territoire, proviendrait d'une vision essentialiste qui fait fi de l'islam historique. Celui-ci pourrait être saisi par ce que Mohamed Arkoun appelle l'islamologie appliquée, une discipline qui l'a voulue ouverte à toutes les manifestations de l'islam.
Cette présentation a pour objectif de mettre en valeur l'importance, ou peut-être la nécessité devenue urgente, de l'émergence d'un discours scientifique sur l'islam en Occident dans les savoirs universitaires, en tant qu'expression du religieux contemporain de plus en plus visible. Ce discours, dont l'absence favoriserait un entretien de l'incompréhension et de l'alarmisme, permettrait de faire la différence entre ce qui est idéologique militant et ce qui est épistémologique désintéressé.
Pour ce faire, sera utilisée la méthode empruntée à l'islamologie appliquée, dont l'un des objectifs est justement de substituer au climat de méfiance et de dénigrement réciproque, l'exigence d'une recherche scientifique solidaire.
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Pour une approche interdisciplinaire de l'étude de l'islamisme contemporain : apports, difficultés et enjeuxWael Saleh (UdeM - Université de Montréal)
À ce jour, la réduction et/ou la classification disciplinaire du savoir sur l'islamisme (souvent situé entre l'islamologie et la science politique) semblent avoir eu sur ce monde une incidence trop fragmentée et réductionniste. Cela cache le phénomène et ses problèmes dans un milieu de systèmes complexes et, de ce fait, on se tourne vers l'interdisciplinarité comme stratégie de contournement des obstacles. C'est pourquoi l'interdisciplinarité doit s'accomplir à travers une réflexion épistémologique métadisciplinaire visant une étude de l'islamisme à la fois et inséparablement empirique, théorique et épistémologique.
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À qui appartiennent les spiritualités autochtones? Quelques défis posés aux chercheurs universitairesClaude Gélinas (UdeS - Université de Sherbrooke)
La spiritualité occupe une place centrale dans les processus contemporains de guérison et de revendications politiques et identitaires au sein des collectivités autochtones nord-américaines. Or, dans un contexte où cette spiritualité est désormais largement accessible et présente un attrait marqué pour de nombreux Occidentaux, il en découle un souci chez les autochtones d'exercer une forme de contrôle sur leur patrimoine religieux, voire d'affirmer et de défendre un droit de propriété sur celui-ci. Cela peut se traduire par un rapatriement dans les communautés d'objets à caractère religieux conservés dans les musées, par des démarches politiques ou juridiques pour contrer l'appropriation de certaines composantes de leur sphère religieuse, par une forme d'entrée en clandestinité de certains us et coutumes ou par des restrictions ou des refus imposés à ceux qui souhaitent étudier la dimension spirituelle en milieu autochtone. De telles initiatives ne sont pas sans soulever des défis pour les chercheurs universitaires intéressés à mieux comprendre la dimension spirituelle au sein des cultures autochtones. Plus fondamentalement, ce contexte invite à réfléchir sur la compatibilité de la notion de propriété en lien avec la religion et la spiritualité et à définir une éthique relationnelle qui prendrait en considération les préoccupations et les aspirations à la fois des autochtones et des chercheurs en vue de favoriser entre eux un rapport de collaboration respectueuse.
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Période de questions
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Pause
Sur le terrain du religieux : enjeux méthodologiques
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Les méthodes quantitatives et l'étude des nouveaux lieux d'expression du religieuxSarah Wilkins-Laflamme (University of Waterloo)
L'analyse de statistiques sociales et de données confessionnelles chiffrées a longtemps été l'outil méthodologique par excellence des sociologues pour démontrer le déclin des indicateurs traditionnels de religiosité en Occident. Cela dit, les modes d'expression du religieux ne disparaissent pas pour autant, se créant plutôt et évoluant au sein même des contextes sociaux dits sécularisés. Que peuvent donc nous apporter les méthodes quantitatives quant à l'étude de ces manifestations du religieux au 21e siècle? L'impact du religieux et du non-religieux sur les attitudes et comportements politiques des Québécois sera employé comme exemple empirique afin de saisir les apports et limites de cette approche méthodologique.
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L'« innovation religieuse » : de la théorie au terrainFrédérique BONENFANT (Université Laval), Steeve Bélanger (Université Laval)
Aborder les phénomènes d'« innovation religieuse » pose de nombreux problèmes à la fois d'ordre terminologique, conceptuel, méthodologique, épistémologique et appliqué. L'on peut s'interroger à savoir si l'« innovation religieuse » constitue un concept d'analyse clair et opératoire pour étudier les phénomènes de changements religieux actuels ou antérieurs. Cette interrogation est d'autant plus importante que ce concept ne semble pas avoir fait l'objet d'un débat scientifique entre spécialistes des phénomènes religieux et la définition qu'on en fait est souvent trop générale pour permettre de distinguer les phénomènes d'« innovation religieuse » des autres phénomènes de transformations ou de changements religieux plus ou moins éphémère ou significatif. Ce constat nous a mené vers une réflexion double et complémentaire afin de définir le concept d'« innovation religieuse », et de lui offrir un cadre théorique éclairant lorsque le chercheur se déplace sur le terrain pour observer le religieux dans ses contextes d'émergence.
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Tracer les frontières du religieux : histoires de terrainDeirdre Meintel (UdeM - Université de Montréal)
Nos réflexions se basent sur une recherche sur la diversité religieuse au Québec ayant débuté en 2007. Plus de 230 groupes ont été touchés par l'enquête, qui a été réalisée a Montréal et dans plusieurs régions, soit, le Saguenay, l'Estrie, Lanaudière et les Laurentides. Orientée par une approche phénoménologique, la recherche s'est appuyée sur l'application d'outils méthodologiques communs à l'ensemble de l'enquête.. À travers cette étude, nous avons pu constater les difficultés entourant la définition du religieux comme objet d'étude. À l'aide de certains cas problématiques rencontrés sur le terrain, nous allons explorer les raisons de ces difficultés ainsi que ce qu'elles révèlent au sujet du religieux contemporain.
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La religion vécue dans le film documentaire et ethnographique : extraordinaire, dévalorisation, descriptionMonica GRIGORE (UdeM - Université de Montréal)
Une courte recherche suffit : de nombreux documentaristes et anthropologues ont exploré la religion à l'aide des images. Cela dit, le sociologue qui espère trouver dans le film documentaire ou ethnographique une démarche nuancée sur le sujet risque d'être déçu. Les réalisateurs de films semblent plutôt intéressés à décrire un problème social et des protagonistes. La religion est souvent présentée comme un fait extraordinaire, comme un élément relié à des enjeux de pouvoir ou comme un attribut de communautés pauvres, isolées ou en train de disparaître. Le regard posé sur la religion vécue des protagonistes, c'est-à-dire la religion telle qu'elle est comprise et pratiquée par les individus, semble se partager entre deux directions. Les anthropologues inclinent vers une description détaillée des croyances et des pratiques religieuses d'une communauté alors que les documentaristes remettent en question la religion des acteurs qu'ils mettent en opposition avec la religion officielle. En partant de trois exemples, je propose dans ma communication de réfléchir à la façon par laquelle les sociologues peuvent faire du film ethnographique un outil de recherche qui enrichit et complète la compréhension de la religion vécue.
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Période de questions
Mobilités et frontières du religieux (Partie 1)
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Les frontières du religieux et du séculier au prisme du public : deux études de cas de « conversion »Samuel Blouin (UdeM - Université de Montréal)
Dans cette communication, j'entreprends de réfléchir aux conditions épistémologiques et méthodologiques permettant aux chercheurs en sciences sociales d'étudier conjointement une variété de convictions morales. Alors que se développent les nonreligion studies, il apparaît nécessaire d'échapper à la dichotomie religieux/séculier qui condamne à travailler sur toutes les convictions à la lumière de l'analogie religieuse plutôt que de chercher à saisir ce qu'elles sont en propre, ce qui les distinguent et comment elles se déploient de façon similaire. Pour ce faire, je propose comme hypothèse de travail de considérer que la sécularisation aurait relégué la religion au statut de convictions parmi d'autres. Cette proposition invite à s'intéresser, au moins le temps de l'analyse, aux conditions sociologiques du maintien et du dépassement de la dichotomie entre le « religieux » et le « séculier », à l'heure où le religieux ne cesse d'être pris à partie dans des controverses publiques. À l'appui de deux études de cas de « conversions » célèbres, soit la conversion au catholicisme de Paul Claudel et le changement de sexe de Michelle Blanc, j'exposerai comment les concepts de valeurs et de public peuvent être employés pour problématiser la dichotomie. Je suggérerai finalement que le « religieux » et le « séculier » peuvent être appréhendés comme le résultat d'un processus de publicisation entretenant l'incommensurabilité de phénomènes sociologiques similaires, mais néanmoins différents.
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Réflexion sur les liens entre idéologies religieuses extrêmes se réclamant de l'Islam et les conditions matérielles, économiques et environnementales des pays concernésAlain Létourneau (UdeS - Université de Sherbrooke)
Certains ont pu récemment affirmer que c'est bel et bien de religion qu'il est question dans l'idéologie située quelque part entre le wahhabisme et le salafisme, à la source des attentats et conflits armés qu'on connaît sous diverses guises notamment en Afrique et en Afrique du Nord, même s'il s'agirait d'un effet de la « sortie de la religion » (Gauchet, 2016). D'autres ont pu défendre que ces extrémismes sont un effet plus ou moins direct des conditions à la fois économiques et environnementales qui se détériorent depuis quelques décennies spécialement au Moyen-Orient mais aussi dans d'autres régions sub-tropicales ou tropicales (Parenti, 2011; Guzman, 2013). Or William James soutenait que les relations entre phénomènes importent autant sinon plus que les termes qui se trouvent de fait en relation, et sur lesquels en général nous portons notre attention exclusive (Madelrieux, 2008). Le but de cette présentation est de revenir sur les termes de cette discussion en se demandant si le concept de multifactorialité ne pourrait pas être considéré afin de dépasser un diagnostic de pensée causaliste et quelques fois unilatéraliste. On voudra s'arrêter sur ce concept en se demandant s'il débouche sur plus qu'un paradoxe en permettant une approche nouvelle de traitement des problèmes.
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La grande fraternité blanche, un non-lieu d'étude du religieux contemporain?Dominic Larochelle (Université Laval)
La grande fraternité blanche serait un regroupement d'êtres ayant atteint un niveau supérieur de conscience et qui se seraient donné la mission de faire progresser l'humanité vers un stade avancé de son évolution spirituelle. On y retrouverait tous les maîtres des grandes traditions de l'humanité qui transmettent leurs messages par la voix d'individus choisis pour cette tâche. L'étude de la croyance en ces « maîtres ascensionnés » pose un certain nombre de problèmes au chercheur en sciences des religions, le principal étant que le phénomène d'« ascension spirituelle » tel que vécu par les adeptes semble échapper à plusieurs catégories d'analyse traditionnellement admises dans ce domaine.
Dans cette communication, nous tenterons de brosser un portrait des enjeux analytiques que pose l'étude de ce phénomène particulier qui reflète, il nous semble, un « non-lieu » du religieux. Nous disons « non-lieu » parce qu'il paraît en effet difficile d'identifier un lieu précis qui servirait d'assise claire à l'étude de ces croyances et des individus qui y adhèrent : pas de traditions précises, pas de regroupement institutionnel précis, pas de leader, etc. L'étude des maîtres ascensionnés et des individus qui transmettent leurs messages à l'humanité demande donc de revoir certaines catégories du religieux et demande d'analyser des croyances qui se développent dans des inter-espaces (une variété de traditions), dans des interstices structurels (des réseaux et des communautés virtuelles).
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Période de questions
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Pause
Mobilités et frontières du religieux (Partie 2)
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Les conditions du vraisemblable dans le croire contemporainOriane Elatri (Université Laval)
L'exposé portera sur les manières de croire des individus au sein des « Nouveaux Mouvements Religieux » en Occident. Plus précisément, il s'agit de décrire la façon dont les individus s'approprient aujourd'hui des contenus de croyances qui peuvent sembler de prime abord incohérentes ou invraisemblables, dans la mesure où elles paraissent en contradiction avec l'ensemble des croyances collectives. Souvent perçues comme des savoirs, les croyances collectives constitueraient les « conditions du vraisemblable » d'une croyance religieuse. Comment alors un individu (sain d'esprit) peut-il croire à de telles croyances « invraisemblables » ?
Nous prendrons comme point de départ les analyses sociologiques du phénomène contemporain dit de « bricolage religieux » à l'œuvre dans le « marché des biens de salut », qui expliquent le fait que les individus adoptent des croyances, de manière souvent éphémère, en fonction du besoin de trouver un sens à leur existence. Ce n'est pas ce besoin en tant que tel qu'il s'agit d'étudier, mais le fait qu'il soit décrit comme étant le fondement de l'adoption, utilitaire, d'une croyance, quitte à faire l'impasse sur la justesse de son contenu.
Cette manière inédite d'appréhender le religieux — de la pratique du yoga « à l'occidentale » au scientisme— traduit in fine une nouvelle manière d'appréhender la valeur et la notion de vérité à l'œuvre dans le fait de croire.
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Port du foulard islamique en contextes sécularisés : entre obsession et occultation du religieuxValérie Amiraux (UdeM - Université de Montréal)
L'obsession européenne pour le port du foulard islamique est une évidence dont les manifestations sont multiples et très variables d'un contexte à l'autre. À partir d'un terrain en cours de réalisation entre l'Europe et l'Amérique du nord, cette proposition de communication revient sur la place des citoyens pieux dans les espaces de citoyenneté des démocraties libérales européennes.
Il s'agit, en l'espèce, de s'interroger sur les conditions de possibilité d'une citoyenneté croyante, à partir des trajectoires de musulmanes ayant pris la décision de retirer leur foulard. Quelle est la portée d'une décision soustrayant au regard public ce qui symbolise « par excellence » le fait religieux islamique minoritaire ? Ce geste, visible pour certains, invisible pour d'autres, nous permet d'engager une réflexion sur plusieurs points (visibilité/invisibilité du croire, lisibilité et compréhension des manifestations croyantes, expressions plurielles de l'engagement croyant) qui définissent ce que l'on pourrait, provisoirement, appeler l'intelligibilité du religieux en contexte de sécularisation.
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Réflexions sur la place du facteur religieux chez les djihadistes canadiens
Comme bien d'autres États, le Canada et le Québec sont aujourd'hui confrontés aux défis du « djihadisme violent », qui se traduit par le fait que certains de leurs citoyens commettent, participent ou promeuvent des actes de violence au nom du djihad, au pays et/ou à l'étranger. Si le Canada avait déjà, par le passé, connu des épisodes de terrorisme politique et/ou religieux, ceux-ci étaient demeurés relativement limités dans le temps ou dans leur ampleur. Depuis la fin des années 1990 avec l'affaire Ressam, le groupe des « Toronto18 » ou de Via Rail, et les attaques de Saint-Jean sur Richelieu et Ottawa, le Canada est confronté à un nouveau cycle de terrorisme. Le nombre de Canadiens partis rejoindre des groupes combattant en Irak ou en Syrie a augmenté de 50 % au cours de la première moitié de 2015. S'il faut se garder d'en exagérer l'ampleur, les chiffres officiels semblent indiquer qu'il s'agit toutefois d'un phénomène en expansion. Mais que sait-on exactement de ces jeunes canadiens et canadiennes qui épousent la cause du djihadisme violent? Quels sont leurs profils, leurs trajectoires? Quelles sont les causes de cette radicalisation menant à la violence? Quels sont leurs motivations et leurs objectifs? En particulier, quelle est la place du religieux dans ces processus de radicalisation? Cette présentation se propose de mettre en perspective la question du religieux par rapport aux autres facteurs identifiés dans les trajectoires des djihadistes canadiens.
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Réponses républicaines à la diversité culturelle et religieuseKarel J. Leyva (UdeM - Université de Montréal)
La dernière décennie du XX siècle a été caractérisée, entre autres, par la consolidation d'une conception de la justice qui prend de plus en plus en compte les défis que la diversité culturelle et religieuse pose à l'égalité démocratique. Le fait qu'aux revendications traditionnelles pour une juste distribution de richesses se soit ajoutée une gamme de demandes identitaires parmi lesquelles celles visant la reconnaissance des droits culturels spécifiques a nourri les débats contemporains sur la légitimité des politiques multiculturelles. Dans ce contexte, les conséquences d'un pluralisme ethnoculturel croissant représentent un défi tant pour les stratégies gouvernementales de cohésion sociale ‒ le défi de devoir concilier une pluralité d'allégeances culturellement incompatibles- que pour la philosophie politique contemporaine. Notre présentation examine la manière dont le républicanisme répond à ces défis. Comment, par exemple, se positionne la philosophie républicaine quant aux accommodements raisonnables ? Et comment justifie-t-elle cette position ? Qu'en est-il du port des signes religieux dans les écoles publiques ? Ces questions, et d'autres similaires appellent à une analyse explorant les modalités républicaines d'argumentation normative quant à la régulation du religieux dans la sphère publique.
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Période de questions
Dîner
Spiritualité et santé
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Spiritualité et santé : deux champs pour repenser les études sur le religieux au Québec?Géraldine Mossière (UdeM - Université de Montréal)
Quoique rapide et quelque peu brutal, le processus de sécularisation de la société québécoise qui s'est amorcé à la fin des années 1960 n'est pas achevé. Après les institutions de santé et le système scolaire, le retrait de l'Église catholique semble désormais affecter le milieu académique où la présence de certaines unités qui lui sont historiquement liées est débattue. Si cette réflexion quant à la place des lieux de production du savoir théologique dans le milieu universitaire touche leur forme administrative, elle englobe également des questions épistémologiques puisque théologie et sciences des religions s'y trouvent réunies pour dialoguer autour d'un même objet. D'où des réflexions sur la pertinence même de l'objet, et l'apparition d'objets en mouvance, inédits ou réactualisés. Fortes de leur développement dans le milieu anglo-saxon, les études dans le domaine de la spiritualité participent de ces avenues de revitalisation du champ de la religion au Québec, où elles reflètent la reconfiguration du religieux dans des institutions désormais sécularisées. Ici, nous voulons explorer les possibilités de réorganisation épistémologique qu'offre l'actuelle mutation du religieux vers le spirituel en nous focalisant sur le domaine de la santé. En examinant les conditions d'émergence de la profession d'intervenants en soins spirituels ainsi que la réactualisation de l'intersection entre santé et salut, nous offrons un exemple d'orientation porteuse des études sur le religieux.
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L'étude de la spiritualité en salle de naissance : une approche transdisciplinaire
Le choc entre deux mondes opposés a eu lieu à la suite de rencontres a priori liées au hasard. Les deux mondes étaient l'obstétrique moderne au sein du CHU de Sherbrooke et l'étude du religieux contemporain au sein de la faculté de théologie. Un espace de recherche est né du constat d'un vide spirituel centré autour de la naissance : une réticence à nommer la spiritualité dans nos hôpitaux au moment où retentit le premier cri.
Des divergences méthodologiques ont rapidement surgi entre les deux domaines de recherche ; mais un consensus s'est dégagé autour de l'objectif de mettre des chiffres sur le spirituel afin d'être reconnu dans le domaine des sciences de la santé. Notre recherche interdisciplinaire a fini par prendre forme à partir d'intuitions plus que sur une base de recherche fondamentale et dans une optique d'ouverture plus que dans celle de la rigueur d'une étude clinique. Au terme de ce parcours de cinq années nous voulons partager nos choix, nos résultats, nos échecs et nos doutes. Aujourd'hui, la spiritualité est reconnue dans le monde de la souffrance, de la douleur chronique et des soins de fin de vie. Il est aussi possible, utile et pertinent que la spiritualité soit observée, explorée et définie au tout début de la vie, dans ce moment intense habité par le doute, la douleur et l'immense joie des parents,
Nous terminerons en nous interrogeant sur les étapes futures de cette recherche pionnière sur la spiritualité en salle de naissance.
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La spiritualité au cœur même du soin : survol historique de la relation soin-spiritualité et défis de sa réémergence actuelleMarie-Noëlle Bélanger-Lévesque (UdeS - Université de Sherbrooke)
Si religion et soin ont historiquement été de pair, l'avancée de la médecine occidentale, axée sur le corps, a pu laisser croire à l'éventuelle disparition du religieux/spirituel dans ce milieu. Toutefois, la spiritualité a su récemment ré-émerger sous forme d'une critique s'un système de santé déshumanisant bien que plusieurs obstacles ralentissent cette intégration: insuffisance de ressources humaines et financière, appropriation biomédicale de la spiritualité, peur du prosélytisme, etc. Il sera ici argumenté que cette réémergence passera là où on ne l'attendait pas : au cœur même du soin, dans la relation soignant-soigné.
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Négociation des pratiques de soin et manifestations de la différence : le quotidien des infirmières en périnatalitéEmilie Audy (Institut national de la santé publique)
Dans la foulée des accommodements raisonnables, de la Charte des valeurs et des débats sur la place de religieux dans la sphère publique québécoise, mon étude avait pour but de rendre compte de la place du religieux dans le soin de santé tel que dispensé et reçu. À l'appui d'une étude ethnographique des suivis postnataux à domicile sur un territoire montréalais, je montrerai que la rencontre entre des infirmières et des usagères appelle à la négociation des pratiques de soins. Toutefois, l'enjeu de ces négociations ne se limite pas à la place du religieux, mais inclut également des savoirs culturels, de croyances populaires, des traditions et des expériences de maternité que j'ai regroupées sous le nom de « culture profane » des usagères (en opposition à la culture professionnelle des infirmières). Je soutiendrai, dans cette présentation, que c'est principalement en modifiant leur rapport à la santé publique que les infirmières parviennent à négocier leur pratique. Je ferai la présentation d'une construction idéaltypique qui a permis de dégager cinq formes de négociation, à savoir la négociation par coopération, par compromis, par détachement, par adaptation typifiée et par coercition. Faire le récit de ces différentes formes de négociation permet d'expliquer la pratique infirmière au quotidien.
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Période de questions
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Pause
Assemblée générale de la Société québécoise pour l'étude de la religion
Cocktail de relance de la Société québécoise pour l'étude de la religion
Œuvres artistiques : expression du religieux contemporain?
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Clercs, religieux et ecclésiastiques dans la bande dessinée francophone contemporaine : un genre revisitéSara TEINTURIER (UdeM - Université de Montréal)
Depuis les années 1990, la bande dessinée francophone connaît une nouvelle vague de créativité et de production. Parmi la publication annuelle de plusieurs milliers d'ouvrages, le religieux dans ses différentes dimensions est présent à divers titres : satire (Sœur Marie-Thérèse des Batignolles, Odilon Verjus), ésotérisme (Le Triangle Secret, Le Décalogue), « BD chrétienne » (Le Messie, Mère Teresa de Calcutta), BD historique (Murena, Je suis cathare), BD documentaire (Salomé et les hommes en noir, Les Mauvaises Gens)… Lorsque le catholicisme est mis en scène, une figure plus particulière se détache : celle du prêtre ou du / de la religieux.se. À travers un échantillon d'environ soixante ouvrages québécois, français et belges, choisis compte tenu de leur caractère « grand public » et profane, cette communication s'interroge sur les représentations des clercs et religieux.ses dans trois sociétés contemporaines en situation d'exculturation du catholicisme. L'image du clerc / religieux.se révèle, à ce titre, quelques surprises. Parfois doté d'une personnalité complexe, à l'instar des héros contemporains aux trajectoires composites où l'autonomie des choix l'emporte sur les destins tracés, le clerc ou religieux expérimente avant d'appartenir à une institution ; il s'engage et milite, parfois loin des sentiers battus ; il s'interroge sur son orientation sexuelle. Situations communes ? Sa posture n'est pour autant pas nécessairement banalisée.
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Le religieux dans le genre du superhéros : vers une herméneutique pluraliste inspirée par la pensée de McLuhanEtienne Domingue (UdeS - Université de Sherbrooke)
Le genre du super-héros s'impose de plus en plus dans l'imaginaire populaire. Les fictions de ce type suscitent l'intérêt des savants en raison de leur façon de véhiculer l'idéologie à travers des situations fantastiques. Les diverses manifestations du genre abordent implicitement ou explicitement des thèmes dont il est également question dans les discours religieux contemporains : autonomie et théonomie en éthique ; sacralité des hiérarchies, de l'environnement, des relations, de l'âme et du corps ; cosmogonie et eschatologie ; etc.
Pour ne pas traiter à tort et à travers de l'enchevêtrement des univers religieux et fantastiques, il importe d'aborder cette convergence sous plusieurs angles susceptibles d'en faire ressortir les sens sans lui imposer de cohérence réductrice. Dans cet optique, une herméneutique pluraliste basée sur les perspectives interprétatives de Marshall et Eric McLuhan est tout indiquée. La méthode McLuhan propose trois angles d'approche, trois rapports d'altération entre culture de l'imaginaire et religieux contemporain : le super-héros critique, récupère et déconstruit les récits, discours et autres réalités du religieux. Puisque le temps et l'espace consacré à l'étude sont restreints par des considérations pratiques, son échantillon est limité aux « comic books » de super-héros des trente dernières années, à leurs produits dérivés et à la littérature savante qui s'y réfère.
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Le déplacement de la représentation du religieux chez les peintres européens entre le siècle des Lumières et le 20e siècle (ou entre Gainsborough et Picasso)Raphaël Mathieu Legault Laberge (UdeS - Université de Sherbrooke)
Les thématiques religieuses sont l'objet d'un véritable culte chez certains artistes picturaux, pensons à Paul Borel ou Bernard Benezet par exemple. En ce domaine, le recours au religieux est à ce point important que nous pouvons même parler d'art religieux, renvoyant aux icônes et autres représentations s'étant taillées une place dans le panthéon des œuvres d'art. Qu'en est-il des peintres européens qui ont marqué, voire même façonné la modernité? Nous postulons qu'entre le siècle des Lumières et le 20e siècle s'est opéré un déplacement de la représentation du religieux chez les peintres, le même déplacement qu'a connu le religieux durant cette période. Nous utiliserons ici les productions culturelles en tant qu'indices de la culture et nous tenterons d'observer chez les peintres européens le processus de sécularisation qui a caractérisé la modernité (Gauchet, 1998). Pour ce faire, nous proposons une herméneutique (Grondin, 1993) des réalisations de divers artistes picturaux. Afin de plonger plus en avant dans cette hypothèse, nous définirons, dans un premier temps, une grille d'observation qui nous permettra de lire les tableaux des artistes. Cette grille renverra aux traits fondamentaux qui ont marqué le processus de sécularisation. Par la suite, pour chacun des siècles qui nous intéressent, nous sélectionnerons certains peintres et nous utiliserons notre grille d'observation afin d'analyser et d'interpréter leurs réalisations.
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Période de questions
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Pour une étude du religieux au musée : le cas des arts de l'islam à Paris et à TorontoDiletta Guidi (UdeM - Université de Montréal)
Paris, Berlin, Londres, New York, Washington, Honolulu, Copenhague, Athènes, Toronto, voici seulement quelques unes des villes qui abritent des musées consacrés à l'islam. Depuis quelques années, on assiste à une sorte d'islamania muséale : de plus en plus d'institutions culturelles, majoritairement européennes et nord-américaines, décident d'investir dans ce secteur artistique. En dépit de cette présence numériquement importante, il n'existe quasiment aucune étude en sciences sociales sur la place de l'islam au musée.
Pourtant, et c'est la thèse de cette communication, s'intéresser à la présence de l'islam dans les institutions culturelles permet de réfléchir à un certain nombre de questions importantes relatives à l'histoire des représentations et à la sociologie de l'État. A travers une comparaison entre le cas français et l'exemple canadien nous allons en effet montrer qu'enquêter sur la nature et la place réservées à la « religion musulmane » et / ou à la « culture islamique » dans les musées c'est interroger à la fois les imaginaires publics et l'action politique, le rapport qu'entretiennent les gouvernements avec leur passé colonial (en France) et leur présent multiculturel (au Canada). A travers la comparaison franco-canadienne cette communication se propose de visibiliser un terrain scientifique jusqu'à présent peu exploré malgré la richesse des données qu'il est susceptible de fournir. C'est une invitation à la visite.
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L'homme, la terre, le fleuve : de l'immanence à la transcendance dans L'Ode au Saint-Laurent du poète québécois Gatien LapointeRodolfo Felices Luna (UdeS - Université de Sherbrooke)
Récipiendaire du prix du Gouverneur Général, du prix Du Maurier et du prix de la province de Québec, le recueil de poésie intitulé L'Ode au Saint-Laurent, publié en 1963, signe à sa façon l'entrée du Québec en «Révolution tranquille». Le recueil chante certes l'amour du pays dans des catégories nouvelles par rapport à celles de la littérature du terroir passée. Cependant, si le recueil a été rapidement salué et revendiqué par le mouvement nationaliste de l'époque, ce serait réducteur de l'y confiner. Une lecture attentive révèle un imaginaire davantage anthropologique et cosmologique que politique. Les toponymes sont plutôt rares et l'enracinement local fait une bonne place à l'universalisation des rapports de l'homme avec la terre qu'il habite et qui le façonne à son tour. Le rapport de l'humain au sol et au fleuve témoigne également d'une préoccupation pour le temps mythique des origines. Il s'y manifeste une réflexion sur la finitude de l'existence, voire sur le combat à livrer contre le temps et la mort. Le propos dépasse ainsi largement les préoccupations ethno-politiques des années soixante et soixante-dix au Québec. Le recueil déploie une nouvelle vision de l'humain et de son monde, où la question de la survie et de la transcendance sont posées sur fond de toile d'une nature coextensive à l'humain. Du coup, les questions religieuses ou spirituelles s'invitent là où elles n'avaient supposément plus droit de cité : dans la poésie d'émancipation nationale.
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Période de questions
Dîner
Droits fondamentaux : expression du religieux contemporain
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L'influence du religieux sur l'activisme humanitaire : le cas du Comité chrétien pour les droits humains en Amérique latineMaurice Demers (UdeS - Université de Sherbrooke)
Plusieurs organismes québécois de solidarité internationale ont des origines chrétiennes. Le cas des organismes dédiés à la solidarité avec l'Amérique latine est manifeste à cet égard, s'appuyant, avec le temps, sur les préceptes moraux de la théologie de la libération pour dénoncer les injustices de la région. Il est toutefois important de noter que la représentation des causes de l'oppression, ainsi que les actions prises par les représentants de l'Église catholique en faveur des luttes sociales latino-américaines ont grandement évolué dans la deuxième moitié du XXe siècle. Qu'est-ce qui explique cette évolution ? Comment les coups d'État successifs en Amérique latine dans les années 1960 et 1970, ainsi que la répression qui se poursuit dans les années 1980 et 1990 ont suscité des campagnes et des actions de solidarité au Québec avec les persécutés d'Amérique latine ? Je répondrai à cette problématique en analysant le cas des campagnes organisées par le Comité chrétien pour les droits humains en Amérique latine (CCDHAL) de 1976 à 1996. Pour ce faire, j'utiliserai les articles publiés dans Caminando, publication du CCDHAL, ainsi que des témoignages que j'ai récoltés auprès d'anciens missionnaires qui ont collaboré avec le CCDHAL par le passé.
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Religions sans frontières? Analyse de l'interférence entre le religieux et les nouveaux modes de production du droitSafa Ben Saad (UdeS - Université de Sherbrooke)
La production des normes juridiques prend de nouvelles formes (Ost, Van de Kerchove, 2002). La mondialisation a facilité l'émergence d'un droit global. Les modes horizontaux de production du droit transforment la structure de la norme juridique et laissent songeur quant à ses fondements et sources. Si la problématique de la relation entre droit et religion semble classique, elle associe généralement l'identité religieuse et culturelle à un système juridique national défini par un cadre géographique précis.
Le droit global ne correspond pas à un ordre juridique particulier, fût-il international (Frydman, Lewkowics, 2012). Il est sensé s'affranchir des spécificités liées à chaque ordre juridique et des sociétés qui le produisent. Paradoxalement, la confusion normative que suscitent ses sources (codes de bonne conduite, valeurs éthiques, héritages juridiques nationaux), laisse la porte ouverte à une intrusion du religieux.
La religion se révèle être un facteur d'union, de rapprochement, «porteuse de grâce, d'espérance» comme la décrivait Carbonnier (1993). L'harmonisation passe-t-elle par une unification des principes, des mœurs? Est-elle une recherche de ce qui est commun ou une abstraction des différences?
L'objectif de cette analyse est de déceler la présence de l'élément religieux dans les nouveaux modes de production du droit. Suivant une démarche interdisciplinaire, cette proposition tend à démontrer que le religieux s'accommode aux évolutions de la production normative.
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Expérience d'immigration comme expérience des droits fondamentauxClaude GÉLINAS (UdeS - Université de Sherbrooke), Pierre C. Noël (UdeS - Université de Sherbrooke)
Dans le cadre d'un séminaire de recherche interdisciplinaire, nous avons traité de l'intégration des immigrants à partir de l'angle disciplinaire de l'anthropologie et celui des sciences religieuses. Notre hypothèse de départ était que les droits fondamentaux établissaient la limite d'action de l'État et des groupes religieux dans l'intégration des migrants. Le croisement interdisciplinaire a amené des résultats qui nous ont surpris. En effet, il est ressorti que c'est l'émigrant lui-même à travers son processus migratoire qui fait une expérience des droits fondamentaux et c'est cette expérience qui favorise grandement son intégration dans nos sociétés occidentales. Cette expérience précède donc l'intervention de l'État ou d'un groupe religieux. Dans la présente communication, nous proposons d'approfondir et de valider cette nouvelle hypothèse en revisitant nos données et en intégrant de nouvelles.
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La régulation juridique aux prises avec le tatouage religieux, ressource d'expression de la religion vécueAmélie BARRAS (York University), Anne Saris (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Au Canada, environ 30% de la population porte des tatouages. Parmi ces derniers figurent des tatouages à connotation religieuse. Offrant un pas de côté par rapport aux objets classiques de l'étude du religieux contemporain (institutions, dogmes, signe religieux « populaires » (hijab, turban)), cette manifestation individualisée, contextuelle, plurielle et « embodied » de la foi est encore peu étudiée.
Elle soulève de nombreuses questions : s'agit-il d'une nouvelle pratique religieuse ? Qui comprend-elle : les tatoués, les tatoueurs (« nouvel interprète » de la religion) ? Que penser de l'utilisation du support corporel, sphère de l'intime mais sphère aussi dévoilable sous certaines conditions maitrisées par l'agent à autrui et selon des stratégies diverses ? Ces tatouages préfigurent-ils d'une nouvelle compréhension des signes religieux et à ce titre constituent-ils de nouvelles stratégies de résistance, d'exploration de l'agentivité, ou au contraire de reproduction face à des constructions dominantes culturelles ? Le caractère objectivement inenlevable (i.e. indélébile) de ce signe met-il en porte à faux le sous bassement de la régulation par le juridique de la visibilité individuelle du religieux ?
Pour analyser ces tatouages, nous nous proposons de recourir au cadre analytique de la « religion vécue » (ex. Orsi, 2003; McGuire, 2008; Sullivan, 2005 ; Schielke et Debevec, 2012) et de questionner la capacité de la régulation juridique à l'appréhender.
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Période de questions
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Mot de clôture